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26/06/2019 | FRANCE | N°18PA02569

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 juin 2019, 18PA02569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Engie Energie Services France a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge totale de la contribution calédonienne de solidarité d'un montant de 34 132 451 F CFP supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société EEC pour la période allant du 1er janvier au

31 décembre 2016.

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Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Engie Energie Services France a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge totale de la contribution calédonienne de solidarité d'un montant de 34 132 451 F CFP supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société EEC pour la période allant du 1er janvier au

31 décembre 2016.

Par jugement n° 1800021 du 27 avril 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge sollicitée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 27 juillet 2018, 17 septembre 2018 et 28 mars 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Potier de la Varde demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1800021 du 27 avril 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de remettre à la charge de la société Engie Energie Services France les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge ;

3°) de mettre à la charge de la société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été mis à même de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience du tribunal ;

- le législateur calédonien a entendu exclure la contribution calédonienne de solidarité du mécanisme de plafonnement prévu par l'article 9 de la convention fiscale calédonienne des

31 mars et 5 mai 1983 ;

- la convention fiscale calédonienne, qui a valeur législative, ne saurait limiter la portée d'un texte postérieur de même valeur ;

- la loi spéciale déroge à la loi générale ;

- la contribution calédonienne de solidarité n'a pas de caractère analogue à l'IRVM ;

- il s'agit d'une imposition distincte qui ne peut être analogue ou identique à une autre.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2019, la société Engie Energie Services France, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de la somme de 300 000 F CPF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'a pas été habilité à interjeter appel du jugement attaqué, et, subsidiairement, les moyens soulevés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mars 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au

28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 et la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa

le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983 ;

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2019, a été présentée par la SCP Potier de la Varde pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement du 27 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Engie Energie Services France de la somme de 34 132 451 F CFP correspondant à la contribution calédonienne de solidarité (CCS) appliquée aux dividendes distribués au titre de l'exercice de la société EEC clos au 31 décembre 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative il n'a pas été mis à même de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience du tribunal, ce moyen ne peut qu'être écarté comme manifestement infondé, dès lors qu'il ressort du dossier de première instance que le sens des conclusions a été mis en ligne sur l'application Sagace le 27 mars 2018, soit deux jours avant l'audience, et qu'un code d'accès à l'application Sagace avait été transmis au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie lors de la communication par le tribunal de la requête.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. La société Engie Energie Services France a fait valoir devant les premiers juges que le taux d'imposition maximum auquel les dividendes distribués devaient être soumis, en application de l'article 9 de la convention fiscale franco-calédonienne qui plafonne le montant de la retenue à la source pouvant être prélevée sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, où la société EEC à l'origine de la distribution est implantée, est de 5 %, et que ce plafond a déjà été atteint par l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières et les centimes additionnels.

4. Aux termes de l'article 2 de la convention fiscale calédonienne des 31 mars et

5 mai 1983 : " La présente convention s'applique aux impôts sur le revenu et aux droits d'enregistrement perçus pour le compte d'un territoire quel que soit le système de perception.

2. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : (...) b) En ce qui concerne le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances : i) l'impôt sur le revenu ; ii) l'impôt sur les sociétés iii) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie et des minerais ; iv) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises productrices et exportatrices de minerai de nickel ; v) l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ; vi) l'impôt sur le revenu des créances, dépôts et cautionnements ; vii) les droits d'enregistrement et la taxe hypothécaire. 3- La convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue à ceux qui sont visés au paragraphe 4 (il s'agit en réalité du paragraphe 2) qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 9 de cette même convention fiscale franco-calédonienne :

" (...) 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un territoire à un résident de l'autre territoire sont imposables dans cet autre territoire. 2- Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans le territoire dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de ce territoire, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaires effectif est une société (autre qu'une société de personnes) (...) ".

