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20/06/2019 | FRANCE | N°17PA22220,17PA22221,18PA21053

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 17PA22220,17PA22221,18PA21053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France a demandé au tribunal administratif de Cayenne, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née le

5 mai 2014 du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur sa demande de permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " Permis Guyane Maritime SHELF" sur le plateau continental de la Gu

yane en date du 15 mai 2013, d'autre part, d'annuler la décision implicite de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France a demandé au tribunal administratif de Cayenne, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née le

5 mai 2014 du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur sa demande de permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " Permis Guyane Maritime SHELF" sur le plateau continental de la Guyane en date du 15 mai 2013, d'autre part, d'annuler la décision implicite de rejet née le 30 août 2014 du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur son recours gracieux du 30 juin 2014 et, enfin, d'enjoindre au ministre de lui octroyer le permis de recherche litigieux ou, à défaut, de réexaminer sa candidature à l'attribution dudit permis.

Par un jugement n° 1401193 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé l'annulation des décisions contestées et a enjoint au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer de délivrer à la société Hardman Petroleum France le permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Guyane maritime SHELF " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la juridiction d'appel :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement des trois dossiers relatifs à ce jugement enregistrés à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

I. Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017 sous le n° 17PA22220 et un mémoire enregistré le 19 février 2018, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401193 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France devant le tribunal administratif de la Guyane.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- les décisions litigieuses sont fondées sur les objectifs de la politique énergétique de la France, sur la nécessité de préserver l'environnement et sur les dangers inhérents aux opérations de forage pétrolier en mer.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2018, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France, représentée par Me C...et Me B..., a conclu au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, conjointement avec le ministre de l'économie, d'octroyer le permis de recherches sollicité, le cas échéant sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ou, subsidiairement, à ce qu'il soit enjoint aux mêmes ministres de réexaminer sa candidature à l'octroi dudit permis, sous peine de la même astreinte, et à ce qu'il soit mis la somme de 10 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation, dès lors qu'elle a demandé le 24 octobre 2014 aux ministres concernés de bien vouloir lui communiquer les motifs de la décision implicite de refus du 5 mai 2014 et que cette demande est demeurée sans réponse ;

- le dossier de demande qu'elle a déposé répond bien aux exigences prévues par le décret du 19 avril 1995 et l'arrêté du 28 juillet 1995 ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer le permis exclusif de recherche d'hydrocarbures sollicité, dès lors que son projet présentait toutes les garanties techniques, financières et environnementales ;

- le projet ne porte pas d'atteinte excessive aux intérêts protégés par la police des mines sur le plateau continental ;

- les ministres ont considéré qu'elle disposait bien des capacités techniques et financières suffisantes et que le projet ne menaçait pas les intérêts protégés par la loi ;

- les décisions litigieuses sont fondées sur des textes postérieurs à leur naissance ;

- elles portent atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- l'injonction délivrée par les premiers juges est fondée, dès lors que l'administration a fait preuve d'une grave carence dans l'instruction de la demande ;

- l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2017 doit demeurer sans incidence sur l'injonction prononcée, sauf à méconnaitre le droit au recours effectif, ainsi que le principe de confiance légitime consacré par le droit de l'Union européenne qui s'applique à la procédure d'attribution du permis sollicité.

Par une ordonnance du 21 août 2018, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la société Hardman Petroleum France à l'encontre des articles 2 et 3 de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France déclare se désister de l'ensemble de ses moyens et conclusions présentées à la Cour dans la présente instance.

II. Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017 sous le n° 17PA22221, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1401193 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de la Guyane.

Il soutient que :

- les moyens invoqués à l'appui du recours au fond sont, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par la société Hardman Petroleum France ;

- l'exécution de l'injonction ordonnée par le tribunal administratif risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2018, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France, représentée par Me C...et Me B..., a conclu au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 10 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle a fait valoir qu'aucun des moyens de la requête ne justifie que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France déclare se désister de l'ensemble de ses moyens et conclusions présentées à la Cour dans la présente instance.

