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12/07/2019 | FRANCE | N°17PA03162

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 juillet 2019, 17PA03162


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 7 décembre 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 31 mai 2018, le Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT), représenté par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au ministre du travail de lui communiquer les résultats du scrutin des élections des délégués du personnel qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2013 et l

e 31 décembre 2016, tels qu'ils ont été enregistrés auprès du Haut Conseil au dialogue s...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 7 décembre 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 31 mai 2018, le Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT), représenté par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au ministre du travail de lui communiquer les résultats du scrutin des élections des délégués du personnel qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, tels qu'ils ont été enregistrés auprès du Haut Conseil au dialogue social (HCDS) en indiquant le code NAF de ces différentes entreprises, ainsi que la liste des entreprises de moins de 11 salariés qui y ont participé et les résultats de la consultation dans chacune d'entre elles ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique (n° 3097) ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente ;

- il est irrégulier en ce que le collège électoral qui a été pris en considération excède celui qui est régi par la convention collective nationale (CCN) n° 3097 ; si le scrutin concernant les TPE a donné lieu à la participation des seules entreprises relevant de la branche professionnelle de la production cinématographique, l'élection des délégués du personnel dans les entreprises d'au moins 11 salariés a donné lieu à la participation d'entreprises qui ne relevaient pas de cette convention collective, qui seule peut expliquer les 78 voix obtenues par la CFDT en sus des 28 voix comptabilisées au titre du collège des TPE ; plusieurs entreprises dont la nomenclature d'activité (code NAF) correspond à la projection de films cinématographiques et à la CCN n° 1307, telles que Cinéma Marivaux, Transversal film ou Nord-Ouest exploitation cinéma, ont irrégulièrement participé à l'élection des délégués du personnel ; le ministre confirme en outre que d'autres erreurs ont concerné les entreprises Cinedrome, Grand Rex, Darcy Palace, Tec Studio, Générale Multimedia ainsi que les sociétés Le temps de vivre, ADMR Garde, l'association gérontologique de Gatine et la société Espace Engineering qui relevaient d'autres conventions collectives ; l'administration avait connaissance d'erreurs matérielles résultant d'indications erronées portées par les employeurs sur les procès-verbaux des élections qu'elle aurait dû corriger ;

- dès lors, la représentativité et le poids respectif des organisations syndicales mentionnées dans l'arrêté attaqué sont entachés d'une irrégularité et d'une erreur de fait.

Par des mémoires en défense enregistrés le 11 mai 2018, 31 janvier 2019 et 29 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le directeur général du travail avait compétence pour signer l'arrêté attaqué ;

- il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la détermination de la CCN applicable ne peut résulter des mentions contenues dans les statuts de la personne, ni même de son code NAF, mais de l'activité réelle de l'entreprise et de l'identifiant de convention collective (IDCC) mentionné par l'employeur sur le procès-verbal d'élections professionnelles ; en concertation avec les partenaires sociaux réunis au sein du HCDS, le ministère retient ce code pour enregistrer les résultats des élections tout en essayant de faire rectifier par l'entreprise les incohérences entre ce code et la déclaration de données sociales (DADS) ou même les informations portées sur le procès-verbal des précédentes élections professionnelles de l'entreprise ; en l'absence de réponse des employeurs concernés aux courriers de signalement d'une discordance entre le code IDCC déclaré par l'entreprise et la DADS, la ministre ne tient d'aucun texte le pouvoir de modifier le rattachement d'une entreprise à une branche et elle est tenue d'enregistrer les résultats communiqués dans cette branche ;

- si l'impact de l'exclusion de la mesure d'audience des procès-verbaux des entreprises La Générale Multimedia, Le temps de vivre, ADMR Garde, Espace Engineering et de l'association gérontologique de Gatine, est significatif notamment en ce que le SNTPCT passe de 44,77 % à 54,87 %, elle persiste dans ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le SNTPCT.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juillet 2017, la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique (n° 3097). Cet arrêté reconnaît en son article 1er le SNTPCT, la CGT et la CFDT représentatives dans cette convention collective. Il fixe en son article 2, pour la négociation des accords collectifs prévue à l'article L. 2232-6 du code du travail, le poids respectif de trois organisations syndicales, soit 44,77 % (SNTPCT), 30,91 % (CGT) et 24,32 % (CFDT). Le SNTPCT demande à la Cour l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2017 et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...) 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-5 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : (...) 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article L. 2232-6 dudit code : " La validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-12 du même code : " Un décret détermine les modalités de recueil et de consolidation des résultats aux élections professionnelles pour l'application du présent chapitre. ". Aux termes de l'article D. 2122-6 du même code : " Le système de centralisation des résultats des élections professionnelles mentionnées aux articles L. 2122-5 à L. 2122-10 afin de mesurer l'audience des organisations syndicales doit : / a) Garantir la confidentialité et l'intégrité des données recueillies et traitées ; / b) Permettre de s'assurer, par des contrôles réguliers, de la fiabilité et de l'exhaustivité des données recueillies et consolidées ; / c) Permettre une consultation par toute personne des données recueillies. / Les résultats complets de chaque cycle électoral sont portés à la connaissance du Haut Conseil du dialogue social afin qu'il puisse rendre au ministre chargé du travail l'avis prévu à l'article L. 2122-11. Les résultats du premier cycle électoral sont transmis au plus tard le 31 mars 2013. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. (...) ".

