Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Cosy Home a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler la décision du 5 janvier 2016 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris a prononcé à son encontre une amende administrative de 9 000 euros pour manquement à l'article L. 114-1 du code de la consommation, à titre subsidiaire, de ramener la sanction prononcée à un montant de 1 000 euros maximum.
Par un jugement n° 1603420/6-3 du 22 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, la société Cosy Home, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 22 mai 2017 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- les agents de la direction départementale de la protection des populations de Paris qui ont signé le procès-verbal de constatation des manquements étaient incompétents ;
- la facturation de sa prestation " cosy services " ne constitue pas un paiement supplémentaire venant s'ajouter au prix de l'objet principal du contrat, au sens de l'article L. 114-1 du code de la consommation ;
- la décision attaquée est disproportionnée au regard du caractère très récent des textes, de l'absence d'injonction qui pouvait être prononcée en application de l'article L. 141-1 VII du code de la consommation et du montant de l'amende infligée.
Par un mémoire, enregistré le 2 juillet 2018, le préfet de police demande à ce qu'il soit mis hors de cause dès lors qu'il n'est pas compétent pour défendre en appel le contentieux relatif à une amende administrative relevant du ministère de l'économie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la consommation,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cosy home, SARL de gestion de biens créée en 1999, spécialisée dans la location d'appartements meublés, a fait l'objet le 29 janvier 2015 d'un contrôle par un inspecteur et un contrôleur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), agissant sous l'autorité du directeur départemental de la protection des populations de Paris. A l'issue de l'enquête diligentée en vue de vérifier le respect par cette société des dispositions de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite loi " ALUR ", un procès-verbal a été dressé le 28 juillet 2015 concluant à un manquement à l'article L. 114-1 du code de la consommation. Par lettre du 5 août 2015, le directeur départemental de la protection des populations de Paris (DDPPP) a transmis copie de ce procès-verbal à la société Cosy home et a informé cette dernière de son intention de prononcer à son encontre une amende administrative. Le 24 novembre 2015, le gérant de la société a fait part de ses observations oralement au cours d'un entretien dans les locaux de la direction départementale, puis, par l'intermédiaire de son conseil, a présenté par lettre du 15 décembre 2015, ses observations écrites. Par décision du 5 janvier 2016, le DDPPP a prononcé à son encontre une amende administrative de 9 000 euros. La société Cosy home a alors demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Paris qui, par jugement du 22 mai 2017, a rejeté sa requête. La société Cosy Home relève appel de ce jugement et demande à la Cour de faire droit à ses conclusions de première instance.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de prestation de services, le professionnel s'assure du consentement exprès du consommateur pour tout paiement supplémentaire venant s'ajouter au prix de l'objet principal du contrat. Dans l'hypothèse où le paiement supplémentaire résulte d'un consentement du consommateur donné par défaut, c'est-à-dire en l'absence d'opposition expresse de sa part à des options payantes qu'il n'a pas sollicitées, le consommateur peut prétendre au remboursement des sommes versées au titre de ce paiement supplémentaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-2 du même code : " Tout manquement à l'article L. 114-1 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. ". Aux termes de ces dispositions : " I. - L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux I à III de l'article L. 141-1 ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues au VII du même article L. 141-1. / II. - L'action de l'administration pour la sanction d'un manquement passible d'une amende administrative excédant 3 000 € pour une personne physique ou 15 000 € pour une personne morale se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n'a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement. (...) / III. - Les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire. Une copie en est transmise à la personne mise en cause. / IV. - Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende. ".
3. En premier lieu, la décision contestée mentionne les articles L. 141-1-2 et L. 114-1 du code de la consommation dont il est fait application. Elle rappelle également l'ensemble de la procédure suivie, à savoir la lettre du 5 août 2015 avisant la société des manquements constatés lors du contrôle du 29 janvier 2015 et la copie du procès-verbal qui y était jointe indiquant le détail des motifs de la sanction envisagée et le calcul de l'amende, les observations orales et écrites présentées pour la société et précise le motif retenu pour le prononcé de l'amende. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée manque en fait et ne saurait être retenu.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal concluant à un manquement de la société appelante aux dispositions de l'article L. 114-1 du code de la consommation a été établi le 28 juillet 2015 par Mmes A...etB..., respectivement inspecteur et contrôleur de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, agissant sous l'autorité du directeur départemental de la protection des populations de Paris. L'article L. 141-1 II du code de la consommation alors applicable, prévoit que sont recherchés et constatés dans les conditions fixées au L. 450-1 et suivants du code de commerce, les manquements aux dispositions du code de la consommation, dont celui tiré de l'interdiction de facturer des frais supplémentaires sans consentement exprès. L'article A. 450-1 du code de commerce prévoit ainsi que : " Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités, en application de l'article L. 450-1, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au présent livre ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence des signataires du procès-verbal en cause doit être écarté dès lors que ces derniers tiennent leur habilitation desdites dispositions, sans que le ministre de l'économie n'ait à justifier d'une délégation particulière qui leur aurait été conférée.
