Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel du 32 a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2011 et 2012, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1608532/1-3 du 7 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a prononcé la réduction des impositions et pénalités litigieuses " à raison de la réduction du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et résultant de la prise en compte d'un tarif moyen par nuitée de 57,97 euros par nuitée au titre de l'exercice clos en 2011 et de 59,9 euros au titre de l'exercice clos en 2012, d'un taux d'occupation des chambres de 91,03 % au titre de la période du 25 février 2012 au 27 mai 2012 et de 85,85 % au titre de la période du 27 mai 2012 au 31 août 2012 et d'un taux d'impayés de 1,07 % au titre de l'exercice clos en 2011 et de 1,6 % au titre de l'exercice clos en 2012 ", d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, la société Hôtel du 32, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1608532/1-3 du 7 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service a appliqué un taux d'occupation de 98,84 % pour tenir compte de la semaine d'inoccupation par an pour cause de travaux, alors qu'il aurait dû retenir un taux de 98,07 % ;
- le temps d'inoccupation des chambres lié aux travaux de remise en état n'a pas été pris en compte pour reconstituer les recettes de l'entreprise ;
- la consommation de 200 litres d'eau par jour et par occupant retenue par le Tribunal pour déterminer le nombre d'occupants de l'hôtel est insuffisante ;
- la sur-occupation des chambres constatée au cours de la période vérifiée par les services de la préfecture de police ne correspond pas à la réalité ;
- la sur-occupation de certaines chambres ne se traduit pas par une augmentation du prix des chambres ;
- les rectifications correspondant aux recettes non déclarées et les rectifications en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sont infondées dès lors que la reconstitution de recettes est elle-même infondée ;
- il résulte des bons de livraison qu'elle verse au dossier que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures établies par la société Plateforme du Bâtiment est déductible ;
- la rectification en matière d'impôt sur les sociétés correspondant à l'" incidence financière des rappels de taxe sur la valeur ajoutée " est infondée dès lors que ces rappels sont eux-mêmes infondés ;
- l'activité exercée implique une usure et une dégradation particulière de certaines immobilisations, qui justifient l'application d'un taux d'amortissement supérieur à celui d'une autre entreprise ;
- les majorations pour manquement délibéré sont infondées eu égard à l'état de santé de son gérant, qui était en arrêt maladie au cours des exercices vérifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Hôtel du 32 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Hôtel du 32 exploite un hôtel dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Elle a fait l'objet en 2013 et 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ont été mis à sa charge. Elle relève appel du jugement du 7 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur la reconstitution des recettes :
2. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la comptabilité de la société Hôtel du 32 était irrégulière. La société n'a, en particulier, pu présenter aucun justificatif de recettes au service vérificateur. Celui-ci a en conséquence reconstitué les recettes taxables de la société à l'aide d'une méthode extra comptable. A partir des factures obtenues auprès du centre d'aide sociale de la mairie du 19ème arrondissement et du service d'aide sociale à l'enfance, le service a d'abord déterminé le prix de facturation moyen d'une nuitée par personne, soit 59 euros et 61 euros, respectivement pour les exercices clos en 2011 et 2012. Il a ensuite évalué à 120 personnes, correspondant à la capacité maximale de l'hôtel, le nombre d'occupants de l'hôtel, en se fondant sur les consommations d'eau. Il a enfin déterminé le chiffre d'affaires toutes taxes comprises de l'hôtel en multipliant le tarif par nuitée et par personne par le nombre d'occupants, en retenant une durée d'occupation annuelle de 365 jours. Pour tenir compte de l'inoccupation des chambres liée aux travaux réalisés dans celles-ci, l'administration fiscale, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a soustrait du chiffre d'affaires annuel ainsi reconstitué une semaine de chiffre d'affaires. La société conteste les montants de chiffres d'affaires auxquels parvient ainsi le service. La comptabilité comportant de graves irrégularités et les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis de la commission, elle supporte la charge de la preuve, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
3. La société Hôtel du 32 soutient, en premier lieu, que le service a appliqué un taux d'occupation de 98,84 % pour tenir compte de la semaine d'inoccupation par an pour cause de travaux, alors qu'il aurait dû, selon elle, retenir un taux de 98,07 %, correspondant à 51 semaines d'occupation sur 52. Cependant, ce moyen est inopérant et doit être écarté dès lors que, pour tenir compte des travaux réalisés dans les chambres, le service n'a pas appliqué un " taux d'occupation de 98,84 % " mais, comme il a été dit au point précédent, s'est borné à soustraire une semaine de chiffre d'affaires du montant du chiffre d'affaires annuel reconstitué. Par ailleurs, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que le temps d'inoccupation des chambres lié aux travaux de remise en état n'a pas été pris en compte pour reconstituer les recettes de l'entreprise manque en fait.
