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27/06/2019 | FRANCE | N°18PA01833

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 juin 2019, 18PA01833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et de la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1608319 du 27 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédu

re devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, M. et MmeD..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et de la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1608319 du 27 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, M. et MmeD..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608319 du Tribunal administratif de Paris en date du 27 mars 2018 ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et de la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes et, à titre subsidiaire, leur réduction de moitié ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont omis d'analyser le premier critère de détermination de la résidence fiscale prévu par la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 relatif au lieu du foyer permanent d'habitation ; s'ils disposent de différentes résidences en France, ils n'y ont pas de foyer permanent d'habitation dès lors qu'ils sont établis en Belgique ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne considérant pas distinctement les critères d'appréciation de la résidence fiscale entre M. A...D...et Mme C...D..., dès lors qu'en application de la convention précitée, cette appréciation doit être réalisée pour chaque personne physique ;

- l'administration fiscale a considéré, pour les mêmes années d'imposition, qu'ils n'étaient pas des résidents fiscaux de France au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- le domicile fiscal des époux était en Belgique où ils avaient leur foyer permanent d'habitation ;

- l'activité professionnelle de M. D...ne pouvait pas constituer un critère pour déterminer la résidence fiscale de Mme C...D... ; celle-ci résidant en Belgique, il y a lieu, à titre subsidiaire, d'imposer les requérants séparément et, à l'exception des revenus fonciers de source française, d'exclure la quote-part de revenus de Mme D...de la base imposable en France ;

- des virements de fonds entre différents comptes bancaires et d'associés ne constituent pas des revenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus signée le 10 mars 1964 à Bruxelles entre le gouvernement de la République française et le Royaume de Belgique, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., qui estimaient avoir leur résidence en Belgique, ont, au titre des années 2010 et 2011, souscrit en France une déclaration commune de revenus fonciers auprès de la direction des impôts des non-résidents. A la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a regardé M. et Mme D...comme ayant leur domicile fiscal en France au titre des années 2010 et 2011 et les a taxés d'office à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de ces deux années et à la contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2011, à raison de revenus d'origine indéterminée. M. et Mme D...font appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur le principe de l'imposition en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut, par elle-même, directement servir de base légale à une imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. L'article 4 A du code général des impôts dispose que : " Les personnes qui ont leur domicile fiscal en France sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments mentionnés ci-après au point 9 que M. et MmeD..., qui n'invoquent d'ailleurs que les stipulations de la convention fiscale franco-belge susvisée et ne contestent pas qu'ils doivent être regardés comme ayant eu leur domicile fiscal en France au cours des années 2010 et 2011 en application des dispositions précitées du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, avaient en France le centre de leurs intérêts économiques. Les requérants étaient, dès lors, passibles de l'impôt sur le revenu en France à raison de l'ensemble de leurs revenus, à moins qu'ils ne puissent se prévaloir de leur qualité de résidents belges au sens des stipulations de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 susvisée.

En ce qui concerne l'application de la convention franco-belge :

5. Aux termes de l'article 1er de la convention franco-belge susvisée : " 1. La présente convention a pour but de protéger les résidents de chacun des Etats contractants contre les doubles impositions qui pourraient résulter de l'application simultanée de la législation fiscale de ces Etats. 2. Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation : a. Lorsqu'elle dispose d'un foyer permanent d'habitation dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, c'est-à-dire de l'Etat contractant où elle a le centre de ses intérêts vitaux (...) ". Aux termes de l'article 18 de cette convention : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des États contractants ne sont imposables que dans cet État ". Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'une personne qui entre dans leur champ d'application a un foyer d'habitation permanent à la fois en France et en Belgique, elle est imposable dans celui de ces deux États où elle a, en outre, le centre de ses intérêts vitaux ou bien, si ce centre n'est situé dans aucun d'eux, dans celui où elle séjourne habituellement.

6. Toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer permanent d'habitation. Par suite, M. et Mme D...ne peuvent pas utilement soutenir, pour contester avoir eu un foyer permanent d'habitation en France, qu'ils avaient en Belgique leur lieu de vie, un pupille à charge scolarisé, leurs relations sociales, leurs activités culturelles, religieuses et artistiques, ainsi que des véhicules automobiles. Dès lors qu'il est constant que les requérants étaient propriétaires, au cours des années en litige, de résidences en France dont ils avaient la disposition, ils doivent être regardés comme ayant eu en France un foyer permanent d'habitation.

