Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...E...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 35 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger démuni d'autorisation de travail ainsi que la somme de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1605753/3-1 du 16 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 16 février 2016 en tant qu'elle met à la charge de MmeD..., au titre du travail accompli par M.E..., le versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, prévues respectivement par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a déchargée de la somme totale de 19 724 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mars 2018, Mme D...E..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2018 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016 en tant qu'elle met à sa charge le versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire au titre du travail accompli par M. C...;
2°) de réduire à la somme de 9 160 euros la contribution spéciale mise à sa charge en ce qui concerne M.C....
Elle soutient que le montant de la sanction devait être réduit, dès lors qu'elle a requis auprès de son comptable la déclaration préalable à l'embauche de M. C...dès le 25 août 2015 et qu'elle a également établi son bulletin de paie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier,
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena
- et les conclusions de Mme Delamarre.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 25 août 2015 dans un bar restaurant " ROYAL 17 " exploité par Mme D...E..., les services de police ont constaté la présence en action de travail de deux étrangers démunis de titres de séjour ainsi que de titres les autorisant à travailler en France. Par une décision du 24 novembre 2015, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de l'exploitante une contribution spéciale d'un montant de 35 200 euros au titre de l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi qu'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 248 euros au titre de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme D...a formé un recours gracieux contre cette décision le 22 décembre 2015 que le directeur de l'OFII a rejeté par décision du 16 février 2016. Mme D...a alors demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision et de prononcer la décharge des contributions forfaitaire et spéciale mises à son encontre. Par jugement du 16 janvier 2018, le Tribunal a annulé la décision du 16 février 2016 uniquement en tant qu'elle met à la charge de Mme D...le versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire au titre du travail accompli par
M. E...finalement considéré comme son conjoint collaborateur et non comme employé par MmeD.... Mme D...E...relève appel de ce jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016 en tant qu'elle met à sa charge le versement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire au titre du travail accompli par M.C....
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicable au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables :
" Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] ". Selon l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles
R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ". Aux termes de l'article R. 8252-6 de ce même code : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. ". Enfin, l'article L. 8252-4 du code du travail dispose que : " Les sommes dues à l'étranger sans titre, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction. (...) ".
3. Les dispositions précitées des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail aménagent une possibilité de minoration du montant de la contribution spéciale, au plus égal à
5 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 par l'employeur. Mme D...E...conteste l'infraction de travail dissimulé en indiquant qu'elle a demandé à son comptable de faire la déclaration préalable à l'embauche de M. C...dès le
25 août 2015, que son comptable s'est trompé de numéro SIRET et que par conséquent la date qui apparaît, soit le 26 août 2015, correspond à celle de la rectification par le comptable de son erreur auprès de l'URSSAF. Toutefois, elle n'a produit au soutien de ses allégations qu'une attestation de son comptable et la lettre qu'elle aurait elle-même envoyée à l'URSSAF à la suite du jugement du tribunal administratif de Paris. L'OFII, en revanche produit la fiche synthétique de la déclaration préalable d'embauche envoyée par l'URSSAF et indiquant comme date de déclaration de M. C...le 26 août 2015, soit le lendemain du contrôle. Ainsi, et alors que la matérialité de l'infraction d'emploi d'un étranger sans titre l'autorisant à travailler est établie, Mme D...E...n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 1° du II de l'article R. 8253-2 susvisé.
4. Si la requérante soutient s'être acquittée des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail et produit au soutien de ses allégations le bulletin de paie correspondant à la période du 25 août 2015 au 31 août 2015, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait également versé à M. C...l'indemnité visée à l'article L. 8252-2 du code du travail et informé l'OFII du paiement de ces salaires et indemnités conformément aux prescriptions de l'article R. 8252-6 du même code. Ainsi, elle ne saurait davantage prétendre à la réduction du quantum de la sanction prévue au 2° du II de l'article R. 8253-2. Il suit de là que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu légalement fixer le montant de la contribution à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre des infractions relevées pour l'emploi de M.C....
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la contribution spéciale en raison du travail accompli par M. C....
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande la Mme D...E...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...E...est rejetée.
Article 2 : Mme D...E...versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...E...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA00869