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03/07/2019 | FRANCE | N°19PA00257

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 juillet 2019, 19PA00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités italiennes au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1818085/8 du 17 décembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, M.A..

., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités italiennes au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1818085/8 du 17 décembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1818085/8 du 17 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2018 portant transfert vers l'Italie ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

100 euros par jour de retard et de l'admettre provisoirement au séjour durant l'examen de sa demande ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué ne répondant pas aux conditions posées par l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il a été pris en méconnaissance des articles 5 et 26 du règlement UE n° 604/2013 du

26 juin 2013 dès lors que l'entretien individuel n'a pas été réalisé par une personne dument habilitée en vertu du droit national, qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue arabe et que, eu égard à la brièveté de l'entretien, il n'a pas été en mesure de comprendre les informations contenues dans les brochures, ni de faire des observations préalables sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 3 et de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'Italie présente des défaillances systémiques en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des éléments de la requête n'est fondé.

Par une mesure supplémentaire d'instruction, la Cour a demandé à M. A...une traduction certifiée conforme de la décision du 10 juillet 2017 par laquelle les autorités italiennes ont éloigné l'intéressé du territoire italien.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

21 mars 2018 bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré d'un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 10 octobre 2018 dans la mesure où il n'est plus susceptible d'exécution.

Une réponse au moyen d'ordre public a été enregistrée le 19 juin 2019, présentée par le préfet de police, par lequel il indique que le délai de six mois dans lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à 18 mois du fait, en l'espèce, de l'état de fuite de l'intéressé au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/.2013 du 26 juin 2013.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., ressortissant soudanais, né le 8 janvier 1990, est entré en France, d'après ses déclarations, en novembre 2016 après être passé par l'Italie. Il a présenté une demande d'asile, le 9 novembre 2016, auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de police. Le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités italiennes au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile le 10 juillet 2017. Le même jour, sans examiner sa demande d'asile, les autorités italiennes, qui avaient pourtant implicitement accepté ce transfert, ont pris à l'encontre de M. A...une obligation de quitter le territoire. L'intéressé est alors revenu en France et a présenté une nouvelle demande d'asile auprès de la préfecture du Maine-et-Loire le

2 mars 2018, puis s'est à nouveau présenté au guichet unique des demandeurs d'asile le 26 mars 2018. Par un arrêté du 10 octobre 2018, le préfet de police a à nouveau décidé de le transférer aux autorités italiennes au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile.

M. A...fait appel du jugement n° 1818085/8 du 17 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2018.

Sur les conclusions tendant à l'obtention de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau d'aide ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il résulte de l'instruction que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 21 mars 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions en annulation :

3. Aux termes de l'article 17 du règlement du Parlement européen et du Conseil UE

n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé règlement de Dublin III : " " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a présenté une première demande d'asile en France, le 9 novembre 2016. Il a, le 10 juillet 2017, été transféré à destination de l'Italie. Il ressort d'une traduction certifiée conforme en français de la décision administrative italienne du 10 juillet 2017 que ces autorités ont prononcé une mesure d'éloignement de l'intéressé du territoire italien dans un délai de sept jours, sans examiner sa demande d'asile. L'intéressé est alors revenu en France où il a déposé une seconde demande d'asile à la suite de laquelle le préfet de police a, à nouveau, pris à son encontre une décision de transfert en direction de l'Italie en date du 10 octobre 2018. Dans ces circonstances particulières, en persistant à transférer M. A...vers l'Italie, le préfet de police a entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement UE du 26 juin 2013. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".

6. Eu égard au motif de l'annulation de la décision de transfert de M. A...vers l'Italie, et en l'absence de modification dans la situation de l'intéressé, cette annulation implique nécessairement que le préfet de police statue à nouveau sur le cas de l'intéressé et le munisse de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant de l'examen par les autorités françaises de sa demande d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. A...et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1818085/8 du 17 décembre 2018 et l'arrêté du préfet de police du 10 octobre 2018 portant transfert vers l'Italie de M. A...sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur la demande d'asile de M.A..., et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Me B...en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et à MeB....

Délibéré après l'audience du 26 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEU

Le président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00257
Date de la décision : 03/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : DUHAYON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-03;19pa00257 ?
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