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11/07/2019 | FRANCE | N°18PA02700

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 juillet 2019, 18PA02700


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 mai 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1808311 du 17 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2018, M.B..., représenté par Me C...

, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 mai 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1808311 du 17 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2018 ;

3°) d'annuler les décisions du 7 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Me C...renonçant à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi ;

- elle méconnaît l'article 41 § 2 de la Charte de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B...a été constatée par une décision du 30 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant arménien, relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. M. B...a demandé dans sa requête enregistrée le 5 août 2018 à être admis à l'aide juridictionnelle provisoire. La caducité de sa demande d'aide juridictionnelle a été constatée par une décision du 30 novembre 2018. La condition d'urgence n'étant pas remplie, il n'y a pas lieu d'admettre M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

5. L'arrêté du 7 mai 2018 mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquelles s'est fondé le préfet de police, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments factuels de la situation personnelle de l'intéressé, pour obliger M. B... à quitter le territoire français. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est ainsi suffisamment motivée, alors même qu'elle ne mentionne ni la présence en France de l'épouse et des enfants de l'intéressé, ni son état de santé.

6. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de M. B....

7. En troisième lieu, les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, dès lors que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Cet étranger peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.

8. Dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

9. M. B...entre dans le champ des dispositions du 6° de l'article L. 511-1. Il a donc été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. En outre, s'il justifie, par la production d'une attestation, n'avoir pas pu déposer, le 14 mars 2018, une demande de titre de séjour fondée sur son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque pertinente, y compris sur son état de santé, susceptible d'influer sur la décision préfectorale. Son droit à être entendu avant toute mesure d'éloignement n'a donc pas été méconnu, quand bien même le préfet de police aurait irrégulièrement refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour présenté sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". M. B... n'établit pas, par la seule production de certificats médicaux faisant état de ce qu'il souffre de multiples pathologies handicapantes, notamment d'une rétinopathie et d'une néphropathie diabétiques et d'une hépatite C, nécessitant des traitements mensuels à vie qui ne sont pas accessibles dans son pays d'origine, être exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge de ses pathologies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. M. B... fait valoir qu'il réside en France avec son épouse et leurs deux enfants, nés en Arménie en 2000 et 2002 et scolarisés sur le territoire français depuis 2016. Toutefois, compte tenu de la durée de séjour en France des intéressés et alors que l'épouse du requérant est également en France en situation irrégulière, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale soit transférée en Arménie et à ce que les enfants y poursuivent leur scolarité. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté, de même que celui tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. En sixième lieu, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... se prévaut de risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie, il ne produit à l'appui de sa requête aucun élément de nature à attester qu'il encourrait actuellement et personnellement de tels risques en cas de retour dans ce pays, alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et qu'il n'établit pas qu'un défaut de traitement médical aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées ne peut ainsi qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA02700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02700
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CHRISTOPHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-11;18pa02700 ?
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