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03/07/2019 | FRANCE | N°17PA00707

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 juillet 2019, 17PA00707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la société Orange à lui verser la somme de 282 336,52 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les manquements de la société Orange dans l'organisation du service et la gestion du personnel.

Par un jugement n° 1506815/5-2 du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les

23 février 2017,

30 mars 2017 et 27 novembre 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la société Orange à lui verser la somme de 282 336,52 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les manquements de la société Orange dans l'organisation du service et la gestion du personnel.

Par un jugement n° 1506815/5-2 du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 23 février 2017,

30 mars 2017 et 27 novembre 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506815/5-2 du 22 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Orange à lui verser la somme de 282 336,52 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les manquements de la société Orange dans l'organisation du service et la gestion du personnel ;

2°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 282 336,52 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a ni visé, ni analysé l'ensemble des écritures des parties ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur quant à la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, les éléments produits permettant de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ;

- la responsabilité de la société Orange doit être engagée pour avoir méconnu les obligations qui incombent à l'employeur en termes de sécurité, santé et prévention au travail en ne tenant pas compte de l'état de santé de M.B... ;

- la responsabilité de la société Orange doit être engagée pour les faits de harcèlement moral dont elle s'est rendue auteur ;

- la société Orange a commis une faute en ne transmettant pas au médecin du travail son premier arrêt de maladie portant sur la période allant du 13 août 2009 au 4 septembre 2009 ;

- la société Orange a commis une illégalité fautive en refusant d'accorder un congé de longue maladie à M. B...en 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2017, la société Orange conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire complémentaire, présenté pour la société Orange, a été enregistré le 18 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., fonctionnaire de la société Orange depuis 1985, souffrant d'un syndrome dépressif, a été placé en congé de longue maladie à compter du 6 mai 2011, puis en congé de longue durée à compter du 6 mai 2012. Par une lettre du 24 décembre 2014, M. B...a demandé à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de sa dépression et de l'indemniser des préjudices que lui ont causés les fautes commises par la société Orange dans le cadre, notamment, de l'organisation et de la gestion de son personnel. Par une décision implicite intervenue le

26 février 2015, la société Orange a rejeté la demande de l'intéressé. M. B...fait appel du jugement du 22 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant l'indemnisation des préjudices subis en raison des manquements commis par la société Orange.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a visé et analysé l'ensemble des mémoires produits par les parties, à savoir la requête introductive d'instance de M. B...du

23 avril 2015, son mémoire complémentaire du 17 novembre 2015, ainsi que le mémoire en défense du 8 septembre 2015. M. B...ne fait état d'aucun autre élément qui aurait été produit par lui ou la société Orange et que le tribunal n'aurait ni visé ni analysé. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait à ce titre entaché d'une irrégularité.

Sur la responsabilité de la société Orange :

3. En premier lieu, M. B...soutient que la société Orange a commis une illégalité fautive en ne transmettant pas au médecin du travail le premier arrêt de travail dont il a fait l'objet du

13 août au 4 septembre 2009. Toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait une telle transmission. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la société Orange aurait commis à ce titre une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 que : " (...) Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurés aux fonctionnaires durant leur travail ". L'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique précise que : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorités ". Aux termes de l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 : " (...) La quatrième partie du code du travail est applicable aux fonctionnaires de France Télécom, sous réserve des adaptations, précisées par décret en Conseil d'Etat, qui sont justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de France Télécom (...) ". L'article L. 4121-1 du code du travail dispose enfin : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".

