Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 565 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison des fautes qu'aurait commises l'administration fiscale.
Par un jugement n° 1410719/1-1 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires, enregistrés les 24 mars et 23 juin 2017, les 23 février et 13 mars 2018 et un mémoire récapitulatif, enregistré le 28 décembre 2018, M. A..., représenté par Me Piéri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1410719/1-1 du 23 novembre 2016 du Tribunal Administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 555 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison des fautes qu'aurait commises l'administration fiscale en procédant au recouvrement forcé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1995 à 1997 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas entachée d'un défaut de motivation comme le soutient à tort le ministre en défense ;
- le présent litige ne se heurte pas à l'exception de recours parallèle dès lors qu'il invoque des préjudices distincts de celui résultant du paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1995 à 1997 ;
- le Tribunal administratif n'a pas pris en considération l'intégralité des demandes préalables formulées à l'encontre des rehaussements notifiés à l'issue des opérations de contrôle diligentées par le service ; il a omis de tenir compte de celle du 8 octobre 2002, dénaturant ainsi les pièces du dossier ;
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, les impositions litigieuses n'étaient pas exigibles à compter du 29 novembre 2001, dès lors que les recours contentieux entrepris présentent un caractère suspensif ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le Tribunal administratif a dénaturé le dossier en indiquant qu'il n'avait pas proposé de sûretés de nature à garantir le paiement de sa dette fiscale alors même que des sûretés avaient déjà été prises, notamment sous la forme d'une hypothèque ;
- il démontre que l'administration fiscale a pris l'engagement de réexaminer ses demandes suite à l'intervention du médiateur de la République ; l'engagement pris par le service de réexaminer sa situation, suite à l'intervention du médiateur de la République, s'opposait également à la vente forcée de son bien immobilier ; il a le 24 février 2009 formulé une demande de réexamen de sa situation qui impliquait de surseoir aux mesures de recouvrement forcé ; en l'invitant à formuler une demande de remise gracieuse le service n'a pas exécuté l'engagement de réexamen de sa situation ; ce recours gracieux, introduit le 29 mai et non le 14 mars 2009, et dont le délai d'examen n'était pas épuisé au jour de la vente forcée, prive la dette de son caractère exigible puisque son objet est d'échelonner le paiement de cette dette ;
- le caractère tardif de la réponse à sa demande gracieuse ne remet pas en cause le caractère non certain de sa dette fiscale à la date de la vente forcée de son bien immobilier ;
- le bien-fondé de la créance fiscale dont l'administration se prévaut n'est pas établi ; le service a méconnu les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts dès lors que les sommes regardées par l'administration comme étant des honoraires n'étaient pas destinées à rémunérer des prestations qu'il avait effectuées ;
- le service a commis une faute en procédant au recouvrement forcé de son bien immobilier alors même que la dette fiscale n'était ni certaine ni exigible ; à la date de la vente forcée, les voies de recours contre les impositions établies n'étaient pas épuisées ; le service n'a jamais expressément statué sur sa réclamation préalable du 8 octobre 2002 et la décision du 23 novembre 2003 ne constitue pas une réponse à cette réclamation faute d'y faire référence et de répondre à sa contestation ;
- l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2007 ne s'étant pas prononcée sur le bien-fondé des rehaussements, les impositions litigieuses ne peuvent être considérées comme étant exigibles ; en l'absence de décision juridictionnelle statuant sur le bien-fondé de la prétendue dette fiscale, cette dernière ne peut être dotée d'un caractère certain ; par suite la vente forcée de son bien immobilier intervenue illégalement est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- le comptable disposait d'une garantie suffisante rendant non nécessaire la vente forcée de son bien immobilier ; une inscription hypothécaire avait été constituée sur ce bien immobilier pour une durée de dix ans ;
- il n'a jamais fait preuve de mauvaise foi et la vente d'un bien immobilier intervenue en 2005 ne traduit pas un comportement visant à soustraire ce bien à l'action de l'administration fiscale car à cette date les impositions litigieuses étaient contestées ;
- son préjudice s'évalue à 555 000 euros et correspond à la perte de son domicile et de son bureau ainsi qu'à la rupture de ses engagements professionnels contractés à l'époque.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août 2017 et 8 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- tant la requête de M. A...que celle de son avocat sont dépourvues de moyens propres à permettre au juge de statuer sur les conclusions indemnitaires ;
- l'existence d'un recours parallèle s'oppose à la recevabilité des conclusions indemnitaires ;
- les faits à l'origine du litige sont prescrits, conformément à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 janvier 2019.
