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03/07/2019 | FRANCE | N°17PA01326

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 juillet 2019, 17PA01326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'enjoindre avant dire droit au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de produire, d'une part, le règlement intérieur de l'Institut Universitaire de France (IUF) applicable à la composition du jury pour le concours de l'année 2013, d'autre part, tous documents, procès-verbaux et comptes rendus concernant sa candidature au concours d'accès à l'IUF au titre de l'année 2013, permettant notamment de détermi

ner l'identité des rapporteurs pour son dossier, dans un délai de 8 jours ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'enjoindre avant dire droit au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de produire, d'une part, le règlement intérieur de l'Institut Universitaire de France (IUF) applicable à la composition du jury pour le concours de l'année 2013, d'autre part, tous documents, procès-verbaux et comptes rendus concernant sa candidature au concours d'accès à l'IUF au titre de l'année 2013, permettant notamment de déterminer l'identité des rapporteurs pour son dossier, dans un délai de 8 jours à compter du jugement avant dire droit, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 275 936 euros au titre des préjudices subis et, à titre subsidiaire, celle de 150 000 euros en réparation du préjudice moral, d'ordonner au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de lui allouer une compensation de décharge de service de 128 heures par an pour les 4 années à venir, calculées à compter du mois d'octobre 2014, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...a, par ailleurs, demandé au Tribunal administratif de Paris d'enjoindre avant dire droit au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de produire l'arrêté pris le 29 avril 2014 portant nomination des enseignants-chercheurs en qualité de membres seniors pour une durée de 5 ans, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de communiquer l'ensemble des documents, notes, procès-verbaux, correspondances échangées entre ses services et l'IUF de France dans le cadre du concours senior d'entrée à cet institut pour l'année 2014, dans les quinze jours du jugement avant dire droit, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'annuler le concours d'entrée à l'IUF pour l'année 2014, d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a nommé des enseignants-chercheurs en qualité de membres seniors de l'IUF à compter du 1er octobre 2014 et la décision implicite de son recours gracieux formé le 7 juin 2014 contre cet arrêté, d'annuler en tant que de besoin les actes, relevés comme irréguliers, du jury du concours d'entrée à l'IUF pour l'année 2014, d'annuler en tant que de besoin la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le

7 juin 2014 contre les actes relevés comme irréguliers du jury du concours d'entrée à l'IUF et contre l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 avril 2014 portant nomination des enseignants-chercheurs en qualité de membres seniors de l'IUF à compter du 1er octobre 2014, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 319 920 euros au titre des divers préjudices subis et, à titre subsidiaire, celle de 150 000 euros en réparation du préjudice moral, d'ordonner au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de lui allouer une compensation de décharge de service de 128 heures par an pour les 5 années à venir, calculées à compter du mois d'octobre 2014, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que pour les dépens de l'instance.

Par un jugement nos 1421992-1502090/5-3 du 22 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête n° 1701326, des pièces et deux mémoires, enregistrés les 20 avril,

24 avril, 4 juillet 2017 et 10 août 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1421992-1502090/5-3 du 22 février 2017 ;

2°) d'enjoindre avant dire droit au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de produire l'ensemble des documents, notes, procès-verbaux, correspondances échangées entre ses services et l'IUF dans le cadre du concours d'entrée seniors de cet institut pour l'année 2013, et, notamment, la liste finale " commune " qui lui a été transmise dans les quinze jours du jugement avant dire droit, et ce, sous astreinte de

500 euros par jour de retard ;

3°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a nommé des enseignants-chercheurs en qualité de membres seniors de l'IUF à compter du 1er octobre 2014 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 7 juin 2014 contre cet arrêté, et, par voie de conséquence, d'annuler ce concours pour l'année 2014 ;

4°) d'annuler en tant que de besoin les actes, relevés comme irréguliers, du jury du concours d'entrée à l'IUF en vue de la nomination des membres seniors à compter du 1er octobre 2014, et notamment la liste finale " commune " transmise au ministre de l'éducation nationale comme n'ayant pas été établie par suite d'une délibération de ce jury ;

5°) d'annuler en tant que de besoin la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 7 juin 2014 contre les actes, relevés comme irréguliers, du jury du concours d'entrée à l'IUF contre l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 avril 2014 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme 275 936 euros au titre des préjudices subis ;

7°) d'ordonner au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de lui allouer une compensation de décharge de service de 128 heures par an pour les