III. Sous le n° 18PA21053, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisi d'une demande d'exécution du jugement n° 1401193 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de la Guyane a, le 15 mars 2018, en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, le cas échéant, les mesures d'exécution.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France déclare se désister de l'ensemble de ses moyens et conclusions présentées à la Cour dans la présente instance.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New-York le 22 avril 2016, publié par le décret n° 2016-1504 du 8 novembre 2016 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;

- la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement ;

- le décret n° 95-427 du 19 avril 1995 relatif aux titres miniers ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les instances n° 17PA22220, 17PA22221 et 18PA21053 présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

2. Par un courrier du 15 mai 2013, la société anonyme par actions simplifiées Hardman Petroleum France a sollicité de la part du ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, alors chargé des mines, la délivrance d'un permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux sur le plateau continental et les eaux territoriales de Guyane française dit " permis de Guyane maritime SHELF " portant sur la zone économique exclusive française au large de la Guyane. Cette demande était consécutive à l'avis d'appel à la concurrence publié au Journal Officiel de l'Union Européenne le 19 février 2013 et faisait suite à la demande en date du 18 août 2011, déposée par la société anonyme par actions simplifiées Total EetP Guyane Française. Par une lettre du 12 juillet 2013, l'administration a informé la société Hardman Petroleum France que quatre demandes lui avaient été adressées, dont la sienne, et lui a indiqué que la date limite d'instruction du dossier était fixée au 5 mai 2014. Par un courrier du 15 avril 2014, les sociétés Hardman Petroleum France et Total EetP Guyane Française ont informé l'administration qu'elles acceptaient de devenir co-titulaires du permis. De l'absence de décision expresse à l'expiration du délai d'instruction fixé au 5 mai 2014 est née une décision implicite de rejet de cette demande. Un recours gracieux, resté sans réponse, a été formé le 30 juin 2014 par la société Hardman Petroleum France ; par ailleurs, le 21 octobre 2014, cette société a demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet. La société Hardman Petroleum France ayant demandé au tribunal administratif de Cayenne l'annulation des deux décisions implicites précitées, cette juridiction, renommée tribunal administratif de la Guyane, a, par un jugement du 20 avril 2017 dont le ministre fait appel devant la Cour, fait droit à sa demande et enjoint au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer de délivrer à la société Hardman Petroleum France le permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures sollicité. Le ministre a assorti sa requête d'appel d'une demande de sursis à exécution du jugement, tandis que le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisi d'une demande d'exécution par la société Hardman Petroleum France, a, en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, le cas échéant, les mesures d'exécution.

Sur le désistement de la société Hardman Petroleum France:

3. Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la société anonyme par actions simplifiée Hardman Petroleum France déclare se désister de l'ensemble de ses moyens et conclusions présentées à la Cour dans le cadre des trois instances. Il y a lieu de lui donner acte de ce désistement, qui est pur et simple.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Contrairement à ce que soutient le ministre d'État, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés dans les mémoires en défense présentés par l'administration, a suffisamment motivé la censure des motifs des décisions implicites litigieuses à laquelle il a procédé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'annulation des décisions litigieuses :

5. Aux termes de l'article L. 111-1 du code minier, dans sa rédaction applicable à la date des décisions implicites attaquées : " Relèvent du régime légal des mines les gîtes renfermés dans le sein de la terre ou existant à la surface connus pour contenir les substances minérales ou fossiles suivantes : / 1° Des hydrocarbures et des combustibles fossiles, la tourbe exceptée, qu'ils soient sous forme solide, liquide ou gazeuse, du graphite, du diamant (...) ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 (...) Un décret en Conseil d'État définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes ". L'article L. 161-1 du même code dispose : " Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter (...) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (...) ". L'ordonnance du 20 janvier 2011 a créé, au sein du titre VI " Travaux miniers " du nouveau code minier, contenu dans le livre 1er consacré au régime légal des mines, un chapitre II destiné à définir le régime de l'ouverture des travaux, et qui comprenait initialement douze articles, numérotés de L. 162-1 à L. 162-12. Aux termes de l'article L. 162-1 de ce code : " L'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation de mines est subordonnée soit à une autorisation, soit à une déclaration administrative suivant la gravité des dangers ou des inconvénients qu'ils peuvent représenter pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. La définition des travaux de recherches et d'exploitation entrant dans l'une ou l'autre de ces catégories est établie par décret en Conseil d'État ". L'article L. 162-3 du même code dispose : " Sont soumis à autorisation les travaux de recherches et d'exploitation qui présentent des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 ", alors que, selon l'article L. 162-10 : " Sont soumis à déclaration les travaux de recherches et d'exploitation qui tout en présentant des dangers ou des inconvénients faibles pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 doivent néanmoins se soumettre à la police des mines et aux prescriptions édictées par l'autorité administrative ". Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l'appréciation à laquelle se livre le gouvernement pour refuser un permis exclusif de recherches de mines.