Un mémoire, présenté par M.A..., a été enregistré le 2 avril 2019.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette ;
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Piéri, avocat de M.A....
Une note en délibéré, enregistrée le 24 avril 2019, a été présentée par Me Piéri pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité de son activité de conseil à l'exportation, M. A...a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1995 à 1997 pour un montant total de 416 701 euros. A la suite de diverses instances engagées devant la juridiction administrative ayant conduit au rejet des requêtes de M. A...tendant à obtenir la décharge des impositions litigieuses, la Trésorerie de Paris a engagé une procédure de vente forcée de l'appartement dont il était propriétaire, situé 26 rue Tiquetonne à Paris (2ème), en vue d'obtenir le recouvrement des cotisations supplémentaires ainsi mises à sa charge. Par un jugement du 19 février 2009 du Tribunal de grande instance de Paris, confirmé par la Cour d'appel de Paris le 29 mai 2009, la procédure de vente forcée a été autorisée. Par un jugement d'adjudication du 4 juin 2009, le transfert de la propriété de ce bien a été prononcé, pour un montant de 235 000 euros. Par un courrier du 27 décembre 2013, complété le 3 janvier 2014, M. A...a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait notamment de l'action fautive des services fiscaux au cours du recouvrement des impositions supplémentaires mises à sa charge. M. A...relève appel du jugement du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 565 000 euros en réparation des préjudices qui selon lui auraient résulté de la décision prise par l'administration fiscale de procéder à la vente forcée de son bien immobilier.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des motifs du jugement attaqué, et notamment de ses points 1, 2, et 3, que le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a jugé que les conclusions indemnitaires n'étaient pas fondées et a répondu de manière adaptée à sa contestation. En outre, le requérant ne critique pas utilement la régularité du jugement en soutenant que les premiers juges auraient entaché leur jugement de contradiction de motifs ou d'erreurs de droit ou de dénaturation dès lors que de tels moyens relèvent de la critique du bien-fondé du jugement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
4. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2001, pour un montant total de 416 701 euros. Au cours de la période allant d'octobre 2002 à juin 2005, en 2008 et, enfin, le 14 mars 2011, M. A...a introduit de nombreuses réclamations préalables par lesquelles il contestait le bien-fondé des impositions litigieuses. Après le rejet implicite ou explicite de ses réclamations, M. A...a saisi à plusieurs reprises le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d'appel de Paris qui ont rejeté ses requêtes les 23 janvier 2007, 12 novembre 2013 et 9 juillet 2015. Par un courrier du 27 décembre 2013, complété le 3 janvier 2014, M. A...a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait de la vente forcée de son bien immobilier. Au soutien de ses prétentions, M. A...fait valoir que le bien fondé des impositions supplémentaires mises à sa charge n'est pas établi et que le service a méconnu les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts. En vertu du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, lorsqu'une imposition a été mise à la charge d'un contribuable, il ne peut être reproché au trésorier de l'avoir mise en recouvrement et d'avoir engagé des poursuites. En effet, le comptable n'a pas à vérifier le bien-fondé de l'impôt et a pour mission, dès lors que l'impôt est légalement exigible, d'en assurer le recouvrement dans les plus brefs délais. Par ailleurs, si les décisions de justice statuant sur ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu n'étaient pas revêtues de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition, dès lors qu'elles retiennent l'irrecevabilité de ses demandes, elles étaient, en revanche, obligatoires et exécutoires. Dans, ces conditions, M. A...ne saurait reprocher à