La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2019 | FRANCE | N°18PA03521

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 04 juillet 2019, 18PA03521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 et la décision du même jour par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités finlandaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806270/8 du 21 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8

novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 et la décision du même jour par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités finlandaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806270/8 du 21 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806270/8 du 21 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 et la décision du même jour du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande d'asile dans le délai de trois jours et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le premier juge n'a pas examiné la totalité des moyens invoqués et a commis des erreurs de fait et de droit ;

- l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités finlandaises est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de fait ;

- le préfet de police a méconnu l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence est illégale par voie d'exception ;

- cette décision est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que :

- la requête n'est ni irrecevable ni dépourvue d'objet, dès lors que le délai de transfert a été porté à dix-huit mois, M. A...étant dans une situation de fuite ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 21 septembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. A...à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui revendique la nationalité irakienne, s'est présenté le 28 février 2018 au guichet unique de la préfecture de police en charge de l'examen des demandeurs d'asile, aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités finlandaises le 15 septembre 2015. Le 16 mars 2018, le préfet de police a adressé aux autorités finlandaises une demande de reprise en charge de M. A..., en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités finlandaises ont accepté le 19 mars 2018 de reprendre en charge l'intéressé. Par un arrêté du 18 avril 2018, le préfet de police a décidé de remettre M. A...à ces autorités. Par une décision du même jour, M. A...a été assigné à résidence. Par un jugement du 21 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision. M. A...fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, M. A...soutient que le premier juge n'a pas examiné " la totalité " des moyens invoqués. Il n'apporte toutefois aucune précision à l'appui de ce moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé. D'autre part, dans l'hypothèse où le premier juge aurait commis, comme le soutient le requérant, des erreurs de fait et de droit, ces moyens, qui touchent au bien-fondé du jugement et qu'il appartient à la Cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sont sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités finlandaises :

3. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. L'arrêté du 18 avril 2018 comprend l'ensemble des mentions requises par les principes rappelés au point 3, dès lors qu'il vise les règlements communautaires n° 604/2013, n°1560/2003 et n° 343/2003 relatifs à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile dans les Etats membres de l'Union européenne et mentionne les éléments de faits relatifs à la situation personnelle de M.A..., notamment la circonstance que l'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'il a déposé une demande d'asile en Finlande les 15 septembre 2015 et 19 février 2018 et que les autorités finlandaises ont accepté de le reprendre en charge le 19 mars 2018. En outre, cet arrêté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et que l'intéressé n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il résulte des éléments qui précèdent que la situation personnelle de M. A... a fait l'objet d'un examen effectif. A cet égard, la seule circonstance que les autorités françaises ont demandé aux autorités finlandaises la reprise en charge de M. A...sur le fondement des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que le requérant aurait expliqué qu'une décision de rejet de sa demande d'asile avait été prise par les autorités finlandaises est sans incidence sur la réalité de cet examen. Le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle doit ainsi être écarté.

6. En troisième lieu, M. A...soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés. Ce moyen doit dès lors être écarté par les mêmes motifs.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". L'article 17 de ce règlement dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. A...soutient qu'il sera renvoyé en Irak en cas de transfert vers la Finlande, dès lors que les autorités de ce pays auraient rejeté sa demande d'asile, et qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu de la situation générale de conflit armé interne dans ce pays. Il ressort des pièces du dossier que les autorités finlandaises ont accepté de reprendre en charge M. A.... Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Finlande et non dans son pays d'origine. Or, la Finlande, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. A...ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Finlande dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile n'aurait pas été traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités finlandaises, alors même que la demande d'asile de M. A...aurait été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Irak. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

9. En premier lieu, M. A...soutient que la décision par laquelle le préfet de police l'a assigné à résidence est illégale par voie d'exception. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités finlandaises, ce moyen doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert (...) ".

11. En se bornant à soutenir qu'il justifie de garanties de représentation, alors qu'il ne conteste pas qu'il est sans domicile fixe, et qu'il a respecté les convocations de l'autorité préfectorale, M. A... n'assortit son moyen tiré de ce que la mesure d'assignation à résidence est disproportionnée d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA03521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03521
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;18pa03521 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award