4. En deuxième lieu, la société Hôtel du 32 n'établit ni que la consommation de 200 litres d'eau par jour et par occupant retenue par le Tribunal pour déterminer le nombre d'occupants de l'hôtel serait insuffisante, ni que la sur-occupation des chambres constatée au cours de la période vérifiée par les services de la préfecture de police ne correspondrait pas à la réalité.
5. Enfin, si la société requérante fait valoir que la sur-occupation de certaines chambres " ne se traduit pas par une augmentation du prix des chambres ", il ressort des motifs du jugement attaqué que le Tribunal en a tenu compte pour réduire de 59 à 57,97 euros et de 61 à 59,90 euros les tarifs appliqués par le service au titre des exercices clos respectivement en 2011 et 2012. La société ne démontre pas que les tarifs ainsi réduits par le Tribunal demeureraient néanmoins excessifs.
Sur les rectifications correspondant aux recettes non déclarées et les rectifications en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :
6. La société requérante se borne à soutenir qu'elle conteste ces redressements par voie de conséquence de sa contestation de la reconstitution de recettes. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 qui précèdent que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures établies par la société Plateforme du Bâtiment :
7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. 1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 289 du même code : " I.-1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers (...) ". Enfin, aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code : " I.-Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client (...) " ;
8. Il résulte de ces dispositions que l'identification certaine du bénéficiaire d'une opération taxable est essentielle à l'exercice de son droit à déduction. Si la mention du nom complet et de l'adresse du client assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle il est soumis en raison de ses propres affaires dans le cas seulement où il apporte la preuve par tout moyen du règlement effectif par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.
9. L'administration a remis en cause la déduction de la taxe mentionnée sur des factures de livraison de matériaux établies non pas à son nom mais au nom de la société Hôtelière Cosmopolitan, qui appartient au même groupe. L'administration soutient cependant que la déduction de la taxe apparaissant sur des factures pour lesquelles des bons de livraison justifiant d'une livraison à l'adresse de l'Hôtel du 32 ont été produits a été admise et qu'en conséquence, les rectifications correspondantes ont été abandonnées. Pour contester les rappels restant en litige, la requérante se borne à produire ce qu'elle appelle deux " bons de livraison ", qui sont en réalité des factures établies par la société Plateforme du Bâtiment au nom de la société Hôtelière Cosmopolitan mais mentionnant comme lieu de livraison l'adresse du 32 rue du docteurA.... Ces deux factures, dont l'une a d'ailleurs été établie en 2013 et se rapporte à une opération postérieure à la période en litige, ne permettent pas d'établir que les factures restant en litige ont été réglées par la société Hôtel du 32 pour les besoins de ses opérations imposables.
Sur la rectification en matière d'impôt sur les sociétés correspondant à l'" incidence financière des rappels de taxe sur la valeur ajoutée " :
10. La requérante se borne à soutenir qu'elle conteste cette rectification par voie de conséquence de sa contestation des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 qui précèdent que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur les amortissements majorés :
11. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des amortissements qu'il entend déduire que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
12. Le service vérificateur a constaté qu'au titre de l'exercice clos en 2012, des dotations aux amortissements de certains éléments de l'actif avaient été majorées par rapport aux dotations correspondant aux taux d'amortissements linéaires établis lors de leurs entrées dans le patrimoine de l'entreprise. La société Hôtel du 32 soutient que l'activité exercée implique une usure et une dégradation particulière de certaines immobilisations, qui justifient l'application d'un taux d'amortissement supérieur à celui d'une autre entreprise. Cependant, elle ne fournit aucune justification à l'appui de sa demande et ne précise même pas la nature des immobilisations qui seraient concernées. Sa demande, sur ce point, ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les majorations pour manquement délibéré :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. Le service a appliqué la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées aux rectifications relatives aux recettes non déclarées tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés et qui correspondent à des minorations de 57,66 % en 2011 et de 62,79 % en 2012, aux prestations de services facturées par la société mère Thor, pour la recherche de débouchés commerciaux pour l'hôtel, dont la réalité n'a pu être démontrée, à des dépenses d'ordre personnel telles que voyages et déplacements, exposées au profit des dirigeants de l'entreprise, à une charge exceptionnelle exposée en 2012 au profit de la société mère Thor, à des passifs injustifiés correspondant au compte courant de la société Thor et au compte courant de l'épouse du dirigeant, aux factures établies par la société Plateforme du Bâtiment, mentionnées au point 9 qui précède et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur loyer. En relevant le nombre, le caractère répétitif et la nature de ces différents manquements ainsi que l'importance des minorations constatées, l'administration établit que ces manquements procèdent de l'intention délibérée de la société Hôtel du 32 d'éluder l'impôt. Elle établit par suite le bien-fondé de la décision du service d'assortir les droits litigieux de la majoration pour manquement délibéré, sans que la société requérante puisse utilement invoquer l'état de santé de son gérant au cours des exercices vérifiés.
15. Il résulte de ce qui précède que la société Hôtel du 32 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Hôtel du 32 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hôtel du 32 et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01595