l'administration d'avoir cherché à recouvrer des impositions qui à la date de la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement forcé, étaient exigibles. M. A...ne peut en outre utilement se plaindre de ce que le service n'aurait pas répondu à l'une de ses réclamations préalables, dès lors qu'il lui était toujours loisible de saisir le juge de l'impôt d'une contestation dirigée contre une décision rejetant implicitement sa réclamation préalable. M. A...ne peut utilement faire valoir qu'en l'absence de décision juridictionnelle statuant sur le bien-fondé de sa dette fiscale, cette dernière ne peut être dotée d'un caractère certain, dès lors qu'il lui appartenait d'utiliser les voies de recours à sa disposition, dans les délais prévus par les textes. Ainsi, contrairement à ce que soutient M.A..., les impositions litigieuses, mises en recouvrement depuis le 30 novembre 2001 étaient légalement exigibles à la date de la vente forcée contestée. En l'absence de décharge, totale ou partielle, des impositions litigieuses, accordée par l'administration fiscale ou prononcée à l'issue d'une instance juridictionnelle, M. A...n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service du recouvrement a engagé des poursuites.
5. M. A...soutient également que le service du recouvrement a, en procédant à la vente forcée de son bien immobilier, méconnu l'engagement pris de réexaminer sa situation, conformément à une demande en ce sens formulée par le médiateur de la République. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 9 février 2009, reçu par l'administration fiscale le 22 février, le médiateur de la République a indiqué que l'administration fiscale l'avait informé de ce qu'elle était en train d'examiner ses réclamations des 7 novembre et 1er décembre 2008 et que M A...recevrait une réponse circonstanciée prochainement. L'administration fiscale a également répondu qu'elle était disposée à réexaminer la situation de M. A...sur le plan gracieux. Par ce courrier du 9 février 2009, le médiateur de la République a donc expressément invité le contribuable à déposer en ce sens une réclamation auprès des services fiscaux. A supposer que les courriers des 25 février et 24 mars 2009 puissent être regardés comme des demandes tendant à obtenir une remise gracieuse des impositions litigieuses, il résulte de l'instruction qu'ils sont postérieurs au jugement du 19 février 2009 du Tribunal de grande instance de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mai 2009, autorisant la procédure de vente forcée de son bien immobilier. Il en va également de même de ses demandes de remise gracieuse formulées les 29 mai 2009 et 14 mars 2011. M. A...ne peut utilement soutenir que le service a méconnu son engagement pris auprès du médiateur de la République de réexaminer le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1995 à 1997 dès lors que le service s'est borné à indiquer qu'il était en train d'examiner ses réclamations des 7 novembre et 1er décembre 2008, introduites postérieurement à l'expiration du délai de réclamation dont il disposait. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les impositions litigieuses, mises en recouvrement depuis le 30 novembre 2001, étaient légalement exigibles à la date de la vente forcée contestée. M. A...ne justifie pas qu'il aurait, antérieurement à celle-ci, proposé au service des garanties de nature à assurer le paiement de sa dette fiscale. En outre, il est constant qu'il ne s'était acquitté, depuis le 16 octobre 2002, d'aucun versement spontané au Trésor, alors qu'il avait par ailleurs cédé, le 27 juin 2005 au prix de 198 183 euros, un autre bien immobilier dont il était propriétaire à Douai (Nord). Dans ces conditions, la trésorerie de Paris a pu, sans commettre une quelconque faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, poursuivre par la voie de la vente forcée du 4 juin 2009 le recouvrement des impositions litigieuses alors régulièrement exigibles.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées en défense ainsi que sur l'exception de prescription quadriennale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01028