Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1815464/5-2 du 15 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de police et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A...un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2018 et 25 mars 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1815464/5-2 du 15 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- son arrêté est régulièrement motivé en droit et en fait ;
- la situation de l'intéressé a fait l'objet d'un examen sérieux ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; les fiches descriptives, extraites de sites de référencement de valeur probante, mettent en évidence que les molécules actives des médicaments similaires à ceux prescrits à M. A...sont disponibles en Algérie ; la liste de médicaments remboursables par la sécurité sociale est publiée au journal officiel de la République algérienne ; il n'établit pas que son traitement est non substituable ;
- il n'était pas tenu d'examiner la situation de M. A...sur le fondement de l'article 7b de l'accord franco-algérien modifié.
- pour les autres moyens, il entend conserver l'entier bénéfice des ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2019, M.A..., représenté par Me Marmin, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Concernant la décision portant le refus de renouvellement du titre de séjour :
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié, dès lors qu'il souffre d'un syndrome néphrotique grave qui a nécessité une greffe rénale et d'une hépatite B active et qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
- il méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;
Concernant l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prive de base légale à celle portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les droits garantis par les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside en France depuis plus de six ans et y travaille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- et les observations de Me Marmin, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né le 15 avril 1981 et entré en France le 6 mai 2012, a bénéficié à partir du 26 mars 2014 de certificats de résidence en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelés jusqu'au 18 juillet 2017. Le 19 avril 2017, il a sollicité le renouvellement de ce certificat de résidence ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans. Le préfet de police relève appel du jugement n° 1815464/5-2 du 15 novembre 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 août 2018 refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien: " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
3. M. A...souffre d'une insuffisance rénale sévère pour laquelle il a bénéficié d'une greffe en France en avril 2016, ainsi que d'une hépatite B active. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M.A..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 4 avril 2018 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Il ressort des nombreux documents versés par le préfet de police en appel que ce pays dispose d'un grand nombre de structures hospitalières dans plusieurs villes spécialisées en néphrologie et hépathologie. En outre, le traitement médicamenteux de M.A..., qui comporte du Cortancyl, du Cell-cept, de l'Advagraf, du Coumadine, du Baraclud et de l'Uvedose est disponible en Algérie, soit sous la forme prescrite soit sous une forme équivalente au regard de la commercialisation de médicaments dont les principes actifs sont les mêmes que ceux des médicaments prescrits. En outre, les certificats médicaux du Pr Rottembourg, néphrologue de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière-Assistance publique-Hôpitaux de Paris, en particulier celui établi le 30 mars 2017 et l'attestation délivrée le 6 juin 2018 par une pharmacie de Tizi Ouzou ne sont pas de nature à infirmer les conclusions du collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, si M. A... soutient que les médicaments qui lui sont prescrits ne peuvent être substitués par un générique, il ne l'établit pas par les pièces produites, et notamment par une recommandation de la Société Française de transplantation sur l'utilisation des génériques des immunosuppresseurs, eu égard à la teneur de ce document, et par la production d'une ordonnance sur laquelle est indiquée "non substituable " alors même que les autres ordonnances prescrivant les mêmes médicaments ne comportent pas une telle mention. Par suite, le préfet de police, qui démontre dans le cadre de la présente instance qu'un traitement effectif et adapté à la pathologie de M. A... était disponible en Algérie à la date de la décision en litige, n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien en refusant de renouveler le certificat de résidence délivré sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
4. Il appartient donc à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
5. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen complet de la situation personnelle de M. A...au regard des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de la situation personnelle de M. A...doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
7. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de communiquer l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'étranger sollicitant un titre de séjour en raison de son état de santé. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'avis par lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur l'état de santé de M.A..., le 4 avril 2018, produit par le préfet devant le Tribunal, comporte le nom et la signature des médecins ayant délibéré pour rendre l'avis collégial. Le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure doit donc être écarté.
8. Aux termes de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est présenté au guichet de la préfecture de police pour y solliciter également un dossier de demande de titre de séjour en qualité de salarié, en produisant notamment à l'appui de cette demande un contrat de travail conclu à durée indéterminée et diverses fiches de paye. L'agent de la préfecture ayant refusé d'enregistrer sa demande présentée sur le fondement du b) de l'article 7 précité de l'accord franco-algérien, il a réitéré sa demande par un courrier dont la préfecture de police a accusé réception le 20 juin 2018, soit antérieurement à l'arrêté contesté. Il ressort des pièces du dossier que la situation personnelle de M. A...n'a pas fait l'objet d'un examen effectif de la part des services de la préfecture, compte tenu de l'absence de mention dans l'arrêté attaqué des éléments caractérisant sa situation professionnelle. Pour ce seul motif, l'arrêté du 2 août 2018 du préfet de police doit être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par voie de conséquence la mesure d'éloignement du même jour doit également être annulée.
10. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que le préfet de police délivre à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Le jugement attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il a enjoint au préfet de prendre une telle mesure. Eu égard aux motifs d'annulation de l'arrêté du 2 août 2018 mentionné au point 9, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A...présentée sur le fondement de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 août 2018 en tant qu'il refuse le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et lui a fait injonction de délivrer à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1815464/5-2 du 15 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant, d'une part, qu'il a annulé l'arrêté du 2 août 2018 du préfet de police en tant qu'il rejette la demande de titre de séjour présentée par M. A...sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et, d'autre part, qu'il a fait injonction au préfet de police de délivrer à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de police et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03935 2