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27/06/2019 | FRANCE | N°18PA00498

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 juin 2019, 18PA00498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduit d'Office.

Par une ordonnance n° 1800235 du 10 janvier 2018, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré

e le 9 février 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduit d'Office.

Par une ordonnance n° 1800235 du 10 janvier 2018, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1800235 du 10 janvier 2018 du président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 16 octobre 2017 et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- l'ordonnance attaquée méconnaît le principe du contradictoire, les articles R. 222-1 et R. 612-1 du code de justice administrative et les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles R. 513-2, R. 711-1 et R. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations des articles 1er et 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, ainsi que le protocole de New York signé le 31 janvier 1967 ;

- le préfet s'est estimé lié par la décision de rejet de sa demande d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision en date du 24 octobre 2018, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le recours exercé par Mme A...à l'encontre de la décision du 12 avril 2018 par laquelle le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle compétente pour la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité chinoise, relève appel de l'ordonnance du 10 janvier 2018 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2017 du préfet de police portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination (...) L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'Office. ".

3. D'autre part, selon l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. Si l'arrêté attaqué a été notifié à Mme A...par voie postale le 18 octobre 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté était accompagné la mention des voies et délais de recours. Par suite, le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait pas être opposé au requérant et c'est à tort que le premier juge a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. L'ordonnance du 10 janvier 2018 doit, dès lors, être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté 16 octobre 2017 :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D...C..., chef du 10ème bureau à la direction de la police générale à la préfecture de police, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police en vertu d'un arrêté n° 2017-00972 du 28 septembre 2017 régulièrement publié, le 2 octobre 2017, au bulletin municipal officiel de la ville de Paris. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté du 16 octobre 2017 n'a pas été signé par une autorité incompétente.

7. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, et notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle également les conditions d'entrée et de séjour de Mme A...en France, la circonstance que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile et le fait qu'elle ne justifie pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Mme A...n'est donc pas fondée à soutenir qu'il serait insuffisamment motivé.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en s'estimant lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de la requérante.

9. En quatrième lieu, la reconnaissance de la qualité de réfugié et l'attribution de la protection subsidiaire relèvent de la seule compétence de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par Mme A... a été rejetée par décision du 30 janvier 2017 et que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 18 juillet 2017. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations du paragraphe A, 2° de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés complétée par le protocole de New-York sont inopérants et doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

11. Mme A...soutient qu'elle craint de subir, en cas de retour dans son pays d'origine, des persécutions en raison de son appartenance à l'Eglise de Dieu-tout-puissant. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, se borne à produire des documents généraux relatifs aux restrictions à la liberté religieuse en Chine et aux persécutions subies par les membres de cette église de la part des autorités chinoises, ainsi que des attestations d'appartenance à l'Eglise de Dieu-tout-puissant, datées du 10 juin 2016 et du 6 janvier 2018. Ces pièces ne permettent toutefois pas d'établir la réalité des risques auxquels Mme A...serait personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En tout état de cause, la requérante, à qui la qualité de réfugié n'a été reconnue ni par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la Cour nationale du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève relative aux réfugiés.

12. En dernier lieu, si Mme A...fait valoir qu'elle a suivi des cours de français, il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté contesté, la requérante, entrée récemment en France, était célibataire et sans charge de famille et qu'elle n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine[0] où résident ses parents et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 10 janvier 2018 du président du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

N. ADOUANELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00498
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL IVAN NASIO AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-27;18pa00498 ?
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