5. L'audience des organisations syndicales au plan national et interprofessionnel est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 précité du code du travail. A cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les

procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail. Si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience prévues par les dispositions de l'article L. 2122-9 du code du travail, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, la fiabilité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience.

6. Le SNTPCT fait valoir que des erreurs de nature à fausser la mesure de l'audience de la CFDT ont été commises par l'administration résultant de la prise en compte lors de l'élection des délégués du personnel dans les entreprises d'au moins 11 salariés, d'entreprises ne relevant pas de la convention collective nationale de la production cinématographique.

7. La ministre soutient, en premier lieu, sans être contredite, que les résultats électoraux du Cinéma Marivaux et de la société Nord-Ouest exploitation cinéma n'ont pas été inclus dans la mesure d'audience contestée.

8. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que les résultats électoraux des sociétés Transversal films, Cinedrome, Grand Rex, Darcy Palace et Tec Studio ont été pris en compte dans la mesure d'audience de la branche de la production cinématographique (n° 3097) dès lors que les procès-verbaux de ces élections portaient la mention de l'IDCC 3097, ou que ces entreprises avaient confirmé se rattacher à cette convention ou encore s'étaient abstenues de répondre au courrier que le centre de traitement du ministère chargé de la collecte des procès-verbaux (CTEP) leur avait adressé afin de corriger une éventuelle anomalie. La ministre chargée du travail, qui ne tient d'aucun texte le pouvoir de modifier le rattachement d'une entreprise à la branche que celle-ci déclare, était tenue de prendre en compte ces résultats dans la mesure d'audience, nonobstant la circonstance que ces entreprises auraient déclaré que leur était applicable une convention collective ne correspondant pas à leur activité réelle.

9. En troisième lieu, il ressort des écritures mêmes de la ministre du travail que l'administration a corrigé le code IDCC figurant aux procès-verbaux des élections professionnelles des sociétés La Générale Multimedia, Le temps de vivre, ADMR Garde, Espace Engineering et de l'association gérontologique de Gatine qu'elle a considéré comme erroné ou obsolète, en le remplaçant par l'IDCC 3097 et qu'elle a intégré les résultats électoraux de ces entreprises, dont il n'est pas contesté que l'activité ne relève en rien de la production cinématographique, à la mesure d'audience de cette branche. Invitée par la Cour à indiquer l'incidence de la prise en compte de ces procès-verbaux dans la mesure d'audience, la ministre du travail a indiqué qu'en écartant les

procès-verbaux des entreprises précitées, le poids du SNTPCT passait de 44,77 % à 54,87 %, celui de la CGT de 30,91 % à 28,41 % et celui de la CFDT de 24,32 % à 16,71 %. Par suite, compte-tenu de l'incidence significative, tant pour le syndicat requérant que pour la CGT, de cette prise en compte erronée de procès-verbaux d'entreprises ne relevant pas de la branche pour la signature ou l'opposition à la signature d'accords collectifs, dans le cadre des dispositions précitées de l'article L. 2232-6 du code du travail, le SNTPCT est fondé à soutenir que les traitements opérés par l'administration remettent en cause la fiabilité de la mesure d'audience et à demander pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2017 de la ministre du travail en tant que, par son article 2, il a fixé le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'annuler l'article 1er de l'arrêté litigieux dès lors qu'il ne résulte pas des résultats corrigés de l'audience de la branche que d'autres organisations syndicales recueilleraient au moins 8 % des suffrages exprimés.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, en application des dispositions susvisées, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser au SNTPCT.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel la ministre du travail a fixé le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique (3097) est annulé.

Article 2 : L'Etat versera au SNTPCT une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT) et à la ministre chargée du travail.

Copie en sera adressée à la Confédération générale du travail (CGT) et à la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERS

La greffière,

C. DABERT La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03162


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 12/07/2019
Date de l'import : 20/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA03162
Numéro NOR : CETATEXT000038784436 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-12;17pa03162 ?
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