Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Colibri a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane lui a refusé la cession à titre onéreux des parcelles AP 197 et AP 198 sises sur la commune de Rémire-Montjoly, ensemble la décision du 27 juillet 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques a rejeté son recours administratif préalable, et d'enjoindre à la même autorité de procéder à son profit à la cession des parcelles AP 197 et AP 198, dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1500675 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la juridiction d'appel :
Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête d'appel enregistrée à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 et des mémoires enregistrés le 22 août 2017, le 16 juin 2018 et le 18 juillet 2018, la société civile immobilière Colibri, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500675 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane lui a refusé la cession à titre onéreux des parcelles AP 197 et AP 198 sises sur la commune de Rémire-Montjoly, ensemble la décision du 27 juillet 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques a rejeté son recours administratif préalable ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative de réexaminer sa demande à la date du
20 mars 2015 ;
4°) de mettre à la charge solidaire de l'État et de la commune de Rémire-Montjoly le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il s'est fondé sur un mémoire en défense présenté par la commune de Rémire-Montjoly sans que son maire eût été préalablement habilité par le conseil municipal à défendre dans l'instance ;
- le jugement est également irrégulier eu égard à son insuffisante motivation, faute de précisions apportées quant à la cession des parcelles objet du litige à la commune de Rémire-Montjoly ;
- la décision du 30 mars 2015 est insuffisamment motivée ;
- les décisions litigieuses sont illégales dès lors que la délibération du conseil municipal de Rémire-Montjoly en date du 1er mars 2013 - en réalité du 20 février 2013 - qu'on lui a opposée est elle-même illégale et qu'elle forme avec ces décisions une opération complexe ; cette délibération a été adoptée selon une procédure irrégulière, dès lors que les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement convoqués, non plus qu'ils n'ont été destinataires d'une information préalable suffisante ; elle n'est pas signée par l'ensemble des conseillers présents comme le prévoit l'article L. 2121-23 du code général des collectivités territoriales ; en outre, elle méconnait les articles L. 5142-1 et R. 3211-28 du code général de la propriété des personnes publiques ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les parcelles étant inconstructibles ; elle est entachée de détournement de procédure ;
- la délibération communale ne vise pas la parcelle A 220 ; le ministre ne pouvait pas s'appuyer sur cette délibération pour refuser de lui céder cette parcelle ; il ne pouvait pas plus subordonner la cession à l'agrément préalable du ministre de l'agriculture et aurait au moins dû transmettre la demande en application de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les trois parcelles ayant été acquises sur des fonds FNAFU, elles relevaient de la même procédure.
Par des mémoires en défense enregistrés le 31 mai 2017, le 5 septembre 2017 et le
2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir :
- que la légalité du refus de cession n'est pas subordonnée à celle de la délibération datée du 1er mars 2013, avec laquelle il ne constitue pas une opération complexe ;
- la critique que formule en appel la requérante à l'encontre de la réponse apportée pour le refus de cession de la parcelle AR 220 n'est pas fondée et sans conséquence sur la légalité de la décision concernant les parcelles AR 197 et AR 198 ;
- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 28 aout 2017 et des pièces enregistrées le 21 août 2018, la commune de Remire-Montjoly, représentée par la SELARL d'avocats Mariema-Bouchet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge de la société civile immobilière Colibri en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ;
- le décret n° 2008-309 du 3 avril 2008 portant dispositions transitoires relatives à la direction générale des finances publiques ;
- le décret n° 2009-707 du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 20 mars 2015, le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé à la société civile immobilière Colibri la cession à titre onéreux des parcelles domaniales AP 197, AP 198 et AP 220 sises sur la commune de Rémire-Montjoly. Par une décision du 27 juillet 2015, il a rejeté le recours administratif préalable de la société. Par un jugement du 1er décembre 2016, dont la société civile immobilière Colibri relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions, en tant qu'elles concernent les parcelles AP 197 et AP 198.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'appelante soutient que, le maire de la commune n'ayant pas produit de défense régulière devant les premiers juges, la décision de ces derniers serait irrégulière pour s'être fondée sur cette défense. Il est toutefois constant que le tribunal administratif n'a pas fondé sa décision sur des documents présentés par la commune, mais sur ceux produits par l'État. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
3. Contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement attaqué comporte des mentions suffisamment précises, en ses points 1 et 3, relativement à la cession par l'État à la commune de Rémire-Montjoly des parcelles qui sont l'objet du litige. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation, sur ce point, du jugement attaqué, manque donc en fait et doit être écarté.