6. Aux termes de l'article L. 100-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable à la date des décisions implicites attaquées : " La politique énergétique garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Cette politique vise à : / - assurer la sécurité d'approvisionnement ; / - maintenir un prix de l'énergie compétitif ; / - préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ; / - garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie ". Aux termes de l'article L. 100-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " Pour atteindre les objectifs définis à l'article L. 100-1, l'État, en cohérence avec les collectivités territoriales, veille, en particulier, à : / - maîtriser la demande d'énergie et favoriser l'efficacité ainsi que la sobriété énergétiques ; / - diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale ; / - développer la recherche dans le domaine de l'énergie ; - assurer des moyens de transport et de stockage de l'énergie adaptés aux besoins ".

7. Pour refuser la délivrance du permis de recherches d'hydrocarbures sollicité, le ministre a fait valoir en défense, devant les premiers juges, que l'activité de recherche ou d'exploitation minière en mer serait contraire aux orientations de la politique énergétique de la France et présenterait des risques environnementaux ; il a précisé que ces objectifs figurent dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et sont inspirés par la lutte contre le réchauffement climatique et les travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ; enfin, il a souligné que la mise en oeuvre d'une activité d'exploration pétrolière dans cette zone comporte le risque d'effets néfastes irréversibles sur la biodiversité marine qui constitue une des richesses de la Guyane. Ces motifs, qui sont repris, devant la Cour, dans les mêmes termes, doivent être regardés comme ceux qui fondent les décisions implicites de rejet contestées par la société Hardman Petroleum France.

8. Pour annuler les décisions litigieuses, le tribunal administratif de la Guyane a estimé, en premier lieu, que d'une part, il résulte des dispositions précitées de la loi du 17 août 2015, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé notamment l'adoption de son article 2, que si l'impératif général de réduction de la dépendance à l'égard des énergies fossiles et de croissance verte doit constituer un objectif permanent de l'État, des collectivités territoriales et leurs groupements dans la définition des politiques publiques, la loi n'a eu ni pour effet ni pour objet d'interdire toute délivrance de permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, mais seulement de tendre à l'augmentation de la part des énergies renouvelables, tout en veillant, ainsi d'ailleurs que le prévoit l'article L. 100-1 du code de l'énergie, à favoriser l'émergence d'une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, à assurer la sécurité d'approvisionnement et réduire la dépendance aux importations et à maintenir un prix de l'énergie compétitif et attractif au plan international qui permette de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs. Il a également estimé, d'autre part, que si le ministre fait valoir que l'activité d'exploration pétrolière comporte des risques néfastes irréversibles sur la biodiversité marine, il n'apporte aucune précision sur les atteintes que la délivrance du permis critiqué pourraient apporter à l'environnement, que s'il liste un certain nombre d'espèces animales protégées présentes dans les eaux côtières de la Guyane, il n'indique pas en quoi la délivrance du permis querellé leur porterait atteinte, laquelle ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il est en revanche constant que l'administration ne formule aucune critique sur la notice d'impact produite par la société requérante, notamment en ce qui concerne les aspects environnementaux. Il en a déduit que la société requérante est fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux (PERH) portant sur le plateau continental et les eaux territoriales de Guyane française dit " permis SHELF", le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il a enfin considéré, en second lieu, que les circonstances regrettables que la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon ait sombré en 2010 dans le golfe du Mexique occasionnant des conséquences environnementales désastreuses, qu'une plate-forme norvégienne ait été endommagée par une vague géante en décembre 2015 en mer du Nord ou qu'un incendie soit intervenu sur une plate-forme dans le sud de la mer Caspienne ne sauraient, en tout état de cause, permettre de fonder le refus de délivrance du permis de recherche litigieux.

