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04/07/2019 | FRANCE | N°18PA02820

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 18PA02820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 03225 en date du 23 décembre 2003, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté en date du 21 mars 2003 par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a refusé de délivrer à M. B...A...l'agrément pour l'exercice de la profession d'agent de comptabilité prévu par la délibération n° 081/CP du 16 avril 2002 portant réglementation des professions d'expert-comptable et de comptable libéral en Nouvelle-Calédonie.

M. A...a demandé au tribunal admi

nistratif de la Nouvelle-Calédonie d'assurer l'exécution de ce jugement, en enjoignant a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 03225 en date du 23 décembre 2003, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté en date du 21 mars 2003 par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a refusé de délivrer à M. B...A...l'agrément pour l'exercice de la profession d'agent de comptabilité prévu par la délibération n° 081/CP du 16 avril 2002 portant réglementation des professions d'expert-comptable et de comptable libéral en Nouvelle-Calédonie.

M. A...a demandé au tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie d'assurer l'exécution de ce jugement, en enjoignant au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de statuer sur sa demande d'agrément.

Par un jugement n° 1700303 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700303 du 17 mai 2018 du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prescrire, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, toutes les mesures que doit prendre le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en exécution du jugement du 23 décembre 2003 ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est en contradiction avec celui rendu par le même tribunal le 23 décembre 2003 ;

- le gouvernement, saisi de nouveau de sa demande par l'effet du jugement du 23 décembre 2003, devait donc l'examiner et saisir la commission d'agrément, de sorte que seule une décision expresse pouvait intervenir ; de même, l'article 42 de la délibération du 16 avril 2002, qui prévoit que les personnes concernées peuvent continuer à exercer leur profession jusqu'à l'intervention d'une décision définitive sur leur demande, signifie que seule une décision expresse, d'agrément ou de refus d'agrément, peut intervenir ;

- à supposer qu'une décision implicite de rejet ait pu intervenir, les voies et délais de recours ne lui sont pas opposables en l'absence d'accusé de réception de sa demande ;

- il ne saurait être privé de son droit à un recours effectif contre une décision de refus d'agrément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative..

Il soutient que :

- la créance que tient M. A...du jugement du 23 décembre 2003 est prescrite par application de l'article 2224 du code civil depuis le 18 juin 2013 ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la délibération n° 081/CP du 16 avril 2002 portant réglementation des professions d'expert-comptable et de comptable libéral en Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Lécuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 41 de la délibération n° 081/CP du 16 avril 2002 : " I. Nul ne peut en Nouvelle-Calédonie porter le titre d'agent de comptabilité ni en exercer la profession, s'il n'est pas agréé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. /II. Pour être agréé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en qualité d'agent de comptabilité, les conditions suivantes doivent être remplies : / 1. être français ou ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ; / 2. jouir de ses droits civils ; / 3. ne pas avoir été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs, n'avoir subi aucune condamnation criminelle ou correctionnelle de nature à entacher son honorabilité et, notamment, aucune condamnation comportant l'interdiction du droit de gérer et d'administrer les sociétés, plus généralement présenter toute garantie de moralité ;/ 4. avoir exercé à titre principal et libéral pendant une durée d'au moins quatre ans dans le domaine de la comptabilité en ayant été assujetti durant cette période, en nom propre ou en société, à une patente en rapport avec des travaux comptables et inscrit au répertoire d'identification des entreprises et des établissements ou au registre du commerce et des sociétés. / La condition de délai d'exercice d'au moins quatre ans dans le domaine de la comptabilité à titre principal et libéral prévue ci-dessus est déterminée à la date de publication de la présente délibération et implique avoir perçu durant cette période l'essentiel de ses revenus professionnels de l'activité comptable libérale. (...) ". L'article 40 de la même délibération prévoit que : " I. Toute personne physique de nationalité française ou ressortissante d'un Etat membre de la Communauté européenne qui, sans être titulaire des diplômes mentionnés aux articles 2-II 4) ou ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article 3-II ci-avant, exerce en Nouvelle-Calédonie à la date de publication de la présente délibération une activité non salariée dans le domaine de la comptabilité, à titre exclusif et libéral sous sa responsabilité personnelle, peut, à titre transitoire, continuer à exercer cette activité sous réserve d'être agréée en qualité d'agent de comptabilité dans les conditions fixées par le présent titre. ". L'article 42 dispose que : " I. Les personnes souhaitant bénéficier des dispositions de l'article 40 disposent d'un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente délibération pour déposer une demande d'agrément. / Une fois ce délai écoulé, plus aucune demande d'agrément permettant de bénéficier des dispositions transitoires prévues dans le présent titre ne pourra être déposée./ Les personnes exerçant la profession d'agent de comptabilité à la date de publication de la présente délibération peuvent continuer leur activité :/ - jusqu'à l'issue de la période de six mois prévue au premier alinéa du présent article pour celles n'ayant pas présenté une demande d'agrément ;/ - jusqu'à l'intervention d'une décision définitive pour celles ayant présenté cette demande./ En cas de décision définitive défavorable, les personnes concernées conservent la possibilité d'exercer pendant un délai d'un an à compter de la notification de cette décision. (...) / II. Par exception, sous réserve d'avoir présenté une demande dans le délai de six mois prévu au I du présent article et lorsque l'application stricte des dispositions de l'article 41 ci-dessus aboutirait à une situation manifestement inéquitable, notamment, par l'application de l'effet de seuil, des dérogations peuvent être accordées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au cas par cas, à des personnes ne remplissant pas totalement les conditions prévues à l'article 41 ci-dessus, et après avis motivé de la commission définie à l'article 43. " L'article 43 dispose enfin que : " L'agrément ou le refus d'agrément est prononcé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, après avis d'une commission (...) / La décision d'agrément ou de refus d'agrément doit être notifiée dans les trois mois suivant la date de la demande. / Elle est publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie. / Une décision de refus d'agrément ne peut intervenir qu'à la condition que l'intéressé ait été préalablement dûment appelé ou entendu en présence de la commission suscitée. ".