7. Il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier de la société Ixelles Management du 2 janvier 2009 et de courriers de l'administration fiscale belge des 22 septembre 2010 et 18 septembre 2012, que la société Ixelles Management, dont M. et Mme D...sont les cogérants, mettait à leur disposition, au cours des années 2010 et 2011, la partie à usage d'habitation d'un immeuble situé 8 avenue des Klauwaerts, à Bruxelles en Belgique. Dans ces conditions, alors même que la pupille de M. et MmeD..., née le 27 mars 1986, y résidait également, ils doivent être regardés comme ayant eu un foyer permanent d'habitation en Belgique au cours des années en litige. Dès lors, conformément aux stipulations précitées de la convention fiscale franco-belge, il y a lieu de rechercher l'Etat où se situe le centre de leurs intérêts vitaux.

8. Il résulte de l'instruction que si la pupille de M. et Mme D...vit en Belgique, leurs deux fils résident en France dans des logements appartements aux requérants, travaillent au sein du groupe dont M. D...est le dirigeant. Si les requérants font valoir qu'ils avaient établi à Bruxelles leur lieu de vie et que, en particulier, Mme D...y développait des relations sociales et des activités culturelles, religieuses et artistiques, ils n'apportent aucune pièce pour en justifier. Dans ces conditions, les requérants doivent être regardés comme n'ayant pas eu, au cours des années en litige, des liens personnels plus étroits avec la Belgique qu'avec la France.

9. Il résulte également de l'instruction que M. D...était le dirigeant de 27 sociétés composant le groupe Cauval Industries dont le siège et l'essentiel des implantations sont localisés en France et qu'il exerçait son activité professionnelle en France quand bien même que les revenus qu'il en tirait de lui étaient versés par le truchement d'une société holding, la société belge Ixelles Management. Par ailleurs, Mme D...ne justifie pas avoir exercé en Belgique, au cours des années en litige, une activité professionnelle. Enfin, M. et Mme D...disposaient en France de biens immobiliers productifs de revenus. Dans ces conditions, les liens économiques noués avec la France, tant par M. D...que par son épouse, étaient plus étroits que ceux qui les unissaient à la Belgique. Dès lors, la circonstance, au demeurant non établie, que Mme D...ait séjournée principalement en Belgique durant les années 2010 et 2011 est sans incidence sur la détermination de sa résidence fiscale, le critère du lieu de séjour habituel étant subsidiaire par rapport à celui du centre des intérêts vitaux.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...doivent être regardés come ayant eu le centre de leurs intérêts vitaux en France au cours des années 2010 et 2011. Par suite, les stipulations précitées de la convention fiscale franco-belge ne font pas obstacle à l'application à M. et Mme D...des dispositions des articles 4 A et 4 B du code général des impôts français au regard desquelles ils sont considérés comme résidents fiscaux français.

Sur l'imposition commune des deux époux :

11. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1. (...) Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ".

12. S'il est constant que M. et Mme D... étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, il est également constant qu'ils n'avaient pas, au cours des années en litige, des résidences séparées. Dès lors, la circonstance que Mme D...aurait séjournée principalement en Belgique, ce qui, ainsi qu'il a été dit, ne ressort pas des pièces du dossier, alors que son époux exerçait son activité professionnelle en France ne suffit pas à justifier une imposition séparée des épouxD.... Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils doivent faire l'objet d'impositions distinctes doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

13. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". En application de ces dispositions, des sommes figurant au crédit des comptes bancaires détenus par M. et Mme D...auprès du Crédit Agricole et de la Banque Transatlantique en France et en Belgique ont été imposées, selon la procédure d'office, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. En application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'origine et de la nature de ces sommes incombe à M. et MmeD....

14. Si les requérants font valoir que les crédits bancaires en cause correspondent à des fonds provenant de la cession de leur résidence principale en France intervenue, à un emprunt de 5 millions d'euros souscrit le 19 janvier 2011 et a des virements provenant de leur compte courant d'associé ouvert dans les livres des sociétés Ixelles Management et Autopar, ils n'apportent toutefois aucune pièce de nature à le justifier. Par suite, M. et Mme D...n'apportant pas la preuve qui leur incombe de l'origine et de la nature des sommes en litige, l'administration a pu dès lors les imposer en tant que revenus d'origine indéterminée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme D...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situation fiscales.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01833
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : PHILIPPE VAYSSE SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-27;18pa01833 ?
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