5 années à venir calculées à compter du mois d'octobre 2014 ;

8°) de mettre à charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés de l'incompétence négative du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'absence de réunion plénière et de la présence irrégulière de M. A...au sein des sous-jurys ;

- le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche a commis plusieurs illégalités fautives ;

- le ministre s'est senti lié par les propositions du jury de concours ;

- le principe d'unicité du jury a été méconnu ;

- le principe d'impartialité du jury a été méconnu ;

- M. B...a été illégalement discriminé du fait de son âge ;

- le principe d'égalité a été méconnu pour les sous-groupes des sous-jurys des sciences sociales et humaines ;

- M. B...a été illégalement désigné comme candidat à éliminer ;

- le nom de M. B...a été irrégulièrement supprimé de la liste établie par le jury ;

- M. B...disposait d'une chance sérieuse d'être reçu et avait droit à la réparation intégrale des préjudices subis ;

- les préjudices financier et moral subis s'élèvent au total à 275 936 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation des " actes, relevés comme irréguliers, du jury du concours d'entrée à l'IUF en vue de la nomination des membres seniors à compter du 1er octobre 2014 " comme trop imprécises, ainsi que de la liste établie par le jury en 2014 dès lors que cette décision ne fait pas grief.

Une lettre et deux mémoires produits pour M. B...en réponse au moyen d'ordre public ont été enregistrés les 22 et 24 juin 2019.

II - Par une requête n° 1301327 et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril 2017 et 10 août 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1421992-1502090/5-3 du 22 février 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre principal, une somme totale de 187 968 euros destinée à couvrir les préjudices financier et moral subis ou, à titre subsidiaire, si le préjudice financier ne devait pas être indemnisé, une somme de 150 000 euros couvrant le seul préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que pour les entiers dépens.

Il soutient que :

- le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a commis une illégalité fautive en permettant à M. E...de siéger trois fois dans le même jury ;

- le principe d'impartialité a été méconnu dans la mesure où l'inimitié entre M. B...et M. E...était connue ;

- M. B...disposait d'une chance sérieuse d'être reçu au concours d'entrée à l'IUF ;

- il a droit à la réparation intégrale de son préjudice à hauteur, à titre principal, de 187 968 euros ou, à titre subsidiaire de 150 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 91-819 du 26 août 1991 ;

- le décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour M. B...qui s'est exprimé.

Une note en délibéré enregistrée le 28 juin 2019 a été présentée pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M. G...B..., philosophe, professeur des universités et titulaire de la chaire de philosophie politique à l'Université Paris Descartes s'est présenté une première fois en 2013 au concours de recrutement des membres " senior " de l'Institut universitaire de France (IUF). Sa candidature n'ayant pas été retenue, il a adressé au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le 10 octobre 2014, une demande tendant à être indemnisé des préjudices subis du fait des illégalités fautives dont aurait été entaché le concours mis en place pour l'année 2013. Par une décision du 16 décembre 2014, le ministre a expressément refusé de faire droit à cette demande. M. B...s'est à nouveau présenté au concours d'entrée à l'IUF en 2014, mais sa candidature a été écartée. L'intéressé a, dans un premier temps, exercé un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 29 avril 2014 nommant les membres de l'IUF reçus au titre de l'année 2014. A l'instar de ce qu'il avait fait pour l'année 2013, il a de nouveau adressé au ministre une demande tendant à être indemnisé des préjudices subis du fait des irrégularités entachant le concours de recrutement de l'année 2014. Cette demande a également été rejetée par une décision du 16 décembre 2014. M. B...a alors saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes, la première tendant, à titre principal, à l'indemnisation à hauteur de 275 936 euros des préjudices subis du fait des illégalités fautives dont aurait été entachée la procédure de recrutement pour l'année 2013, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui allouer une compensation de décharge de service de 128 heures par an pendant quatre ans, la seconde tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2014, à la condamnation de l'Etat, à titre principal, à lui verser une somme de 319 920 euros en réparation des préjudices subis et à ce que la même injonction de décharge soit prononcée à l'égard du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Par un jugement joignant ces deux demandes, dont M. B...fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble des conclusions présentées par l'intéressé.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées de M.B..., enregistrées sous les nos 17PA01326 et 17PA01327, concernent la situation de l'intéressé et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête enregistrée sous le n° 17PA01327 relative au processus de sélection de l'année 2013 :

