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31/07/2019 | FRANCE | N°18PA00696

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 juillet 2019, 18PA00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société JPF Le Courcelles a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 389732 émis le 21 novembre 2012 à son encontre par le maire de Paris, de déclarer illégale l'opposition à tiers détenteur du 11 août 2017 et de la décharger du paiement de la somme de 11 087,61 euros qui lui est réclamée au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage de ses terrasses,

Par un jugement n° 1714164/4-3 du 28 décembre 2017, le tribunal adm

inistratif de Paris a annulé le titre exécutoire émis le 21 novembre 2012 à l'encontr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société JPF Le Courcelles a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 389732 émis le 21 novembre 2012 à son encontre par le maire de Paris, de déclarer illégale l'opposition à tiers détenteur du 11 août 2017 et de la décharger du paiement de la somme de 11 087,61 euros qui lui est réclamée au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage de ses terrasses,

Par un jugement n° 1714164/4-3 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire émis le 21 novembre 2012 à l'encontre de la société JPF Le Courcelles, déchargé cette société du paiement de la somme de 11 087,61 euros et mis à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 000 euros à verser à la société JPF Le Courcelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2018, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1714164/4-3 du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête de première instance de la société JPF Le Courcelles ;

3°) de mettre à la charge de la société JPF Le Courcelles une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne vise ni n'analyse le mémoire en défense qu'elle avait produit avant la clôture de l'instruction, qui en outre n'a pas été communiqué à la partie adverse en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; le jugement est entaché d'une omission à répondre à la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée ;

- la requête de première instance était irrecevable car tardive, le recours gracieux du 17 mai 2016 n'ayant pu prolonger le délai de recours au-delà d'un délai raisonnable d'un an.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2018, la société JPF Le Courcelles, représentée par Me Meilhac, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier ;

- la requête de première instance était recevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me Falala, avocat de la Ville de Paris, et de Me Meilhac, avocat de la société JPF le Courcelles.

Des notes en délibéré ont été enregistrées pour la Ville de Paris les 10 mai 2019 et 14 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société JPF Le Courcelles est propriétaire d'un fonds de commerce de café, vins, débit de boissons, sis 94 boulevard de Courcelles à Paris. Elle dispose d'autorisations d'occupation du domaine public viaire, pour l'installation de plusieurs terrasses. Le maire de Paris a émis le 21 novembre 2012 un titre exécutoire 00389732 d'un montant de 11 087,61 euros au titre de droits de voirie additionnels dus pour l'année 2012 du fait de l'installation de dispositifs de chauffage, somme que la société JPF Le Courcelles n'a pas réglée. Par une lettre simple du 31 mai 2016, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris s'est estimé incompétent pour statuer sur la réclamation formée le 17 mai 2016 par la société JPF Le Courcelles contre ce titre exécutoire et a indiqué avoir transmis la demande aux services compétents de la ville de Paris. Par une décision du 28 octobre 2016 notifiée par lettre simple, la maire de Paris a rejeté cette réclamation. Un avis à tiers détenteur a été émis le 11 août 2017 pour avoir paiement de la somme de 11 087,61 euros. Par une requête enregistrée le 11 septembre 2017 au tribunal administratif de Paris, la société JPF Le Courcelles a demandé l'annulation du titre exécutoire émis par la Ville de Paris le 21 novembre 2012 et à être déchargée du paiement de cette somme. La Ville de Paris fait appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire émis le 21 novembre 2012 à l'encontre de la société JPF Le Courcelles et déchargé cette société du paiement de la somme de 11 087,61 euros mise à sa charge par la Ville de Paris.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article R. 611-1 du code de justice administrative dispose : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Enfin, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés ".

3. La Ville de Paris soutient qu'elle a produit, le 8 décembre 2017, un mémoire en défense et que celui-ci, bien qu'enregistré avant la clôture automatique de l'instruction survenue trois jours francs avant l'audience du 14 décembre 2017, n'a pas, en méconnaissance des dispositions précitées du code de justice administrative, été visé par le jugement attaqué, qui ne répond d'ailleurs pas à la fin de non-recevoir qu'elle avait invoquée, ni communiqué à la société requérante de première instance. Toutefois, il résulte des pièces produites et de celles du dossier de première instance que le mémoire en défense rédigé le 8 décembre 2017 par les services de la Ville de Paris et portant les références de l'instance n° 1714164/4-3 n'a pas été versé par eux dans le dossier correspondant à cette instance qui leur était ouvert par le tribunal administratif dans l'application informatique dédiée " Télérecours ", dont l'utilisation est obligatoire pour la Ville de Paris en vertu des dispositions de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, mais dans un dossier ouvert sous le n° 1718126 et correspondant à une autre instance opposant les mêmes parties. Dès lors, le mémoire en défense de la Ville de Paris ne pouvait être considéré par le tribunal administratif, qui en a accusé réception dans l'instance n° 1718126, comme afférent à l'instance n° 1714164/4-3 et la Ville de Paris ne peut utilement faire grief au jugement attaqué de ne pas tenir compte de ce mémoire. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion de deux mois, prévu par la seconde, lui soit opposable.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

6. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

7. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

8. Il résulte de l'instruction que la société JPF le Courcelles a eu connaissance du titre exécutoire du 21 novembre 2012 par un " avis des sommes à payer " qu'elle n'a pas réglé mais dont elle a joint une copie à sa requête de première instance. Elle a, le 17 mai 2016, à la suite d'une lettre de relance du comptable, envoyé un courrier de réclamation, manifestant ainsi de façon non ambigüe sa connaissance du titre exécutoire litigieux. Elle ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant qu'elle n'ait pas introduit de recours tendant à l'annulation de ce titre de recettes et à la décharge des sommes en cause avant l'expiration d'un délai raisonnable d'un an cité au point 6 à compter de cette date, d'autant qu'elle a eu connaissance, par lettre simple du 28 octobre 2016, du rejet par la ville de Paris de sa réclamation. Dans ses conditions, sa requête tendant à l'annulation du titre exécutoire du 21 novembre 2012 et à la décharge des sommes en cause, qui n'a été enregistrée que le 11 septembre 2017, était tardive et irrecevable. La circonstance qu'un avis à tiers détenteur, qui n'est pas le premier acte de poursuite porté à sa connaissance, ait été émis le 11 août 2017 n'a pu rouvrir ou prolonger le délai dont elle disposait pour saisir le juge et la contestation du bien-fondé de cet acte de poursuite était également, de ce fait, tardive.

9. Il résulte de ce qui précède que la Ville de Paris est fondée à soutenir que la demande de la société JFP Le Courcelles était irrecevable et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif y a fait droit et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le jugement doit être annulé et la demande de première instance rejetée.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui n'est pas partie perdante, verse à la société Le Parvis la somme qu'elle demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société JPF Le Courcelles la somme que demande la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1714164/4-3 du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de première instance de la société JPF Le Courcelles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris, à la société JPF Le Courcelles et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.A...

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00696
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SELARL FGD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-31;18pa00696 ?
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