La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2019 | FRANCE | N°18PA01360

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 avril 2019, 18PA01360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Bodson et Associés a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1621292/2-2 du 19 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a constaté un

non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance, réduit la b...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Bodson et Associés a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1621292/2-2 du 19 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance, réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés à concurrence d'une somme de 4 680 euros hors taxe au titre de l'année 2014, déchargé, en droits et pénalités, la société Bodson et Associés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés afférente à l'année 2014 correspondant à cette réduction de base, déchargé ladite société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 à concurrence d'une somme de 936 euros et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 avril et 3 décembre 2018, la société Bodson et Associés, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 février 2018 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses restant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée est justifiée, dès lors que des prestations immatérielles ont été facturées à des personnes résidant à l'étranger ;

- l'administration a retenu à tort des factures qui n'avaient pas été émises et qui étaient de simples brouillons de notes d'honoraires ;

- le montant des frais de repas déduits est justifié, conformément à la jurisprudence et à la doctrine administrative, par la concordance entre les notes de repas produites, les noms des convives et les honoraires facturés ;

- sa mauvaise foi n'est pas établie ;

- l'administration n'était pas fondée à réintégrer dans ses résultats certaines des provisions pour créances douteuses constatées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Par la voie de l'appel incident, il conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une décharge partielle au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2014.

Il soutient que :

- le service n'a établi aucune cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 ;

- les moyens soulevés par la SELARL Bodson et Associés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

4 décembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exercice libéral d'avocats (SELARL) Bodson et Associés a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au

31 décembre 2014. Elle relève appel du jugement n° 1621292/2-2 du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge de ces impositions. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une décharge partielle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014.

Sur les conclusions du ministre :

2. L'administration n'ayant mis à la charge de la SELARL Bodson aucune cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014, c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge partielle d'une telle cotisation. La SELARL Bodson n'avait d'ailleurs présenté devant le Tribunal administratif de Paris aucune conclusion à cette fin. Il y a donc lieu d'annuler les articles 2 et 3 du jugement attaqué.

Sur les conclusions de la SELARL Bodson :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. L'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales prévoit : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". La société Bodson et Associés s'est abstenue de répondre dans le délai de trente jours à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 2 octobre 2015. Il lui appartient donc, et alors même que la comptabilité n'a pas été écartée par le service, d'établir le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste.

En ce qui concerne l'existence de prestations de service exonérées de taxe sur la valeur ajoutée :

4. L'article 256 du code général des impôts prévoit : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". L'article 259 du même code prévoit : " Le lieu des prestations de services est situé en France (...) 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire :a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle." ; Enfin l'article 259 B de ce code prévoit : " Par dérogation à l'article 259, le lieu des prestations de services suivantes est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elles sont fournies à une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne : (...)4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables (...) ".

5. Les prestations de services litigieuses ont été facturées à des personnes physiques dont la société requérante soutient qu'elles résidaient en Algérie ou en Tunisie. Pour asseoir les rappels en cause, le service a estimé que la société n'établissait pas que la résidence habituelle des preneurs de ces prestations ne se situait pas en France. En se prévalant des adresses figurant sur les notes d'honoraires, et à faire état de ce que certaines prestations en cause étaient relatives à l'obtention de titres de séjour, de titres de commerçant, de visas, ou à une " négociation SARL BJY-P Habitat ", la SELARL Bodson n'apporte pas la preuve qui lui incombe. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'une partie des honoraires aurait été réglée en espèces n'est pas de nature à étayer la thèse de la société requérante selon laquelle les preneurs auraient résidé à l'étranger. Les documents produits, copie de passeport ou courriers non afférents aux années en litige et copies d'écran de compte sur les réseaux sociaux dépourvues de valeur probante, ne permettent pas d'établir la résidence habituelle des preneurs en Algérie ou en Tunisie au cours des années concernées par lesdites prestations.

En ce qui concerne la minoration de recettes :

6. Le service a estimé que des factures établies en 2012 et 2013 pour un montant total respectivement de 15 300 euros et 6 000 euros n'avaient pas été comptabilisées et que les recettes correspondantes n'avaient pas été déclarées. La société requérante, qui a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste, ne critique pas utilement le rehaussement correspondant en se bornant à faire valoir qu'il appartient au service qui n'a pas écarté la comptabilité d'établir que les sommes en cause, qui figuraient selon elle sur de simples brouillons, ne correspondraient pas à des recettes.

En ce qui concerne les frais de réception et de déplacement :

7. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ".

8. Il appartient à la société requérante qui, ainsi qu'il a été ci dessus, supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste, d'identifier, pour chacune des charges, principalement de frais de repas, dont la déduction aurait été, selon elle, refusée à tort par le service, les pièces établissant la réalité, le montant et la nature de la charge, ainsi que celles permettant d'établir l'objet professionnel de la dépense correspondante. Or, la société requérante se borne à établir une liste de contacts professionnels ayant donné lieu à des honoraires facturés, et à produire, outre quelques notes d'honoraires établies par ses soins, des centaines de photocopies de factures ou de notes établies par des tiers, non numérotées et pour une grande part difficilement lisibles, sans mettre la Cour en mesure, pour chaque montant contesté, d'effectuer des recoupements entre les charges rejetées par le service et les factures ou les notes justificatives de ces charges, et d'apprécier le lien entre la dépense en cause et l'activité professionnelle. Dans ces conditions, la seule circonstance que certaines des factures et notes produites mentionnent, par un ajout manuscrit, le nom d'un client de la société requérante ne permet pas de regarder cette dernière comme ayant apporté la preuve qui lui incombe. En l'absence d'éléments permettant d'établir que les dépenses en cause avaient un objet professionnel et ont été engagées pour les besoins d'opérations imposables, la société requérante ne conteste pas valablement le refus de déduction des sommes litigieuses de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ni le refus d'admettre au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé lesdites dépenses. Les différentes doctrines administratives citées, qui ne sont d'ailleurs pas formellement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne font en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.

En ce qui concerne les pertes pour créances irrécouvrables :

9. La société Bodson et Associés fait valoir que l'administration n'était pas fondée à réintégrer dans ses résultats certaines des provisions pour créances douteuses constatées. Or, il résulte de l'instruction que la société Bodson a, contrairement à ce qu'elle soutient, constaté au titre des exercices clos en 2012 et 2013, non des provisions pour créances douteuses, mais des pertes pour créances irrécouvrables. En se bornant à se prévaloir de ce qu'une lettre de relance a été adressée à chacun des clients en cause, la société requérante ne produit pas d'éléments permettant de démontrer l'insolvabilité des débiteurs, et le simple risque d'irrecouvrabilité qu'elle invoque ne saurait justifier la constatation d'une perte définitive. C'est dès lors à bon droit que le service a remis en cause les pertes constatées pour créances irrécouvrables au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré par la société requérante de ce qu'en l'absence de manquement délibéré de sa part, les pénalités mises à sa charge ne sont pas fondées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Bodson et Associés n'est pas fondée à contester le jugement attaqué en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme, dont le montant n'est au demeurant pas précisé.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1621292/2-2 du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la SELARL Bodson et Associés sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Bodson et Associés et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 avril 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 18PA01360


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : D'ANDRIA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 18/04/2019
Date de l'import : 23/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18PA01360
Numéro NOR : CETATEXT000038393316 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;18pa01360 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award