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28/05/2019 | FRANCE | N°18PA01133

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 18PA01133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOM a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 53 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier de trois travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail ainsi que la somme de 7 415 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réachemineme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOM a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 53 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier de trois travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail ainsi que la somme de 7 415 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1712300/3-3 du 20 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2018, la société SOM, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 février 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits ne sont pas établis ;

- elle a recrutée et déclarée Mme F...de bonne foi dès lors qu'elle ignorait que la carte d'identité française qu'elle avait présentée n'était pas authentique et qu'elle était en situation irrégulière ;

- elle a régulièrement embauchée et déclarée également Mme D...au regard de son titre de séjour l'autorisant à exercer toute profession ;

- M. E... B...avait débuté son activité depuis seulement deux jours en présentant son titre de séjour l'autorisant à travailler ;

- à aucun moment elle n'a douté de la réalité des documents présentés par ses salariés ;

- elle a toujours versé des salaires et transmis les bulletins de salaire à ses salariés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de

2 000 euros soit mis à la charge de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier,

- le code du travail,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 27 janvier 2017 au magasin " Victoria Cosmétiques ", les services de police ont constaté que cette dernière employait trois étrangers démunis de titres de séjour et de titres les autorisant à travailler en France. Par une décision du 22 juin 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société, une contribution spéciale d'un montant de 53 100 euros au titre de l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi qu'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 7 415 euros au titre de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société SOM relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 juin 2017.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de la société SOM : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.

4. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement des procès-verbaux d'audition, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il est reproché à la société appelante d'avoir employé trois ressortissants étrangers dépourvus de tout titre de séjour et de toute autorisation de travail. La société SOM conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés et se prévaut de sa bonne foi.

5. En premier lieu, lors de son audition du 27 janvier 2017, Mme D...a déclaré qu'elle n'était pas titulaire d'un titre de séjour lui permettant de séjourner en France et d'y travailler. Elle a en outre indiqué qu'elle travaillait quatre jours par semaine chez Victoria Cosmétiques, qu'elle gagnait entre trente et quarante euros par jour, qu'elle n'a signé " aucun papier pour travailler " avec MadameC..., la gérante, laquelle connaissait sa situation administrative " vis-à-vis de [ses] papiers ". Cette dernière, lors de son audition du 30 janvier 2017, a de son côté déclaré que Mme D...lui avait remis une photocopie de titre de séjour à partir de laquelle elle avait établi une déclaration préalable à l'embauche ainsi qu'un contrat de travail. Elle a également déclaré ne pas avoir remarqué que la photographie figurant sur le titre de séjour ne correspondait pas à la personne qui exerçait une activité dans sa boutique. Si la société SOM appelante a produit en première instance puis devant la Cour la copie d'un titre de séjour valable du 18 mars 2015 au 17 mars 2025, elle ne conteste pas sérieusement qu'elle n'était pas en mesure de savoir que le titre de séjour qui lui avait été présenté revêtait un caractère frauduleux ou qu'il procédait d'une usurpation d'identité. Faute d'avoir procédé à cette vérification, la société SOM ne saurait donc se prévaloir de sa bonne foi.

6. En deuxième lieu, lors de son audition du 27 janvier 2017, Mme F...a déclaré travailler deux jours par semaine pour la société SOM et percevoir en espèce la somme de vingt euros par jour versée par la gérante MmeC.... Elle a en outre précisé n'avoir signé aucun contrat de travail et a ajouté que Mme C...connaissait sa situation administrative. De son côté, la gérante a reconnu lors de son audition, que Mme F... était démunie de pièce d'identité, qu'elle avait connaissance de sa situation administrative et a confirmé qu'elle n'a effectué aucune déclaration préalable à son embauche.

7. En troisième et dernier lieu, lors de son audition du 27 janvier 2017, M. B...a déclaré travailler depuis une semaine, à raison de deux heures par jour pour la société SOM et percevoir à ce titre " un peu de nourriture " ainsi qu'une somme de vingt à trente euros en espèces en fonction de la clientèle. Il a également indiqué n'avoir effectué aucune démarche pour séjourner ou travailler en France et a ajouté que Mme C...connaissait sa situation administrative. Cette dernière a quant à elle indiqué, lors de son audition, n'avoir effectué aucune déclaration préalable à l'embauche pour M. B...et n'avoir fait signer aucun contrat de travail.

8. Dans ces conditions, la société SOM n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Melun aurait inexactement apprécié les faits de l'espèce et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande la société SOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SOM est rejetée.

Article 2 : La société SOM versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOM et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°18PA01133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01133
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : KALAA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;18pa01133 ?
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