Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2018 par lequel le préfet de police, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Par un jugement n° 1819638 du 3 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2018 et 7 juin 2019, M.A..., représenté par MeE..., puis par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- cette décision comporte des erreurs quant à sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité sénégalaise, est entré en France le 6 juin 2015, sous couvert d'un visa Schengen court séjour valable jusqu'au 30 juin 2015. Par deux arrêtés du 27 octobre 2018, le préfet de police, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné, d'autre part, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. M. A...relève appel du jugement du 3 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 octobre 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. A...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il est dépourvu de titre de séjour et ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, cette décision, qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées.
3. En deuxième lieu, M.A..., qui déclare être arrivé sur le territoire le 6 juin 2015, ne produit aucune copie de son passeport et n'établit pas la régularité de son entrée en France pendant la période de validité de son visa court séjour entre le 1er juin et le 30 juin 2015. De plus, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 2 août 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis avait pris à son encontre une obligation de quitter le territoire qui lui avait été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, dont le pli a été avisé à M. A...le 3 août 2016 mais qu'il n'a pas réclamé. Les décisions contestées ne sont dès lors entachées ni d'une erreur de fait ni d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé.
4. En troisième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
5. Il ressort du procès-verbal d'audition dressé le 27 octobre 2018 que M. A...a été informé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement et qu'à cette occasion, il a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les conditions de son séjour, sur sa situation personnelle, et sur la perspective de son éloignement à destination de son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...se maintient depuis un peu plus de trois ans sur le territoire sans avoir entrepris de démarche de régularisation, qu'il ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle et ne fait état que d'une relation de concubinage depuis avec Mme C..., de nationalité française dont l'ancienneté n'est pas établie antérieurement au mois de juin 2018. Dans ces conditions, la seule circonstance que Mme C...était enceinte à la date de la décision litigieuse n'est pas suffisante à la faire regarder comme ayant, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, la décision litigieuse, qui vise les textes applicables et notamment le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 2 août 2016 et que, ne pouvant justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
9. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est soustrait à l'exécution de la décision du 2 août 2016 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire, et qu'il est dépourvu de tout document d'identité. En outre, il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire dès lors qu'il n'établit pas être entré en France durant la période de validité du visa entre le 1er juin et le 30 juin 2015. Par suite, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le préfet de police a pu estimer que le risque de fuite était établi et refuser, pour ce motif, l'octroi à M. A... d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, la décision indique que l'intéressé, qui allègue être entré en France le 6 juin 2015, ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dès lors qu'il se déclare en concubinage et sans enfant à charge et relève qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, ces décisions, qui comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A...au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAULe greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA04027