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12/07/2019 | FRANCE | N°18PA01957

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 juillet 2019, 18PA01957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un visa de long séjour ainsi que d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer un visa de long séjour et un titre de séjour portant la mention " vie privée et

familiale " en qualité de conjoint de Française dans un délai d'un mois à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un visa de long séjour ainsi que d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer un visa de long séjour et un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de Française dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1703691 du 21 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a donné acte du désistement des conclusions de M. B...tendant à l'annulation de décisions par lesquelles la préfète de Seine-et-Marne l'aurait obligé à quitter le territoire français et aurait fixé le pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2018, des pièces complémentaires enregistrées le 25 novembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 10 juin 2019, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 23 mars 2017 de la préfète de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer un visa de long séjour et

un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de Française, ou, subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige porte atteinte à son droit à être entendu ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions des articles

L. 313-11 4°, L. 211-2 1 et R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation privée et familiale ; la préfète de Seine-et-Marne aurait dû faire application de son pouvoir discrétionnaire et autoriser son admission exceptionnelle au séjour ;

- dès lors qu'il avait répondu au moyen d'ordre public relatif au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français soulevé par le tribunal et maintenu le surplus des conclusions de sa requête, il n'y a pas de non-lieu à statuer sur sa requête d'appel, contrairement à ce que soutient la préfète.

Par un mémoire enregistré le 31 mai 2019, la préfète de Seine-et-Marne conclut qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. A...B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision n° 91-294 DC du Conseil constitutionnel en date du 25 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1979, déclare être entré en France le 20 octobre 1995 avec un passeport revêtu d'un visa Schengen court séjour délivré par les autorités consulaires espagnoles. Il s'est marié le 4 juin 2016 avec une ressortissante française et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Française. Par une décision du 23 mars 2017, la préfète de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un visa long séjour et d'un titre de séjour. M. A...B...relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la préfète à la requête d'appel :

2. Si la préfète de Seine-et-Marne soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. A...B...dès lors qu'il s'était désisté le 14 novembre 2017 de sa requête de première instance et que le tribunal lui avait donné acte de ce désistement, ce désistement ne concernait que les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination et il ne s'est, en tout état de cause, pas désisté de sa requête d'appel.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Le requérant soutient, en premier lieu, qu'il n'a pas été entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective de l'éloignement préalablement à la décision attaquée. Toutefois, M. B...ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités de la mesure prise à son encontre. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu préalablement à une décision administrative défavorable a été méconnu. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

4. En deuxième lieu, d'une part, selon l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 stipule : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention précise : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent./ Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". En vertu de l'article L. 211-2-1 du code précité : " Lorsque la demande de visa long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article

R. 211-33 du même code : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. / A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé. (...). "

6. L'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 212-6 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen.

7. Dans la décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 déclarant que la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen n'était pas contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que " la déclaration exigée par l'article 22 constitue une formalité à laquelle sont astreintes les personnes visées par le texte pour pouvoir pénétrer en France ; qu'il appartient aux autorités nationales de fixer les règles qui leur sont applicables et d'en tirer les conséquences appropriées ". Il en a déduit que " l'article 22 n'est en rien contraire à la Constitution " et notamment n'entraîne pas de transfert de souveraineté. Il résulte de cette décision que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

8. De plus, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 5 que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français. Ainsi, la production d'un visa de long séjour délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées à l'article L. 211-2-1 du même code, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la préfète ne pouvait légalement lui opposer son entrée irrégulière en France dès lors qu'il est entré régulièrement le 20 octobre 2015 dans l'espace Schengen, en Espagne, sous couvert d'un visa Schengen court séjour en cours de validité puis entré en France le même jour, ni que la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ne serait pas une condition de la régularité de l'entrée sur le territoire français.

10. En troisième lieu, M.B..., qui ne conteste pas ne pas avoir procédé à la déclaration d'entrée sur le territoire français prévue par l'article 22 précité de la convention d'application de l'accord de Schengen, ne saurait utilement se prévaloir de sa qualité de conjoint d'une ressortissante française pour s'estimer dispensé de cette obligation de déclaration dès lors qu'il n'était pas marié lors de son entrée en France en 2015. Par suite, la préfète de Seine-et-Marne n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que M. B...n'était pas entré régulièrement sur le territoire français et ne remplissait pas l'une des conditions fixées par l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer la carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 4° du même code.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Si M. B...soutient que la décision en litige méconnaît son droit à une vie privée et familiale dès lors qu'il est marié depuis le 4 juin 2016 a une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie du couple, qui n'a pas d'enfant, avait moins d'un an à la date de la décision attaquée. De même, les démarches en vue de bénéficier de l'assistance médicale à la procréation dont le requérant se prévaut, ont été entreprises postérieurement à la décision en litige et il n'établit ni l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans, ni une insertion sociale et professionnelle stable et durable en France. Dès lors, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Si M. B...soutient enfin que la préfète de Seine-et-Marne aurait dû faire application de son pouvoir discrétionnaire et autoriser son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale en sa qualité de conjoint de Française, la vie privée et familiale s'apprécie au regard de la réalité, de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux établis en France par l'intéressé et il ressort du point 12 que l'intéressé n'établit pas une insertion sociale et professionnelle en France stable et durable et que sa vie privée et familiale en France est récente. Par suite, la préfète de Seine-et-Marne n'a pas entaché la décision litigieuse d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M.B....

Sur les autres conclusions :

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée à la préfète de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2019.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA01957 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01957
Date de la décision : 12/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Entrée en France - Visas.

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : AGAHI-ALAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-12;18pa01957 ?
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