La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2019 | FRANCE | N°17PA03106

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 avril 2019, 17PA03106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de distribution et de gestion a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2016-2565/GNC en date du 22 novembre 2016 relatif à la création et à la mise en exploitation par la société SCD Païta (SAS Ballande) d'un hypermarché à enseigne Hyper U à Païta.

Par un jugement n° 1700056 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :r>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2017 et le 29 mars 2018, la société d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de distribution et de gestion a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2016-2565/GNC en date du 22 novembre 2016 relatif à la création et à la mise en exploitation par la société SCD Païta (SAS Ballande) d'un hypermarché à enseigne Hyper U à Païta.

Par un jugement n° 1700056 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2017 et le 29 mars 2018, la société de distribution et de gestion, représentée par Me Saint-Esteben, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700056 du 20 juillet 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en date du 22 novembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la société SCD Païta la somme de 3 000 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que l'arrêté en litige autorise la mise en exploitation par le groupe Ballande d'un hypermarché à moins de 10 km de celui qu'elle exploite ; l'arrêté en litige lui fait grief en ce qu'il autorise la mise en exploitation par ce groupe, intégré verticalement et qui dispose d'une puissance financière incomparable à celle des sociétés qui avaient obtenu en 2015 une autorisation de mise en exploitation du même hypermarché ; elle est en outre au nombre des opérateurs mentionnés dans le rapport annexé à l'arrêté du 22 novembre 2016 et auxquels a été adressé un questionnaire " concurrents " au cours de l'instruction de la demande ;

- le gouvernement n'ayant pas pris dans un délai raisonnable les mesures nécessaires pour la mise en place de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie créée par la loi du pays du 24 avril 2014, il n'était plus compétent pour statuer sur la demande qui lui était présentée ;

- la procédure suivie n'a pas présenté les garanties de compétences, d'indépendance et d'impartialité requises, en particulier compte tenu de la situation du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

- la procédure suivie a méconnu l'article Lp. 461-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, qui prévoit l'impossibilité pour un membre de l'autorité de la concurrence de délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s'il a représenté une des parties intéressées, principe de portée générale : le président du gouvernement a en effet participé en 2008-2009 au projet de création des nouveaux magasins à Nouméa et à Païta, en qualité de représentant des sociétés Forest Invest et HDM et d'associé et s'il a depuis lors quitté ses fonctions de direction, il est demeuré actionnaire ; le président du gouvernement ne pouvait délibérer sur l'autorisation en cause, délivrée à la SAS Ballande qui doit à cette fin racheter la société HDM, elle-même directement intéressée par voie de conséquence à la délivrance de l'autorisation ;

- l'arrêté repose sur une insuffisante analyse des effets verticaux de l'opération sur le marché amont de l'approvisionnement ; le groupe Ballande est en effet présent sur le marché amont de la production de viande bovine, avec la société Agrical, et sur le marché amont de l'approvisionnement alimentaire, avec la société SERDIS, grossiste-importateur de produits alimentaires et pourra avoir accès à travers elle à des informations stratégiques concernant la politique commerciale des distributeurs concurrents ; l'engagement pris par la SAS Ballande de garantir l'égalité des tarifs proposés par la société SERDIS à tous ses acheteurs est purement déclaratoire et n'est pas assorti de moyen de contrôle suffisant (mandataire) ; cet engagement ne garantit nullement que la SAS Ballande n'aura pas accès à des informations stratégiques pour adapter la politique commerciale de ses hypermarchés à celle de ces concurrents et pour fausser la concurrence ;

- le groupe Ballande est en outre présent sur le marché amont de l'approvisionnement avec une entreprise d'acconage et pourra avoir accès à travers elle à des informations stratégiques concernant la politique commerciale des distributeurs concurrents ; si le groupe Ballande soutient n'avoir dans cette entreprise qu'une participation financière, il n'est nullement démontré qu'il n'exerce pas de contrôle sur elle ; contrairement à ce qui est soutenu, l'activité d'une entreprise d'acconage ne se limite pas nécessairement à la manoeuvre des contenants et a en pratique accès en particulier aux contrats de transport et aux bons à délivrer ;

- il n'a pas été procédé à l'analyse des effets verticaux de l'opération sur le marché des vins tranquilles alors que le groupe Ballande est présent sur le marché amont de la production de ces vins, étant propriétaire de châteaux de vins de Bordeaux et détenant une participation dans une maison de négoce girondine ; il est également présent sur le marché de la commercialisation des vins tranquilles d'appellation d'origine contrôlée de Bordeaux au travers de l'entreprise Ballande et Méneret ;

- les engagements pris ne sont pas de nature à remédier aux effets restrictifs sur la concurrence de l'opération en ce qu'ils ne permettent pas de garantir que le groupe Ballande n'ait accès à aucune information stratégique sur ses concurrents au travers de la société SERDIS et de l'entreprise d'acconage ; les engagements tarifaires comportementaux souscrits au nom de la société SERDIS, qui consistent à respecter des règles fixées par le code de commerce, ne font pas l'objet d'un contrôle effectif, en l'absence de désignation d'un mandataire ; pour ce qui concerne les engagements pris au nom de la société Agrical, leader sur le marché de la viande bovine en Nouvelle-Calédonie, les engagements pris sont insuffisants dès lors que les boucheries situées à proximité de l'hypermarché projeté vont subir directement sa concurrence et risquent de disparaître à moyen terme ;

