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31/07/2019 | FRANCE | N°18PA03109

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 juillet 2019, 18PA03109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Parvis a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires des 13 mai 2014, 4 août 2014 et 31 mars 2015 par lesquels la maire de Paris lui a demandé le paiement de droits de voirie additionnels pour les années 2014 et 2015, de déclarer illégal l'avis à tiers détenteur du 2 juin 2017 et de la décharger du paiement de la somme totale de 54 767,81euros.

Par une ordonnance n° 1711096 du 13 juillet 2018, le vice-président de la 4ème section du tribunal admin

istratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Parvis a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires des 13 mai 2014, 4 août 2014 et 31 mars 2015 par lesquels la maire de Paris lui a demandé le paiement de droits de voirie additionnels pour les années 2014 et 2015, de déclarer illégal l'avis à tiers détenteur du 2 juin 2017 et de la décharger du paiement de la somme totale de 54 767,81euros.

Par une ordonnance n° 1711096 du 13 juillet 2018, le vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2018, la société Le Parvis, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1711096 du 13 juillet 2018 du vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) de déclarer illégale l'opposition à tiers détenteur du 2 juin 2017, d'annuler les titres exécutoires des 13 mai 2014, 4 août 2014 et 31 mars 2015 et de la décharger du paiement de la somme totale de 54 767,81 euros réclamée au titre des droits de voirie pour les années 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance, le premier juge a méconnu le principe du contradictoire et les dispositions des articles R. 611-7 et R. 222-1 du code de justice administrative, sa requête de première instance n'étant pas irrecevable de façon manifeste, dès lors que l'application de la jurisprudence Csabaj nécessite l'appréciation de circonstances particulières et que le Conseil d'Etat n'a pas encore apprécié comment elle s'articule avec les exceptions d'illégalité ;

S'agissant de la tardiveté de sa demande retenue par le premier juge :

- l'application rétroactive qui lui est faite de la jurisprudence Czabaj la prive de son droit d'accès au juge protégé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a introduit sa demande dans le délai de deux mois suivant l'avis à tiers détenteur par lequel elle a eu connaissance des créances litigieuses ; le titre exécutoire du 13 mai 2014 n'avait jamais été porté à sa connaissance auparavant ;

S'agissant du bien-fondé de sa demande :

- les titres exécutoires sont irréguliers en l'absence de mention suffisamment précise des bases de liquidation, en méconnaissance des exigences de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- ils sont entachés d'erreur de droit et méconnaissent, ainsi que la délibération des 28, 29 et 30 mars 2011 portant création des droits de voirie additionnels et l'arrêté du 23 décembre 2014 fixant les tarifs, les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en l'absence de prise en compte des avantages spécifiquement procurés par des installations au titre desquelles les droits de voirie additionnels sont réclamés, tant s'agissant de leur mode de calcul annuel et forfaitaire que de la fixation du montant du tarif appliqué, qui est disproportionné et discriminatoire ;

- ils sont entachés d'erreur de fait, la Ville de Paris n'étant pas en mesure de justifier la présence des dispositifs au titre des exercices en cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2019, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Le Parvis.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est régulière ;

- l'action est tardive, la société ayant eu connaissance des trois titres exécutoires contestés au plus tard à la date des courriers des 28 mars 2015 et 28 mai 2015 par lesquelles elle les a contestés ; l'avis à tiers détenteur n'a pu rouvrir le délai de recours ;