5. En troisième lieu, il est reproché à la société Cosy home d'avoir facturé à ses clients, en sus du montant des honoraires locatifs réglementaires plafonnés par la loi ALUR, des honoraires nommés " cosy services ", d'un montant de 6 % TTC du loyer annuel charges comprises, sans avoir au préalable recueilli leur consentement exprès, ce en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-1 du code de la consommation précitées, lesquelles ne peuvent être entendues que comme proscrivant une telle pratique. La société requérante soutient que la facturation de sa prestation " Cosy Services " correspond en réalité à toute une série de prestations essentielles faisant partie intégrante du contrat principal ne pouvant être considérées comme un service supplémentaire nécessitant un accord exprès préalable du consommateur au sens de ces dispositions. Il est toutefois constant que les honoraires en cause correspondant notamment à un service de recherche, un service de gestion de meubles pour l'entretien, la réparation et le changement des meubles en cas de dégradation ou de casse, et un service d'assistance technique correspondant à la prise en charge du dossier d'assurance en cas de dégât des eaux par exemple, ainsi qu'à un pack " cosy liberty " ouvrant la possibilité pour le locataire de changer de logement sans frais supplémentaire, s'ils sont acquittés par l'ensemble des preneurs de locations meublées et qu'ils leur sont précisément présentés dans une note informative, ne figurent pas au contrat de location du bien meublé, n'y sont pas annexés et n'ont à aucun moment de la procédure fait l'objet d'un quelconque accord contractuel du preneur. Celles des prestations proposées qui sont réellement accessoires au contrat principal auraient dû, en tout état de cause, faire l'objet d'un document annexé au contrat de bail signé par les parties au contrat. Aussi, la circonstance que le client soit informé du détail des services proposés et de leur coût tout au long de la relation contractuelle, au travers notamment de la remise de la note informative susmentionnée, ne signifie pas pour autant qu'il y a eu accord exprès du preneur de l'appartement sur la chose et le prix. Demeure de même sans incidence sur l'expression du consentement, la circonstance qu'aucun client n'a jamais demandé le remboursement des sommes versées au titre de ces honoraires. Dans ces conditions, le directeur départemental de la protection des populations de Paris a légalement pu estimer que les faits reprochés étaient constitutifs d'un manquement aux dispositions précitées de l'article L. 114-1 du code de la consommation et infliger à la société intéressée une amende sur ce fondement.
5. En quatrième et dernier lieu, alors que les dispositions introduites par la loi du
17 mars 2014 dite ALUR, étaient applicables aux contrats conclus après le 13 juin 2014, il ressort des mentions figurant au procès-verbal du 28 juillet 2015 que la société Cosy home a omis de recueillir l'accord exprès de plus de deux cents consommateurs entre les mois d'avril 2014 et de janvier 2015, et que les honoraires de service correspondant aux six dossiers sur lesquels a plus particulièrement porté le contrôle représentaient, à eux seuls, 62 % des honoraires locatifs, soit un montant de 7 589,30 euros. Si la société appelante persiste à reprocher aux agents qui ont procédé à ce contrôle de ne pas avoir usé de la possibilité de lui adresser une injonction préalable au prononcé de l'amende contesté telle que prévue par les dispositions de l'article L. 141-1 VII du code de la consommation, il ne s'agit là que d'une simple faculté ouverte à l'administration et non d'un préalable obligatoire. Enfin, compte tenu de l'ampleur des manquements constatés et du montant du chiffre d'affaires de l'entreprise, d'un montant de 987 280 euros pour l'année 2013, et de son résultat net de 114 597 euros pour cette même année, le directeur départemental de la protection des populations de Paris n'a pas, en infligeant à la société Cosy home, une amende de 9 000 euros pour méconnaissance des dispositions du code de la consommation, alors que les sanctions maximum que l'autorité compétente peut prononcer s'élèvent à 15 000 euros pour une personne morale, pris une sanction disproportionnée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cosy Home n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Cosy Home demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Cosy Home est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cosy Home et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°17PA02387