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29/05/2019 | FRANCE | N°17PA03726

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 mai 2019, 17PA03726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°) La société Bayerische Landesbank a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, et, subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la conformité de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, tel qu'interprété par l'administrati

on fiscale, au principe de liberté d'établissement.

Par un jugement n° 1613190 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°) La société Bayerische Landesbank a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, et, subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la conformité de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, tel qu'interprété par l'administration fiscale, au principe de liberté d'établissement.

Par un jugement n° 1613190 du 10 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

II°) La société Bayerische Landesbank a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 et, subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la conformité de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, tel qu'interprété par l'administration fiscale, au principe de liberté d'établissement.

Par un jugement n° 1714710 du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête enregistrée le 8 décembre 2017, sous le n° 17PA03726, la société Bayerische Landesbank, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1613190 du 10 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ;

3°) subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la conformité des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, telles qu'interprétées par l'administration fiscale, au principe de liberté d'établissement.

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le chiffre d'affaires à prendre en compte pour apprécier si la société est soumise à la contribution exceptionnelle prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts est celui soumis à l'impôt sur les sociétés en France et non pas celui réalisé par son siège allemand, non soumis à l'impôt sur les sociétés en France ; une succursale française d'une société étrangère, même si elle ne jouit pas d'une personnalité morale distincte de celle-ci, dispose d'un statut particulier et a une quasi personnalité fiscale ; elle est imposable en France conformément à la loi française sur les résultats qui lui sont affectés ;

- la position de l'administration est contraire au principe de non-discrimination prévu par le paragraphe 4 de l'article 21 de la convention franco-allemande ;

- l'interprétation par l'administration des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, qui conduit à imposer plus lourdement une succursale en France d'une société allemande que sa filiale française, est contraire au principe de liberté d'établissement prévu à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Bayerische Landesbank ne sont pas fondés.

II°) Par une requête enregistrée le 9 février 2018, sous le n° 18PA00485, la société Bayerische Landesbank, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1714710 du 12 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 ;

3°) subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la conformité des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, telles qu'interprétées par l'administration fiscale, au principe de liberté d'établissement.

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le chiffre d'affaires à prendre en compte pour apprécier si la société est soumise à la contribution exceptionnelle prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts est celui soumis à l'impôt sur les sociétés en France et non pas celui réalisé par son siège allemand, non soumis à l'impôt sur les sociétés en France ; une succursale française d'une société étrangère, même si elle ne jouit pas d'une personnalité morale distincte de celle-ci, dispose d'un statut particulier et a une quasi personnalité fiscale ; elle est imposable en France conformément à la loi française sur les résultats qui lui sont affectés ;

- la position de l'administration est contraire au principe de non-discrimination prévu par le paragraphe 4 de l'article 21 de la convention franco-allemande ;

- l'interprétation par l'administration des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, qui conduit à imposer plus lourdement une succursale en France d'une société allemande que sa filiale française, est contraire au principe de liberté d'établissement prévu à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Bayerische Landesbank ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention entre la France et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du 21 juillet 1959 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-68/15- de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 17 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit allemand Bayerische Landesbank exerce des activités bancaires en France par l'intermédiaire d'un établissement stable situé à Paris. Elle fait appel des jugements en date des 10 octobre 2017 et 12 décembre 2017 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la restitution des cotisations de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts qu'elle a acquittées au titre des années d'une part, 2013 et 2014 et, d'autre part, 2015.

2. Les requêtes susvisées sont présentées par la société Bayerische Landesbank et concernent les mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2015. Cette contribution est égale à 10,7 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature (...). Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe (...) ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 de ce code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ".

4. En premier lieu, en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts cité ci-dessus, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros. Si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'y a pas lieu, pour l'application de ces dispositions du code de général des impôts, de retenir, pour apprécier le seuil de déclenchement de l'imposition, le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 de ce code et aux stipulations de la convention fiscale franco-allemande applicable au cas d'espèce.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre ". Aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres ".

6. La société requérante soutient que le principe de liberté d'établissement issu des articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne impose que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère.

7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre implique seulement, pour l'État membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables.

8. Les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, dont l'objectif est de soumettre, à titre exceptionnel, les grandes entreprises à une contribution supplémentaire compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes, ne méconnaissent pas la liberté d'établissement garantie par les stipulations des articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors, d'une part, qu'une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre et, d'autre part, que l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seul seuil d'assujettissement à cette contribution, et non pour la détermination de son assiette, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 4 de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande susvisée : " L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité (...) ".

10. D'une part, au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie en Allemagne disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment en Allemagne, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt. D'autre part, la société Bayerische Landesbank ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la clause de non-discrimination prévue à l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Bayerische Landesbank n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Bayerische Landesbank sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bayerische Landesbank et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 17PA03726-18PA00485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03726
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE ; CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE ; CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;17pa03726 ?
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