- si par extraordinaire la Cour censurait le jugement attaqué, il conviendrait de renvoyer l'examen de la requête de première instance au tribunal afin de permettre un examen au fond du litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me Meilhac, avocat de la société Le Parvis, et de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Parvis exploite un fonds de commerce de café, brasserie, à l'angle des rues Saint-Martin et Aubry le Boucher à Paris. Elle dispose d'autorisations d'occupation du domaine public. Par une requête enregistrée le 30 juin 2017 au greffe du tribunal administratif de Paris, elle a demandé, d'une part, que le tribunal " déclare illégal " l'avis à tiers détenteur dont elle a reçu notification par courrier du 2 juin 2017, d'autre part, annule les titres exécutoires des 13 mai 2014, 4 août 2014 et 31 mars 2015 par lesquels le maire de Paris a mis à sa charge les sommes respectives de 11 989,17 euros au titre des droits de voirie ordinaires pour l'année 2013, 12 163,23 euros au titre des droits de voirie ordinaires pour l'année 2014 et 30 615,41 euros au titre des droits de voirie ordinaires et additionnels (dispositifs de chauffage) pour l'année 2015 et, enfin, la décharge du paiement de la somme totale de 54 767,81 euros. La société Le Parvis fait régulièrement appel de l'ordonnance du 13 juillet 2018 par laquelle le vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête comme manifestement irrecevable.

Sur la régularité de la procédure suivie :

2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué./ Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles (...) R. 222-1 (...) ".

3. S'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le président de formation de jugement qui rejette une requête comme manifestement irrecevable en faisant application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative n'est pas tenu de suivre une procédure contradictoire, ni d'informer préalablement les parties, dans les conditions prévues par l'article R. 611-7 du même code, de l'irrecevabilité qu'il entend soulever d'office, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, comme en l'espèce, la décision juridictionnelle intervienne par ordonnance après mise en oeuvre de la procédure contradictoire et communication aux parties d'une information sur la cause d'irrecevabilité que la juridiction entend soulever d'office.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion de deux mois, prévu par la seconde, lui soit opposable.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

6. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

7. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

8. Il résulte de l'instruction que la société Le Parvis a eu connaissance des titres exécutoires des 13 mai 2014, 4 août 2014 et 31 mars 2015 par des " avis des sommes à payer " qu'elle a reçus par courriers simples et tous produits dans le cadre de l'instance de première instance, alors même qu'elle soutenait n'avoir eu connaissance de l'existence du titre exécutoire du 13 mai 2014 que par la notification, par courrier du 2 juin 2017, d'un avis à tiers détenteur récapitulant les sommes dues au titre de ces trois titres exécutoires. Par un courrier du 28 mars 2015, elle a manifesté sa connaissance des deux premiers titres exécutoires en demandant à l'administration des dégrèvements. Par un autre courrier rédigé par son avocat le 28 mai 2015, qu'elle dit avoir envoyé à l'administration sans apporter la preuve de sa réception, elle manifeste une connaissance complète du titre exécutoire du 31 mars 2015. Avant l'émission de l'avis à tiers détenteur contesté, elle a accusé réception, les 18 septembre 2015, 3 février 2016 et 23 septembre 2016 de trois courriers de relance envoyés en recommandé avec accusé de réception par le comptable, courriers qui tous reprenaient de façon complète les mentions essentielles de chacun des trois titres exécutoires. Ainsi, à la date du 30 juin 2017 à laquelle elle a saisi le tribunal administratif, la société Le Parvis, qui ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant un dépassement du délai mentionné au point 6, avait connaissance depuis plus d'un an des trois titres exécutoires qu'elle attaquait. Dès lors, sa demande d'annulation des titres exécutoires et de décharge des sommes en cause était tardive et irrecevable. La circonstance qu'un avis à tiers détenteur, qui n'est pas le premier acte de poursuite porté à sa connaissance, a été émis le 2 juin 2017 n'a pu rouvrir ou prolonger le délai d'un an dont elle disposait pour les contester. La contestation du bien-fondé de cet acte de poursuite était également, de ce fait, tardive.

9. Il résulte de ce qui précède que le vice-président de la quatrième section du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ou d'appréciation en jugeant que la requête de la société Le Parvis était manifestement tardive et irrecevable. Il a pu, dès lors, rejeter cette requête par ordonnance sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui n'est pas partie perdante, verse à la société appelante la somme qu'elle demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Parvis une somme de 1 000 euros à verser à la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Parvis est rejetée.

Article 2 : La société Le Parvis versera une somme de 1 000 euros à la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Parvis, à la Ville de Paris et au directeur régional des finances d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.A...

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03109
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-31;18pa03109 ?
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