Sur la légalité de la décision du 20 mars 2015 et le rejet du recours gracieux du
7 juillet 2015 :
4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État, les immeubles du domaine privé de l'État peuvent être vendus dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État " Aux termes de l'article R. 3211-2 du même code : " L'aliénation d'un immeuble du domaine privé de l'État est consentie avec publicité et mise en concurrence, soit par adjudication publique, soit à l'amiable (...) ". Aux termes de l'article R. 3211-4 du même code : " La cession amiable est annoncée par avis du préfet. Cet avis est inséré dans une publication à diffusion locale, nationale ou internationale habilitée à recevoir des annonces légales ou dans une publication spécialisée dans le secteur de l'immobilier, ou encore publié par voie électronique (...)./ L'avis précise notamment : / 1° La localisation et les caractéristiques essentielles de l'immeuble ; / 2° L'adresse du service auprès duquel le cahier des charges de la vente peut, s'il y a lieu, être demandé ou consulté ; / 3° Les modalités de présentation des offres par les acquéreurs potentiels ; / 4° Les modalités d'organisation des visites de l'immeuble ". L'article R. 3211-5 du même code dispose en outre que : " Les critères de sélection des offres prennent notamment en compte les conditions financières proposées ainsi que les garanties de bonne fin et de solvabilité présentées ". Enfin, l'article R. 3211-6 du même code dispose : " La cession est consentie par le préfet, au prix convenu entre les parties et selon les modalités financières fixées par le directeur départemental des finances publiques (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Dans le département de la Guyane, les immeubles domaniaux compris dans un plan d'occupation des sols opposable aux tiers, un plan d'urbanisme approuvé ou un document d'urbanisme en tenant lieu, peuvent faire l'objet : (...) 3° De cessions gratuites aux collectivités territoriales (...) en vue de constituer sur le territoire d'une commune des réserves foncières dans les conditions fixées aux articles L 221-1 et L. 221-2 du code de l'urbanisme (...). La superficie globale cédée en une ou plusieurs fois ne peut excéder sur chaque commune une superficie de référence égale à dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune de situation des biens cédés à la date de la première cession gratuite (...) ". Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme : " L'État, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation (...) sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 ". Enfin, aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions :
6. Aux termes de l'article 2 du décret du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques : " Les directions départementales des finances publiques assurent la mise en oeuvre, dans le ressort territorial du département, sans préjudice des compétences dévolues à d'autres services déconcentrés et services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques, des missions dévolues à cette direction générale en ce qui concerne notamment : (...) 9° L'acquisition, la gestion et la cession des biens domaniaux (...) ". Aux termes du I de l'article 3 du même décret : " Les directions régionales des finances publiques assurent, dans le département où est situé le chef-lieu de région, la mise en oeuvre des missions relevant des directions départementales ". Les dispositions combinées du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements et du décret du 16 juin 2009 autorisent le préfet de la Guyane, préfet de la région Guyane à déléguer sa signature, notamment, au directeur régional des finances publiques ; ce dernier peut subdéléguer cette signature à certains agents placés sous son autorité.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2013, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région de la Guyane (semaine n° 45, du 4 au 11 novembre 2013), M. F...D..., directeur régional des finances publiques, lui-même bénéficiaire d'une délégation du préfet de la Guyane en date du 1er juillet 2013, a subdélégué sa signature à M. C... E..., inspecteur principal, responsable du service France Domaine pour les matières relatives à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
8. La cession par l'Etat d'une parcelle de son domaine privé n'est pas un droit pour celui qui en fait la demande. Il suit de là qu'une décision de refus de cession d'une telle parcelle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, en vigueur à la date des décisions litigieuses. Le moyen tiré de l'absence de motivation des décisions litigieuses est inopérant et doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen fondé sur l'illégalité, par voie d'exception, de la délibération du conseil municipal de Rémire-Montjoly du 20 février 2013 signée le 1er mars 2013 par le maire :
9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.
10. Les décisions litigieuses énoncent que les parcelles AP 197 et AP 198 ne peuvent être cédées à la SCI Colibri car elles ont fait l'objet d'une cession à la commune le 16 novembre 2014, à la suite d'une délibération du conseil municipal prise sur le fondement de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques et portant la date du 1er mars 2013. La délibération d'un conseil municipal demandant à l'État, sur le fondement de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la cession gratuite d'un immeuble domanial ne revêt pas un caractère réglementaire. Elle ne forme en outre pas avec les décisions individuelles de l'autorité compétente refusant à des personnes privées la cession à titre onéreux du même immeuble dans le cadre de la procédure instituée, sur des fondements législatifs entièrement distincts, par l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques et les dispositions réglementaires fixant ses modalités d'application, cités au point 4, une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités qui l'affecteraient, alors que cette délibération aurait acquis un caractère définitif.
11. Ainsi, et alors même que la délibération, datée du 1er mars 2013, du conseil municipal de Rémire-Montjoly qui sollicite de l'État la cession à titre gratuit des parcelles objet du litige, constitue la condition de la cession à la commune intervenue le 16 novembre 2014, laquelle est le motif retenu par l'administration dans ses décisions de rejet de la demande de cession à titre onéreux des mêmes parcelles à la requérante, cette dernière ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette délibération. Le moyen tiré de son illégalité est donc inopérant et doit être écarté en ses diverses branches. Il en va de même du moyen tiré de ce que les parcelles ayant, selon la requérante, été acquises grâce à des fonds de l'État, elles n'auraient pu être légalement cédées à la commune.
12. Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière Colibri n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui refusant la cession à titre onéreux des parcelles AP 197 et AP 198 sises sur la commune de Rémire-Montjoly.
13. La société requérante demande en appel l'annulation des décisions litigieuses en tant qu'elles concernent la parcelle AR 220. Ces conclusions nouvelles en appel ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI Colibri, partie perdante, puisse en invoquer le bénéfice. La commune de Rémire-Montjoly n'étant pas une partie au litige au sens de ces mêmes dispositions, ses conclusions tendant à ce que la Cour mette à la charge de la société civile immobilière Colibri le versement d'une somme sur ce fondement ne peuvent également qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Colibri est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Rémire-Montjoly fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Colibri, au ministre de l'action et des comptes publics et à la commune de Rémire-Montjoly.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de la région Guyane, préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA20835