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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA03193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 18PA03193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays où il pourrait être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804224 du 20 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays où il pourrait être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804224 du 20 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804224 du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2018 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant malien né en mai 1992 et entré en France selon ses déclarations en février 2016, a été interpellé le 24 mai 2018 lors d'un contrôle d'identité qui a révélé qu'il était en situation irrégulière en France. Par un arrêté du 24 mai 2018, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a assorti cette obligation d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A...fait appel du jugement du 20 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 (2° du I) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement de droit de l'obligation de quitter le territoire français. Il mentionne que M. A..., de nationalité malienne, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'y maintient irrégulièrement, n'étant pas titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré, ce qui en constitue le motif de fait. L'obligation de quitter le territoire français répond dès lors aux exigences de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que le préfet du Val-de-Marne n'ait pas mentionné tous les éléments factuels de la situation personnelle de l'intéressé, notamment la présence régulière de ses parents et de sa fratrie en France, qui ne lui donne aucun droit à s'y maintenir, n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation cette décision ni à démontrer qu'elle n'aurait pas été prise après un examen complet de la situation de l'intéressé.

3. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. M. A...soutient qu'il est dépourvu d'attaches familiales au Mali dès lors que sa famille, notamment son père, sa mère et sa fratrie résident régulièrement en France. Toutefois, M. A..., âgé de vingt-six ans à la date de la décision litigieuse, est célibataire, sans charge de famille et sans profession, et ne résidait selon ses déclarations que depuis un peu plus de deux ans en France, où il ne démontre aucune intégration sociale ou professionnelle. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne aurait, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a indiqué lors de son audition être entré en France muni d'un faux passeport ivoirien après avoir tenté à deux reprises d'obtenir des visas auprès des consulats de France à Bamako et Abidjan, n'a présenté lors de son interpellation aucun document de voyage en cours de validité, ni n'a allégué avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Si M. A...fait valoir qu'il disposait à la date de la décision litigieuse d'une adresse stable chez ses parents, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant qu'il existait un risque de fuite et en refusant pour ce motif de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. L'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige , dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Il résulte des termes de l'arrêté en litige que, pour fixer à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'absence de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France et sur les circonstances que M. A...est célibataire et sans enfant. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, et nonobstant le fait qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, le préfet du Val-de-Marne a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, prendre à l'encontre de M. A...une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, à prendre en charge les frais de procédure sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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18PA03193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03193
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa03193 ?
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