5. Aux termes de l'article 13 de la loi de pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 dans sa version modifiée par la loi de pays n° 2015-9 du 31 décembre 2015 : " Les produits de valeurs mobilières mentionnés à l'article 12 s'entendent des produits des valeurs mobilières définis aux articles 529 et 550 à Lp. 553 bis du code des impôts. ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " La contribution sur les produits de valeurs mobilières est assise sur le montant retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. / Les produits de valeurs mobilières exonérés de l'impôt sur le revenu de valeurs mobilières en application des dispositions de l'article Lp. 536 du code des impôts ne sont pas soumis à la contribution. ". Aux termes de l'article 15 de ladite loi : " La contribution portant sur les produits de valeurs mobilières est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle est notamment liquidée sur la déclaration prévue à l'article Lp. 544 du code des impôts et avancée par les sociétés distributrices des produits de valeurs mobilières ".

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la contribution calédonienne de solidarité instaurée par la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014, contrôlée et recouvrée selon les articles 12 à 15 de cette même loi, est prélevée sans effet sur les droits aux prestations sociales pour les personnes qui s'en acquittent et ne conditionne le droit à aucune prestation spécifique ou aux avantages servis par un régime de sécurité sociale. Ainsi, elle ne présente pas le caractère d'une cotisation sociale mais entre dans la catégorie des impositions. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées de la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 que la contribution calédonienne de solidarité est notamment assise sur les produits de valeur mobilière définis à l'article 529 du code des impôts et servant de base à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières et est établie et selon les règles applicables à cet impôt. Les modalités de détermination de l'assiette de la contribution calédonienne de solidarité et de son recouvrement font que, alors même qu'elle ne poursuit pas les mêmes objectifs que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, que son assiette inclut d'autres revenus, qu'elle ne se compense pas avec cet impôt, qu'elle n'en est pas libératoire, que les modalités d'imputation ou de déduction des deux impôts sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés soient différentes, et que les mécanismes de taux ne sont pas identiques, cette contribution constitue une imposition de nature analogue, au sens du 3 de l'article 2 de la convention fiscale franco-calédonienne, aux impôts visés au paragraphe 2 de l'article 2 de cette convention.

7. En deuxième lieu, la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 qui a approuvé la convention fiscale franco-calédonienne a donné valeur législative à l'ensemble des dispositions de celle-ci. Cette convention a le caractère d'un acte de droit interne fixant des règles fiscales spéciales en matière d'imposition notamment des dividendes payés par une société qui est un résident d'un territoire à un résident de l'autre territoire et a pour objet et pour effet de limiter la portée des lois fiscales des deux territoires afin d'éviter les doubles impositions. Contrairement à ce qui est soutenu, la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 n'a ni pour objet, ni pour effet d'exclure la contribution calédonienne de solidarité du mécanisme de plafonnement prévu par l'article 9 de la convention fiscale calédonienne des 31 mars et 5 mai 1983 en ce qui concerne ces dividendes versés. En l'absence d'une disposition ayant pour effet une telle exclusion, les moyens tirés de ce que la convention fiscale calédonienne ne saurait limiter la portée d'un texte postérieur de même valeur et de ce que la loi spéciale déroge à la loi générale ne peut qu'être écarté.

8. Il suit de tout ce qui précède qu'il y a lieu de tenir compte du taux d'imposition à la contribution calédonienne de solidarité, qui s'ajoute aux impôts existants payés par la société EEC au titre de l'IRVM et des centimes additionnels mentionnés à l'article 2 de la convention fiscale calédonienne des 31 mars et 5 mai 1983, pour appliquer le plafonnement de

5 % de la retenue à la source pouvant être prélevée sur le territoire de la source, prévu par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-calédonienne. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Engie Energie Services France de la somme de

34 132 451 F CFP correspondant à la contribution calédonienne de solidarité (CCS) appliquée aux dividendes distribués au titre de l'exercice de la société EEC clos au 31 décembre 2016. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Engie Energie Services France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 2 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera à la société Engie Energie Services France la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la SA Engie Energie Services France.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à la SAS EEC.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 juin 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02569
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : ELMOSNINO ; ELMOSNINO ; ELMOSNINO ; ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-26;18pa02569 ?
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