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27/06/2019 | FRANCE | N°18PA02080

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 27 juin 2019, 18PA02080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 20 janvier 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et de mettre le versement de la somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par une ordonnance du 29 mars 2017, la présidente du Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 20 janvier 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et de mettre le versement de la somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 29 mars 2017, la présidente du Tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M.A....

Par une décision du 6 novembre 2017, la formation spécialisée du Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Tribunal administratif de Paris les conclusions de la requête de M. A...en tant qu'elles concernent les données autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat.

Par un jugement n° 1704929/6-1 du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris, a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. A...l'accès aux informations le concernant et figurant au fichier des personnes recherchées autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, mis le versement de la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 20 août 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704929/6-1 du 13 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- compte tenu des finalités du fichier des personnes recherchées, les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et 88 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 en exigeant qu'il fournisse des éléments qui auraient permis à M. A...de savoir s'il figurait ou non dans ce fichier.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 et le 21 janvier 2019, M.A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations le concernant autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, n'a pas repris dans son mémoire complémentaire le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, invoqué dans sa requête sommaire. Ce moyen doit être regardé comme ayant été abandonné.

2. L'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 dispose : " (...) lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) ". Selon l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. Le cas échéant, celles-ci sont communiquées selon des modalités définies d'un commun accord entre la commission et le responsable du traitement. / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur. ".

3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, dispose que : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 841-2 du même code prévoit que : " Relèvent des dispositions de l'article L. 841-2 du présent code les traitements ou parties de traitements automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'Etat autorisés par les actes réglementaires ou dispositions suivants : / (...) 6° Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 portant création du fichier des personnes recherchées, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 8° du III de l'article 2 de ce décret (...) ". Le III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées mentionne, à son 8° : " Les personnes faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ".

4. L'article 9 du décret du 28 mai 2010 prévoit que : " En application du dernier alinéa de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, les droits d'accès et de rectification s'exercent directement auprès du ministère de l'intérieur (direction centrale de la police judiciaire) pour les données mentionnées aux 1° à 3° de l'article 3 du présent décret et concernant :/1° Les personnes faisant l'objet des décisions judiciaires mentionnées aux 2° à 16° de l'article 230-19 du code de procédure pénale ; /2° Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 7° et 9° du III et au IV de l'article 2 du présent décret./ Pour toutes les autres données, les droits d'accès indirect et de rectification s'exercent auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ".

5. Comme l'a décidé la formation spécialisée du Conseil d'Etat statuant au contentieux, dans sa décision du 6 novembre 2017, les contestations dirigées contre le refus du ministre de l'intérieur de communiquer au demandeur tout ou partie des informations le concernant contenues dans le fichier des personnes recherchées doivent être portées devant le Tribunal administratif lorsque ce refus concerne des données autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat. S'agissant d'un fichier dont l'acte de création n'est pas dispensé de publication en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, l'instruction doit être conduite dans le respect de son caractère contradictoire, les éléments utiles à la solution du litige devant être communiqués aux parties, y compris lorsqu'ils concernent des personnes susceptibles de relever de la catégorie définie au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010.

6. Le ministre, tant en première instance qu'en appel, n'a pas apporté le moindre élément relatif à la situation personnelle de M. A...et soutient uniquement que, compte tenu des finalités du fichier des personnes recherchées, toute révélation, même concernant la question de savoir si l'intéressé fait ou non l'objet d'une inscription dans ce fichier, serait par principe de nature à compromettre celles-ci. Aucune pièce du dossier ne permet pourtant de présumer que M. A...serait susceptible de se soustraire à une quelconque forme de surveillance par les autorités mentionnées à l'article 1 du décret du 28 mai 2010 s'il apprenait qu'il fait l'objet d'une inscription dans ce fichier.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur communique à M.A..., dans l'hypothèse où il ferait l'objet d'une inscription dans ce fichier, les informations le concernant contenues dans le fichier des personnes recherchées autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de communiquer à M.A..., dans l'hypothèse où il ferait l'objet d'une inscription dans ce fichier, les informations le concernant contenues dans le fichier des personnes recherchées autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02080
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-06-02 Droits civils et individuels. Accès aux documents administratifs. Communication de traitements informatisés d'informations nominatives (loi du 6 janvier 1978).


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : LE FOYER DE COSTIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-27;18pa02080 ?
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