9. Le ministre d'État ne produit, devant la Cour, aucun élément de droit ou aucun argument nouveaux, par rapport à ses écritures en défense devant le tribunal administratif de la Guyane, qui soit susceptible de la conduire à remettre en cause sur ces différents points l'appréciation portée par les premiers juges relativement à la légalité des décisions attaquées. En particulier, le recours du ministre d'État se fonde, pour l'essentiel, sur l'invocation, d'une part, de dispositions des articles L. 100-1 et L. 100-4 du code de l'énergie qui sont issues de la loi du

17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et, d'autre part, sur les stipulations de l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New York le 22 avril 2016, introduit dans l'ordre juridique interne en vertu du décret n° 2016-1504 du

8 novembre 2016. Ces dispositions législatives et ces stipulations conventionnelles, à même supposer qu'elles puissent être interprétées dans un sens favorable à la position de l'administration, sont ainsi entrées en vigueur postérieurement à la date de naissance des décisions implicites de rejet contestées et sont insusceptibles, en tout état de cause, de leur être opposées. En outre, l'intimée a opposé à chacun des motifs retenus par l'administration, une argumentation approfondie, tant sur la situation des hydrocarbures au sein de la politique énergétique de la France que sur les mesures de protection de l'environnement qu'elle entend mettre en oeuvre et sur les risques allégués en matière d'opérations pétrolières en mer, que le ministre d'État ne conteste pas sur le fond. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a prononcé l'annulation de ses deux décisions implicites rejetant la demande de la société Hardman Petroleum France. Il s'ensuit que ses conclusions du recours du ministre d'État qui tendent à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'injonction de délivrance du permis de recherche :

11. Le tribunal administratif, après avoir annulé les décisions implicites de rejet de la demande de permis de recherches sollicité, a enjoint au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer de délivrer à la société Hardman Petroleum France le permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Guyane maritime SHELF " dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

12. Le ministre soutient que cette injonction doit être annulée, dès lors qu'elle n'est plus susceptible de recevoir exécution, eu égard au changement des circonstances de droit qui lui sont postérieures.

13. L'article 2 de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement a ajouté au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier une section 3 intitulée : " Arrêt de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures et du charbon " et comportant notamment les nouveaux articles L. 111-6 et L. 111-18. Le premier alinéa de l'article L. 111-6 dispose : " Il est mis fin progressivement à la recherche et à l'exploitation du charbon et de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux, quelle que soit la technique employée, à l'exception du gaz de mine défini à l'article L. 111-5, afin de parvenir à un arrêt définitif de ces activités, dans les conditions et selon les modalités fixées par la présente section ". L'article L. 111-9 dispose : " Il n'est plus accordé par l'autorité compétente de : / 1° Permis exclusif de recherches ou d'autorisation de prospections préalables en vue de la recherche, y compris à des fins expérimentales, portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l'article

L. 111-6 ". L'article 3 de la même loi dispose que : " La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s'applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l'autorité compétente postérieurement à la publication de la présente loi, d'octroi initial ou de prolongation d'un permis exclusif de recherches ou d'une autorisation de prospections préalables, ou d'octroi initial ou de prolongation d'une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l'article L. 111-6 du même code ainsi qu'aux demandes en cours d'instruction à cette même date, sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à l'administration de procéder à la délivrance ou d'autoriser la prolongation de l'un de ces titres ".

14. Les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 30 décembre 2017 sont applicables à la demande de permis de recherche présentée par la société Hardman Petroleum France, dès lors que, le jugement attaqué enjoignant à l'administration de procéder à la délivrance du permis sollicité étant frappé d'appel devant la Cour, aucune décision passée en force de chose jugée n'est intervenue à ce jour.

15. Il résulte de ce qui précède que, en raison de l'entrée en vigueur des dispositions législatives prohibant l'octroi de permis exclusif de recherches d'hydrocarbures, l'annulation des décisions implicites de rejet en litige n'est plus susceptible d'impliquer des mesures d'exécution. Il s'ensuit que le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à demander à la Cour l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué qui prescrit de telles mesures.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

16. Dès lors qu'il est statué au fond sur le recours du ministre, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à que la Cour prononce le sursis à l'exécution du jugement attaqué.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire est seulement fondé à demander à la Cour l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société par actions simplifiée Hardman Petroleum France de l'ensemble de ses moyens et conclusions dans les instances n° 17PA22220, n° 17PA22221 et n° 18PA21053.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du recours n° 17PA22221 du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Article 3 : L'article 2 du jugement n° 1401193 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours n° 17PA22220 du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Hardman Petroleum France et au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la région Guyane, préfet de la Guyane, au ministre des Outre-mer et à la collectivité territoriale de Guyane.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

10

N°s 17PA22220, 17PA22221, 18PA21053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA22220,17PA22221,18PA21053
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Mines - Recherche des mines.

Nature et environnement.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Prescription d'une mesure d'exécution.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle restreint.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;17pa22220.17pa22221.18pa21053 ?
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