5. Il résulte de l'instruction que M. B...a été affecté du 2 janvier 2007 au 1er juillet 2010 au sein de l'entité " Marketing Wholesale ", en qualité de chef de projet pour la mise en place d'une plateforme internationale permettant l'itinérance des mobiles. M. B...a été placé en congé de maladie ordinaire, une première fois, du 13 août 2009 au 4 septembre 2009, puis une seconde fois, du 6 au 12 octobre 2009 du fait d'une lombosciatalgie et de vertiges liés à un syndrome vestibulaire. C'est lors de la visite de reprise d'activités qui a eu lieu à la fin de l'année 2009 que M. B..., sans parler d'un état dépressif, a évoqué une forme de souffrance au travail. C'est dans ce contexte qu'il a, lors de son entretien individuel pour l'année 2010, fait part de son souhait d'effectuer une mobilité. La société Orange y a fait droit, le 1er juillet 2010, en affectant M. B...sur un poste d'ingénieur technico commercial dans l'agence Entreprise Paris. Ce poste nécessitant de nouvelles compétences, cette société a pris soin d'organiser pour M. B...un tutorat de six mois. C'est uniquement à compter du mois de mai 2011, soit près d'un an après sa mutation, que l'état dépressif de l'intéressé a été diagnostiqué, lors d'un examen réalisé le 5 mai 2011 par le médecin du travail, qui l'a estimé inapte à son poste en relevant sa grande fatigue générale et psychologique, symptomatique d'un tel état. M. B...a alors été placé en congé longue maladie à compter du

6 mai 2011, puis en congé longue durée à compter du 6 mai 2012. Il apparaît dès lors qu'antérieurement à sa mutation, aucun des éléments portés à la connaissance de la société Orange ne laissait transparaître l'existence d'une situation justifiant que des mesures particulières tendant à la préservation de la santé de M. B...ne soient prises. Aucune carence fautive, au regard des dispositions des articles précités 23 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 et 11 du décret susvisé du

28 mai 1982, 29-1 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 et L. 4121-1 du code du travail ne saurait donc être reprochée à la société, d'autant que, dès qu'elle a appris que l'intéressé était dans une situation de souffrance au travail, due notamment à l'importante charge de travail, non contestée, rencontrée dans le service dans lequel l'appelant travaillait, elle a fait droit à sa demande de mutation.

6. En troisième lieu, l'article 6 de la loi du 13 juillet 1986 dispose que : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race (...) ". Il ressort, par ailleurs, de l'article 6 quinquiès de cette même loi qu': " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence de tels agissements. Il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que ceux-ci sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ou toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Afin d'établir qu'il aurait été victime de harcèlement moral lorsqu'il faisait partie de l'entité " Marketing Wholesale ", M. B...se borne à produire deux attestations émanant de M. E..., son supérieur hiérarchique à l'époque. Si ce dernier fait état de ce qu'il était lui-même " directement exposé aux remontrances et critiques répétés " et que lorsqu'il travaillait avec l'appelant, ils étaient " régulièrement convoqués pour des mises au point et d'interminables réunions (...) à des horaires très tardifs (...) ", ces seuls éléments ne sauraient être de nature à faire présumer l'existence d'agissements caractérisant un harcèlement moral à l'égard spécifiquement de M.B.... Les autres attestations produites par l'intéressé émanant de collègues ayant travaillé avec lui, n'évoquent pas la situation de harcèlement subie par l'appelant ou sont trop peu circonstanciées. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments de faits susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la société Orange aurait, à ce titre, commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que si, suivant en cela l'avis défavorable du comité médical, la société Orange a initialement refusé, le 14 décembre 2011, d'accorder à l'intéressé un congé de longue maladie, elle a finalement retiré cette décision de refus le 27 février 2013 lorsque le comité supérieur a, sur recours de l'appelant, émis un favorable à sa demande. Elle l'a alors placé en congé de longue maladie, de manière rétroactive du 6 mai 2011 au 5 mai 2012, puis en congé longue durée du 6 mai 2012 au 5 mai 2013. Ces agissements ne sauraient donc constituer une faute de la part de la société Orange de nature à engager sa responsabilité.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. En l'absence de toute faute commise par la société Orange de nature à engager sa responsabilité, ainsi qu'il a été précisé aux points 3 à 9 ci-dessus, les conclusions indemnitaires de M. B...ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 22 décembre 2016, qui n'est pas entaché d'une erreur de droit s'agissant de la répartition de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, ni d'une contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée à ce titre par M.B.... Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que la société Orange réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président-rapporteur,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00707
Date de la décision : 03/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-03;17pa00707 ?
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