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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA02933

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 18PA02933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...O...M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, K..., D...etF..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce que soit substitué au nom " M... " celui de " C... ".

Par un jugement n° 1621236/4-2 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires,

enregistrés le 30 août 2018, le 18 avril 2019 et le 7 mai 2019, M.M..., agissant en son no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...O...M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, K..., D...etF..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce que soit substitué au nom " M... " celui de " C... ".

Par un jugement n° 1621236/4-2 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2018, le 18 avril 2019 et le 7 mai 2019, M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, E...K..., I...D..., F...et J...B..., représenté par MeN..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1621236/4-2 du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2016 du garde des sceaux, ministre de la justice ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de faire droit au changement de nom demandé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. M...soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil est établi ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- l'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeN..., pour M. M....

Considérant ce qui suit :

1. Par quatre décrets du 20 avril 2009, M. A...C..., réfugié turc d'origine kurde, Mme G...L..., son épouse et leurs enfants mineurs, E...et I...C..., nés en 2002 et 2005, ont été naturalisés français et autorisés à s'appeler respectivement BernardM..., Sandrine L...et K...et D...M.... De l'union des époux est également née en 2010 l'enfant F...M.... Par arrêts du 26 octobre 2015 de la cour d'appel de Rennes, Bernard, Sandrine, K...et D...M...ont été autorisés à porter les prénoms Baki Bernard, Semra Sandrine, E...K...et DevranD.... Par une requête publiée au Journal officiel du 27 juillet 2013, M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineursK..., D...etF..., a sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice l'autorisation de substituer à son nom et à celui de ses enfants celui de " C... ". Par une décision du 30 septembre 2016, le garde des Sceaux, ministre de la justice a rejeté cette demande. Par un jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineursK..., D...etF..., tendant à l'annulation de cette décision. M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, E...K..., I...D..., F...et J...B..., né en 2018, fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 20 janvier 1994 : " Le refus de changement de nom est motivé (...) ".

3. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, l'article 61 du code civil dispose : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ".

5. M. M...se prévaut de difficultés dans des démarches administratives à la suite de la francisation du nom de la famille, qu'il n'aurait pas souhaitée. Toutefois, si le requérant soutient que la demande de francisation de son nom aurait été suggérée par les services de la préfecture du Morbihan le jour du dépôt de la demande de naturalisation des membres de la famille, sans que puissent être appréciées les conséquences d'une telle demande, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, ainsi qu'il le prétend, il n'aurait alors pas souhaité renoncer au port de son nom d'origine. Par ailleurs, les difficultés pour obtenir un livret de famille modifié à la suite des décrets de naturalisation ou les retards pris pour procéder tant à la transcription du décret de naturalisation sur l'acte de naissance de E...K...que des arrêts de la cour d'appel de Rennes autorisant les changements de prénoms, ce qui engendrerait des difficultés avec d'autres administrations, ne caractérisent pas un intérêt légitime pour déroger au principe de fixité du nom de famille, pas plus que la circonstance que la famille a continué à faire usage au quotidien du nom " C... ", malgré sa naturalisation et la francisation du nom. A cet égard, si M. M...soutient que la famille reste reconnue sous l'identité " C... " en Turquie et que les autorités de ce pays ne reconnaissent pas la filiation de l'enfantF..., née sous le nom " M... ", il n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à justifier de difficultés avec les autorités turques, alors qu'il peut, s'il s'y croit fondé, présenter à l'officier d'état civil une demande sur le fondement de l'article 61-3-1 du code civil.

6. Par ailleurs, si M. M...soutient qu'il subit des souffrances psychologiques liées au port de son nom, l'existence de souffrances telles qu'elles caractériseraient l'intérêt légitime requis pour déroger au principe de fixité du nom n'est pas établie par un certificat médical établi par un médecin généraliste le 28 mars 2013, qui mentionne un état d'anxiété de M.M..., " en partie lié aux difficultés que sa famille rencontre à faire officialiser la francisation " du nom et du prénom, par une attestation établie par le même médecin le 5 avril 2017, qui fait état de troubles psychosomatiques liés à la démarche entreprise pour retrouver le nom d'origine, et par un certificat du même médecin établi le 11 avril 2019 dans le même sens, les autres attestations produites n'établissant pas la réalité de troubles de santé liés au port du nom. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le seul attachement du requérant à ses origines kurdes et la double nationalité franco-turque de la famille ne caractérisent pas l'intérêt légitime pour déroger au principe de fixité du nom.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le garde des sceaux, ministre de la justice doit être écarté. Pour les mêmes motifs, au regard des buts en vue desquels elle a été prise, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la libre circulation pour réclamer la mise en concordance de ses états civils français et turc, dès lors que la Turquie n'est pas membre de l'Union européenne.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée au nom de l'enfant DevrimB..., que M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, E...K..., I...D..., F...et J...B..., n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante, doivent ainsi être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, E...K..., I...D..., F...et J...B..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.M..., agissant en son nom et en celui de ses enfants mineurs, E...K..., I...D..., F...et J...B..., et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. H...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02933
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa02933 ?
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