2. M. A...a demandé au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de lui délivrer l'agrément prévu par l'article 41 de la délibération du 16 avril 2002 pour l'exercice de la profession d'agent de comptabilité. Par un jugement n° 03225 en date du 23 décembre 2003 devenu définitif, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté du 21 mars 2003 par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a refusé de lui délivrer cet agrément, en tant que n'avait pas été examinée la possibilité d'un agrément à titre dérogatoire sur le fondement du II de l'article 42 de la même délibération. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution du jugement du 23 décembre 2003.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, dans sa version en vigueur à la date du jugement du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie du 23 décembre 2003 et jusqu'au 14 novembre 2013 : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. / Lorsque la complexité ou l'urgence de la procédure le justifie, des décrets en Conseil d'Etat prévoient un délai différent. ".

4. Aucune des dispositions de la délibération du 16 avril 2002 ne déroge ni ne pourrait légalement déroger à ces dispositions et faire obstacle à ce que le silence gardé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur une demande d'agrément d'un agent de comptabilité fasse naître une décision implicite de rejet, au terme d'un délai de deux mois. En particulier, le délai de trois mois pour notifier la décision d'agrément ou de refus d'agrément prévu par l'article 43 de cette délibération est sans incidence sur le délai au terme duquel une décision implicite de rejet est susceptible de naître.

5. Le jugement du 23 décembre 2003 a annulé l'arrêté refusant la délivrance d'un agrément à M. A...sur le fondement du II de l'article 42 de la délibération du 16 avril 2002 au motif " qu'il ne résulte ni de l'arrêté litigieux qui, d'une part ne comporte aucune mention de l'examen de la demande vis à vis des dispositions de l'article 42 - II précité, d'autre part n'est motivé qu'au regard des conditions énoncées par le 4° du II de l'article 41, ni d'aucun autre élément du dossier, que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie aurait procédé à un examen particulier de la situation de M. A...au regard de ces dernières dispositions ; que, par suite, M. A...est fondé à soutenir que l'arrêté susvisé est entaché d'illégalité en tant qu'il refuse la dérogation sollicitée, et à en demander dans cette mesure l'annulation pour défaut d'examen de cette demande ". Le motif d'annulation ainsi retenu impliquait nécessairement mais seulement que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie réexamine la demande de l'intéressé au regard du II de l'article 42 de la délibération du 16 avril 2002. Par l'effet de l'annulation ainsi prononcée et qui revêt un caractère définitif, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été de nouveau saisi de cette demande, de sorte que le silence conservé durant plus de deux mois suivant la notification du jugement a ainsi fait naître une décision implicite de rejet. L'absence de délivrance d'un accusé de réception, comportant la mention des voies et délais de recours, est par elle-même sans incidence sur la naissance d'une décision implicite de rejet mais serait seulement, le cas échéant, de nature à rendre les délais de recours inopposables à l'intéressé.

6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M.A..., le motif d'annulation retenu par le jugement du 23 décembre 2003 n'avait pas pour conséquence de faire obligation au gouvernement de se prononcer par une décision expresse sur sa demande. Ni l'objet des dispositions transitoires des articles 40 à 43 de la délibération en cause, ni le fait que la procédure d'agrément nécessite le recueil de l'avis d'une commission n'emportent davantage une telle conséquence. Dans ces conditions, l'intervention de la décision implicite de rejet a suffi à assurer l'exécution du jugement du 23 décembre 2003, qui n'appelait pas d'autre mesure d'exécution.

7. En troisième lieu, le fait que le silence gardé par une administration sur une demande soit susceptible de faire naître une décision implicite de rejet ne porte pas d'atteinte au droit au recours effectif, permettant au contraire au demandeur de présenter une requête tendant à l'annulation d'une telle décision.

8. En quatrième lieu, l'annulation prononcée par le jugement du 23 décembre 2003, revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne fait pas davantage obstacle à ce que soit constatée la naissance d'une décision implicite de rejet postérieurement à la notification de ce jugement.

9. Enfin, il n'appartient pas à la Cour, qui n'est pas saisie de conclusions tendant à l'annulation du refus de délivrance d'agrément implicitement opposé à la demande présentée par M. A..., de statuer sur le droit de ce dernier à poursuivre ou non son activité.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription de la créance opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée à la ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA02820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02820
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Exécution des jugements.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CLAVELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;18pa02820 ?
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