Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 juin 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1709485 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale", sous astreinte fixée à 300 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt ;
4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du
10 Juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police aurait dû l'auditionner ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les observations de Me A...pour M.E....
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant ivoirien, né le 4 février 1980 à Sinfra (Côte d'Ivoire), a déclaré être arrivé irrégulièrement en France le 17 décembre 2010. Le 17 avril 2017, il a sollicité un titre séjour portant mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 19 juin 2017, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 18 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
1. Par un arrêté n° 2017-790 du 13 mars 2017, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du 13 mars 2017, le préfet du
Val-de-Marne a donné à M. C...F..., sous-préfet de Nogent-sur-Marne, délégation à l'effet de signer notamment les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile : " 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. E...invoque les dispositions qui précèdent en faisant valoir qu'il réside en France de manière continue depuis décembre 2010, qu'il vit maritalement avec
Mme G...E..., compatriote titulaire d'une carte de résident, avec qui il a conclu un pacte civil de solidarité le 9 Juin 2016 et avec qui il a eu deux enfants, nés respectivement le
27 janvier 2017 et le 17 septembre 2018 à Créteil (Val-de-Marne). Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en premier lieu, la communauté de vie entre le requérant et Mme E... n'était établie que depuis, tout au plus, un an à la date de la décision attaquée, à laquelle doit être appréciée la situation familiale du requérant en France, sans qu'il y ait ainsi lieu de prendre en compte la naissance du second enfant. En deuxième lieu, M. E... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son premier enfant, né le 27 décembre 2009 à Yamoussoukro (Côte d'Ivoire), ainsi que ses parents et ses quatre frères et soeurs et où il a vécu jusque l'âge de 30 ans au moins. Dans ces conditions, et à supposer même sa résidence continue en France établie depuis 2011, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. M. E...invoque en outre les dispositions qui précèdent de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en soutenant que les circonstances évoquées au point 4 doivent le faire regarder comme relevant d'une situation humanitaire et sont, en outre, constitutives de motifs exceptionnels au sens de ces dispositions. Toutefois, de telles circonstances ne sont pas de nature à faire regarder sa situation comme entrant dans le champ d'application de ces dispositions. Le moyen doit, par suite, être également écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision de refus de titre de séjour vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que M. E...ne réside pas habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans et précise les raisons pour lesquelles l'admission au séjour de celui-ci, tant sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueillie, non plus d'ailleurs que sur tout autre fondement de ce code. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
7. D'autre part, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique, distincte de celle du refus de titre de séjour qu'elle accompagne. L'obligation faite à M. E...de quitter le territoire français, qui fait suite à la décision de refus de titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 7, fait référence aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. E... n'établit pas qu'il contribuait à l'entretien de son enfant né le 27 janvier 2017 à la date de la décision attaquée. Il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir l'intensité de sa relation avec cet enfant, âgé de quatre mois à la date de la décision attaquée. En tout état de cause, compte tenu du fait que M. E... a un premier enfant résidant en Côte d'Ivoire, âgé de sept ans à la date de la décision attaquée, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne saurait être regardée comme ayant été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
12. Il ressort de l'article 3 du dispositif de l'arrêté attaqué que le sous-préfet de Nogent-sur-Marne a mentionné que M. E...n'établissait pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en Côte d'Ivoire ou qu'il serait exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
13. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire, ni d'aucun principe, que l'auteur de la décision était tenu d'auditionner le requérant avant de prendre à son encontre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, alors que celui-ci n'a fait état d'aucune crainte ou menace en cas de retour dans l'une des destinations fixées par l'article 3 de l'arrêté attaqué.
14. M. E...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à une menace réelle et personnelle en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'il ait formé une demande d'asile depuis son entrée en France. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre de l'intérieur.
Copies-en sera délivrée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 mai 2019
Le rapporteur,
P. MANTZ Le président,
M. HEERS Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03620