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10/07/2019 | FRANCE | N°17PA00397

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 10 juillet 2019, 17PA00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 427 857 euros en réparation du préjudice qu'elle a affirme avoir subi du fait de l'octroi d'une aide illégale à la coopérative d'exportation du livre français (CELF), ou de désigner un expert pour déterminer son préjudice, et de lui verser une provision de 10 000 000 euros.

Par un jugement n° 0911778/7-1 du 15 décembre 2011, le Tribunal admini

stratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 427 857 euros en réparation du préjudice qu'elle a affirme avoir subi du fait de l'octroi d'une aide illégale à la coopérative d'exportation du livre français (CELF), ou de désigner un expert pour déterminer son préjudice, et de lui verser une provision de 10 000 000 euros.

Par un jugement n° 0911778/7-1 du 15 décembre 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 février 2012 et le 29 novembre 2013, la SIDE, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0911778/7-1 du

15 décembre 2011 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 427 857 euros, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne respectant pas un délai de jugement raisonnable ;

- elle a été privée de son droit à un recours effectif compte tenu du refus de diligenter une expertise ;

- les aides illégales versées par l'Etat lui ont directement causé un préjudice car elle était avec le CELF le principal opérateur sur le marché de la commission à l'exportation de livres en langue française ;

- la Cour doit demander à la ministre de la culture et au liquidateur du CELF de produire les pièces comptables relatives à la période de versement de l'aide entre le 1er janvier 1980 et le

31 décembre 2001.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2013, le ministre de la culture, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SIDE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête se heurte à l'autorité de la chose jugée définitivement par la Cour le

5 octobre 2004 ;

- les moyens soulevés par la SIDE ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 12PA00767 du 12 mai 2014, la Cour a rejeté la requête de la SIDE.

Par une décision n° 382427 du 13 janvier 2017, le Conseil d'Etat, saisi par la SIDE, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Par des mémoires enregistrés le 27 février 2017, le 15 décembre 2017 et le 6 mars 2019 la SIDE a conclu aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Elle soutient en outre que :

- les aides illégales ont permis au CELF de pratiquer des prix plus bas et d'accorder à ses clients des facilités de paiements ;

- la notion de petite commande est sans incidence sur la détermination du marché pertinent, et par suite sur l'existence et la quantification de son préjudice.

Par des mémoires enregistrés les 12 décembre 2017 et 8 janvier 2018, le ministre de la culture, représenté par la SELARL D4 avocats associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la SIDE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt avant dire droit du 9 octobre 2018, la Cour, après avoir annulé le jugement attaqué du 15 décembre 2011 et retenu le principe de la responsabilité de l'Etat, ainsi que l'existence d'un lien de causalité avec les préjudices imputables au versement de l'aide illégale, a, avant de statuer sur l'évaluation de l'indemnité due à la SIDE, ordonné à la SIDE et au mandataire liquidateur du CELF de produire toutes les pièces de leur comptabilité permettant de déterminer, pour chacune des années afférentes à la période à indemniser, mais aussi, aux fins de comparaison, avant et après celle-ci, soit de 1979 inclus à 2002 inclus, l'impact des aides versées sur l'évolution respective de leurs parts de marché et, par suite, sur leurs bénéfices, et ordonné au ministre de la culture de produire tous les documents, notamment comptables, ainsi que les analyses économiques, préparatoires aux décisions d'attribution et de renouvellement des subventions versées à la CELF entre 1980 et 2001, susceptibles d'éclairer la Cour pour l'évaluation des préjudices subis par la SIDE et, enfin, a saisi la Commission européenne d'une demande d'assistance tendant à la production des études de marchés et analyses économiques portant sur le marché de l'exportation des livres de langue française, élaborés par ses services, dans le cadre de l'instruction de l'affaire ayant donné lieu à sa décision du 14 décembre 2010.

Par un courrier enregistré le 5 décembre 2018, la Commission européenne a répondu à la Cour n'avoir pas de documents à lui communiquer.