3. Aux termes de l'article VI du règlement intérieur de l'IUF, alors applicable : " Les personnalités proposées ne peuvent pas siéger plus de deux fois dans le même jury ". Il n'est pas contesté que M. E...a siégé trois fois au sein du jury de recrutement des membres " senior " de l'IUF en 2010, 2011 et 2013. Ce dernier n'avait que la qualité de suppléant en 2013, mais il est constant qu'il a participé activement à la délibération à l'issue de laquelle la candidature de M.B..., dont il était le rapporteur, a été rejetée. Il résulte de l'instruction et notamment d'attestations, particulièrement circonstanciées, de trois professeurs connaissant les deux hommes, qu'il était alors de notoriété publique que les relations entre M. B...et M. E... étaient particulièrement conflictuelles depuis de nombreuses années, à tel point que la direction du centre national de la recherche scientifique avait dû intervenir. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir qu'il a été privé des garanties d'impartialité qu'un candidat à un concours est en droit d'attendre de la part des membres du jury. Par suite, l'administration a commis une double irrégularité qui porte atteinte à l'égalité entre les candidats au concours de recrutement des membres " senior " de l'IUF pour l'année 2013 et donc une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, pour établir qu'il disposait d'une chance sérieuse de voir sa candidature retenue en 2013, M. B...se borne à soutenir qu'il disposait de toutes les qualités professionnelles pour pouvoir y prétendre. Ces seules allégations, en l'absence notamment de tout document permettant de savoir quel était son classement au niveau de la liste finale établie par le jury, ne suffisent pas à démontrer que la faute commise par l'administration l'aurait privé d'une chance sérieuse d'être reçu. Par suite, le préjudice dont il est fait état est purement hypothétique et ne saurait, par conséquent, être indemnisé.

Sur la requête enregistrée sous le n° 17PA01326 relative au processus de sélection de l'année 2014 :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont communiqué aux parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative un moyen d'ordre public tiré de ce qu'ils étaient susceptibles de soulever d'office l'incompétence négative de l'auteur de l'arrêté du 29 avril 2014. M. B...n'ayant pas repris à son compte ce moyen dans ses écritures, les premiers juges, qui n'entendaient pas à y faire droit, n'avaient pas à y répondre.

5. En second lieu, contrairement à ce que soutient M.B..., les premiers juges ont visé et répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant eux, notamment ceux tirés de l'absence de réunion plénière du jury, du rôle prépondérant que M. A...aurait joué au sein des sous-jurys et de la discrimination que l'appelant aurait subie en raison de son âge. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement dont il est fait appel aurait été insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la recevabilité des conclusions de première instance :

6. En premier lieu, en sollicitant, sans autre précision, l'annulation des " actes, relevés comme irréguliers, du jury du concours d'entrée à l'IUF en vue de la nomination des membres seniors à compter du 1er octobre 2014 ", M. B...n'a pas mis pas en mesure la juridiction d'identifier les décisions attaquées. Ces conclusions sont, par suite, irrecevables et doivent pour ce motif être rejetées.

7. En second lieu, aux termes de l'article VIII de l'arrêté NOR ESRS1300317A publié au bulletin officiel du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'enseignement n° 42 du 14 novembre 2013 c'est : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur (qui) procède à la nomination des membres juniors et des membres seniors inscrits sur les listes principales établies par les jurys ". La liste du jury arrêtant les noms des candidats nommés à l'IUF au titre de l'année 2014 constitue un acte préparatoire à la décision du ministre procédant à leur nomination. Les conclusions tendant à son annulation sont par suite irrecevables.

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 29 avril 2014 et de la faute alléguée :

8. Aux termes de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune distinction directe ou indirecte ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur âge (...) ".

9. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. M.B..., qui était alors âgé de 64 ans et doyen du concours lorsqu'il a candidaté en 2014, soutient que sa candidature a été rejetée du fait de son âge. L'intéressé produit de nombreuses attestations émanant de membres du jury, notamment de messieurs Gayon et Scribano et de MmeF..., relatant que la question de l'âge a bien été évoquée au cours des délibérations du jury. Mme F...en particulier rapporte que " (...) le comité a considéré l'importance de l'âge parmi d'autres critères au moment d'établir un ordre de priorités des candidatures, notamment par rapport à l'évolution de la carrière des candidats et de leur capacité pour mener à terme le projet présenté (...) ". M. B...produit également des courriels, dont un rédigé par M.D..., membre du jury, indique que l'âge des candidats a, entre autres critères, été pris en considération pour départager des candidats dont les dossiers étaient de qualité scientifique sensiblement égale. En défense, le ministre soutient que si la question de l'âge a été évoquée par le jury, elle a finalement été rejetée par la majorité de ses membres, laissant entendre qu'il pouvait s'agir d'un critère pertinent pour les autres membres du jury. Si l'Etat affirme que M.A..., administrateur, n'a jamais donné d'instruction aux membres du jury afin qu'ils tiennent compte de l'âge lors de l'examen des candidatures, ceci n'établit pas pour autant que cet élément n'aurait pas été pris en considération. L'Etat n'expliquant pas les raisons pour lesquelles la candidature de M. B...a été écartée, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant d'établir que seuls les capacités, aptitudes et mérites de l'intéressé ont été pris en compte pour apprécier son dossier. Les éléments produits par l'appelant suffisent à établir qu'il a été victime de discrimination du fait de son âge. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M.B..., l'Etat a, en méconnaissant les dispositions précitées de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, entaché son arrêté du 29 avril 2014 nommant les membres de l'IUF à compter du 1er octobre 2014 d'une illégalité de nature à entraîner son annulation, et a du même fait commis une faute de nature en engager sa responsabilité.

S'agissant de l'évaluation des préjudices indemnisables :

11. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des délibérations du jury de recrutement des membres " senior " de l'IUF pour l'année 2014, qui ont débouché sur la nomination de vingt candidats, M. B...a été classé au 1er rang sur la liste complémentaire. L'Etat ayant commis une illégalité fautive en prenant son âge en considération, l'appelant doit être regardé comme ayant perdu une chance sérieuse d'être reçu à ce concours. Par suite, il a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices subis.

12. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009 relatif à la prime d'encadrement doctoral et de recherche attribuée à certains personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche : " La prime d'encadrement doctoral et de recherche peut être attribuée dans les conditions fixées par le présent décret : (...) La prime d'encadrement doctoral et de recherche est attribuée de plein droit aux enseignants-chercheurs placés en délégation auprès de l'Institut universitaire de France ".

13. Il est constant que M. B...a été admis à la retraite en septembre 2018. Dans ces conditions, celui-ci a uniquement droit au bénéfice des mesures énumérées par la circulaire annuelle du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation durant une période de quatre années. Ainsi, l'intéressé a droit au versement d'une somme de 15 000 euros par an correspondant au crédit scientifique dont il a été privé, soit 60 000 euros, ainsi qu'au versement de la prime d'excellence scientifique prévue de plein droit par l'article 2 du décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009, soit 40 000 euros. En revanche, M. B...n'établit pas que, si une décharge lui avait été accordée, il aurait nécessairement effectué, en plus de ses activités de recherche, des cours dans son université d'appartenance devant être rémunérés en heures supplémentaires. Ainsi, le préjudice tiré de cette absence de décharge étant hypothétique ne saurait, dès lors, être indemnisé. Enfin, compte tenu de la renommée de M. B...dans le milieu scientifique et de ses qualités professionnelles unanimement reconnues, son éviction illégale en 2014, dans les conditions précédemment rappelées, lui a nécessairement causé un préjudice moral, qui sera justement évalué à 1 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2014 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté le 7 juin 2014 et à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée du fait des illégalités commises lors du concours de recrutement des membres " senior " de l'IUF pour l'année 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. M. B...étant à la retraite à la date du présent arrêt, il n'y a en tout état de cause plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'une décharge de service de

128 heures lui soit accordée.

Sur les frais de justice :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1421992-1502090/5-3 du

22 février 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2014 et à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée au titre du concours de recrutement des membres seniors de l'IUF pour l'année 2014.

Article 2 : L'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 avril 2014 nommant des enseignants-chercheurs en qualité de membres seniors de l'IUF à compter du 1er octobre 2014 est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. B...une somme de 101 000 (cent un mille) euros.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. B...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...enregistrée sous le

n° 17PA01326 est rejeté.

Article 6 : La requête de M. B...enregistrée sous le n° 17PA01327 est rejetée.

Article 7: Le présent arrêt sera notifié à M. G...B...et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

Nos 17PA01326...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : OVADIA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 03/07/2019
Date de l'import : 05/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA01326
Numéro NOR : CETATEXT000038722763 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-03;17pa01326 ?
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