La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2019 | FRANCE | N°18PA03324

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 avril 2019, 18PA03324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1813441 du 14 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéf

ice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1813441 du 14 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au bénéfice de l'asile et de lui remettre l'attestation de demande d'asile visée à l'article R. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer pour la durée de cet examen l'attestation de demande d'asile visée à l'article R. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6°) de condamner l'Etat à payer à Me B... la somme de 2 000 euros au titre des frais de l'instance sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet de police a méconnu l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 en ne lui remettant pas la " brochure A ". Il ressort de la comparaison des signatures présentes sur la " brochure A " et la " brochure B " que ce n'est pas lui qui a signé le premier document ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'actionner la clause discrétionnaire visée à l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du

26 juin 2013.

Par un mémoire enregistré le 1er mars 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 décembre 2018.

Par un courrier du 8 mars 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant afghan, a fait l'objet d'un arrêté en date du 18 juillet 2018, notifié le même jour, par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités suédoises, qu'il estimait responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. A...relève appel du jugement du 14 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 27 décembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert aux autorités suédoises :

3. Le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. Si les transferts vers l'État membre responsable s'effectuent sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte, les États membres veillent à ce qu'ils aient lieu dans des conditions humaines et dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Si nécessaire, le demandeur est muni par l'État membre requérant d'un laissez-passer. La Commission établit, par voie d'actes d'exécution, le modèle du laissez-passer. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2. L'État membre responsable informe l'État membre requérant, le cas échéant, de l'arrivée à bon port de la personne concernée ou du fait qu'elle ne s'est pas présentée dans les délais impartis. L'État membre responsable informe l'État membre requérant, le cas échéant, de l'arrivée à bon port de la personne concernée ou du fait qu'elle ne s'est pas présentée dans les délais impartis. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Il résulte de ces dispositions que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de reprise en charge. Ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite. La notion de fuite doit s'entendre, au sens de ces dispositions, comme visant le cas où le ressortissant étranger non admis au séjour se soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. Si le préfet de police soutient que M. A...a été convoqué en vain à la préfecture de police les 31 août et 17 octobre 2018 en vue de l'exécution de la décision de remise aux autorités suédoises et si le préfet a d'ailleurs avisé, par un courrier du 18 octobre 2018, les autorités suédoises de la prolongation à une durée de dix-huit mois du délai de transfert de l'intéressé au motif que celui-ci avait pris la fuite il n'apporte pas la preuve de la notification de ces convocations. Dans ces conditions, M. A...ne peut être regardé comme ayant pris la fuite au sens du règlement européen. Par suite, le délai dans lequel le transfert pouvait être opéré ne pouvait être porté à dix-huit mois.

7. Il résulte de tout ce qui précède que si le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A...à compter de la décision d'acceptation des autorités suédoises a été interrompu par la présentation d'une demande de l'intéressé devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa remise à ces autorités et a recommencé à courir à compter du jugement rejetant cette demande, il est expiré à la date de la présente décision. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait fait l'objet d'aucun commencement d'exécution. Dans ces conditions et en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la Suède est libérée de son obligation de reprise en charge de M. A...et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de ce dernier est transférée à la France. Dès lors, les conclusions de la requête aux fins d'annulation de l'arrêté de transfert sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

8. Quant aux conclusions de M. A... relatives aux frais de l'instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de les rejeter.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M.A....

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la requête de M.A....

Article 3 : Les conclusions de M. A...relatives aux frais de l'instance sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 avril 2019.

Le président-rapporteur,

M. HEERS

L'assesseure la plus ancienne,

M. JULLIARDLa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18PA03324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03324
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-24;18pa03324 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award