Par un courrier enregistré le 24 décembre 2018, la société MJA a informé la Cour de la désignation d'un nouveau liquidateur judiciaire du CELF, la SELAS Etude JP.

Les pièces du dossier, et notamment l'arrêt avant-dire droit de la Cour du 9 octobre 2018 ainsi que les pièces produites par la SIDE, ont été régulièrement communiqués à la SELAS Etude JP, par courrier recommandé daté du 9 janvier 2019, lequel a été retourné au greffe de la Cour avec la mention " avisé non réclamé " le 12 février 2019.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2019, la SIDE a produit des documents.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2019, qui n'a pas été communiqué, le ministre de la culture a conclu aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me E... et Me D... pour la SIDE,

- les observations de Me A... pour le ministre de la culture,

- et les observations de Me C... pour la SELAS Etude JP.

Considérant ce qui suit :

1. La Cour a, par un arrêt avant dire droit du 9 octobre 2018, après avoir jugé que les aides illégalement versées par l'Etat à la coopérative d'exportation des livres français (CELF) entre 1980 et 2001 (inclus) avaient causé un préjudice à la société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) dont elle est fondée à obtenir la réparation par l'Etat, a ordonné un supplément d'instruction aux fins de recueillir les éléments nécessaires à la détermination du montant de cette réparation.

Sur la détermination du préjudice subi par la SIDE :

2. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments comptables produits par la SIDE, que sur le marché duopolistique de la commission à l'exportation de livres français, tel que l'a qualifié le Conseil d'Etat par sa décision n° 382427 du 13 janvier 2017, l'attribution annuelle d'une aide à la CELF, qui a augmenté régulièrement pour atteindre un maximum de 422 280 euros en 1992, a permis à celle-ci de pratiquer des prix et un taux de marge plus bas que sa seule concurrente et d'octroyer à ses clients des facilités de paiement exceptionnelles, ce qui a eu pour conséquence d'entraîner un report de clientèle de la SIDE vers la CELF, ces deux sociétés offrant des prestations de nature similaire. Il y a lieu pour évaluer le préjudice subi par la SIDE, de tenir également compte de l'antériorité de la CELF sur le marché en cause, alors que la SIDE n'a été créée qu'en 1980, ainsi que de la circonstance que les aides versées à la CELF ont diminué à compter de l'année 1993, avant de cesser à compter de 2002, le montant annuel de cette aide ayant représenté en moyenne moins de 5 % du chiffre d'affaires global des exportations de livres français de la CELF. Il y a également lieu de tenir compte de l'incidence d'autres facteurs exogènes qui ont été de nature à déprécier le chiffre d'affaires et la marge commerciale de la SIDE sur le marché en cause, indépendamment de la faute commise par l'Etat, à savoir l'évolution de la conjoncture économique et l'évolution générale du marché du livre au cours de la période litigieuse. Tous ces éléments de réfaction n'ayant pas été pris en compte par la SIDE pour chiffrer son préjudice à 20 427 857 d'euros, le montant de l'indemnité due à cette société par l'Etat du fait des aides illégales versées à la CELF entre 1980 et 2001 peut être fixé à la somme de 10 000 000 d'euros.

Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :

3. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Société internationale de diffusion et d'édition, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'Etat (ministre de la culture) demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat (ministre de la culture) une somme de 8 000 euros à verser à la Société internationale de diffusion et d'édition sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société internationale de diffusion et d'édition une indemnité de 10 000 000 (dix millions) euros.

Article 2 : L'Etat versera à la société internationale de diffusion et d'édition une somme de 8 000 (huit mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société internationale de diffusion et d'édition, à l'Etat, au mandataire liquidataire de la société CELF et à la Commission européenne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2019.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00397
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Défense de la concurrence - Aides d’Etat.

Procédure - Jugements - Chose jugée - Chose jugée par la juridiction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : COUTRELIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-10;17pa00397 ?
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