- aucun engagement n'a été pris par le groupe Ballande en sa qualité de négociant, producteur et distributeur majeur de vins.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 janvier 2018 et le 10 juillet 2018, la société SCD Païta, représentée par la Selarl DetS Legal et la SELAFA CMS Francis Lefebvre Avocats conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société de distribution et de gestion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande devant les premiers juges était irrecevable dès lors que la création de l'ensemble commercial en cause a été définitivement autorisée au titre de l'urbanisme commercial en 2010 et 2015 et que le projet a également déjà été autorisé au titre du contrôle des opérations dans le secteur du commerce de détail par un arrêté du 29 septembre 2015 devenu définitif ; le projet demeurant... ; en outre, la société requérante ne peut se prévaloir d'un intérêt légitime puisqu'elle agit exclusivement pour préserver sa position dominante sur le marché ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juillet 2018 et le 15 mars 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société de distribution et de gestion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,

- le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie,

- la loi du pays n° 2014-7 du 14 février 2014 relative aux livres III et IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie,

- la loi du pays n° 2014-12 du 24 avril 2014 portant création de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me Saint-Esteben, avocat de la société de distribution et de gestion,

- les observations de Me Lécuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,

- et les observations de Me E...de la SELAFA CMS Francis Lefebvre Avocats, avocat de la société SCD Païta.

Une note en délibéré, présentée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a été enregistrée le 22 mars 2019.

Une note en délibéré, présentée par la société SCD Païta, a été enregistrée le 26 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 22 novembre 2016, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a, sur le fondement des articles Lp. 432-1 et Lp. 432-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, autorisé la société SCD Païta (SAS Ballande) à créer et mettre en exploitation un hypermarché dans la commune de Païta, sous réserve du respect de quatre engagements pris par le groupe Ballande. Par la présente requête, la société de distribution et de gestion, qui appartient au groupe Kenu In, demande l'annulation du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. D'une part, la circonstance que la création de l'ensemble commercial au sein duquel doit être implanté l'hypermarché en cause a reçu l'autorisation prévue par la délibération n° 41-2006/APS du 28 septembre 2006 relative à l'urbanisme commercial dans la province Sud est sans incidence sur l'intérêt à agir de la société de distribution et de gestion à l'encontre de l'arrêté du 22 novembre 2016 délivré en application de la législation distincte relative au contrôle des opérations dans le secteur du commerce de détail organisé par les articles Lp. 432-1 et suivants du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.

3. D'autre part, en vertu des articles Lp. 432-1 et Lp. 432-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, lorsqu'une personne morale a procédé à la notification d'une opération de mise en exploitation d'un commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 350 m² et qu'une modification dans son capital social, ayant pour effet d'en changer le contrôle, intervient avant que l'opération soit effective, il y a lieu de procéder à une nouvelle notification. Ainsi, si la création et la mise en exploitation du même hypermarché, sous la même enseigne, a été autorisée par un arrêté du 29 septembre 2015 devenu définitif, cette autorisation a été délivrée à la société SCD Païta au regard de la composition de son actionnariat d'alors (sociétés HDM et NC Invest) et sous la réserve du respect des engagements pris alors par la société Véga dirigée par M. A..., également actionnaire de la société HDM. L'arrêté du 22 novembre 2016 en litige a quant à lui été délivré à la société SCD Païta au regard du protocole d'acquisition de la société HDM par la SAS Ballande, a donné lieu à un nouvel examen des effets sur la concurrence au regard des activités de cette dernière société et a été délivré sous réserve du respect d'engagements différents pris par la SAS Ballande. L'arrêté contesté du 22 novembre 2016 constitue ainsi une décision faisant grief, modifiant l'ordonnancement juridique.

4. La société de gestion et de distribution, qui fait valoir qu'elle exploite un hypermarché dans la commune de Doumbéa-sur-mer, à moins de 10 km de l'emplacement projeté et se trouvera donc face à un nouveau concurrent dans sa zone de chalandise primaire, justifie dès lors bien d'un intérêt lui donnant qualité à agir à l'encontre de l'arrêté du 22 novembre 2016. La fin de non-recevoir opposée en défense par la société SCD Païta ne peut par suite qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 novembre 2016 :

5. La loi du pays du 14 février 2014 a créé dans le code du commerce applicable en Nouvelle-Calédonie au sein du livre IV consacré à la liberté des prix et de la concurrence, un titre III relatif au contrôle des structures de marché, portant dans son chapitre II sur le contrôle des opérations dans le secteur du commerce de détail. Les articles Lp. 432-1 et suivants du code, issus de cette loi, soumettent ainsi à autorisation préalable la mise en exploitation d'un nouveau magasin de commerce de détail lorsque sa surface de vente est supérieure à 350 m². Une telle opération doit être déclarée, avant sa réalisation effective, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui peut l'autoriser ou l'interdire par un arrêté motivé.

6. La loi du pays du 24 avril 2014 a ensuite modifié le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie pour confier à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie le contrôle des opérations dans le secteur du commerce de détail. L'article 17 de cette loi dispose que : " Les dispositions de la présente loi du pays entrent en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie de la décision du collège constatant la première réunion de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie à l'exception des dispositions modifiant le chapitre II du titre III du livre IV du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie (...), qui entrent en vigueur à la date de publication de la présente loi. / Jusqu'au jour de la décision mentionnée au premier alinéa, les références à " l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie " prévues au chapitre II du titre III du livre IV sont remplacées par les références au " gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. ". (...) ". L'article 16 de la loi du pays du 24 avril 2014 dispose en outre que : " I. - Jusqu'au jour de la publication de la décision mentionnée à l'article 17, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie exerce les compétences qui lui sont dévolues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de publication de la loi du pays portant création de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. / II. - La validité des actes de poursuite, d'instruction et de sanction accomplis antérieurement au lendemain de la publication de la décision mentionnée à l'article 17, est appréciée au regard des textes en vigueur à la date à laquelle ils ont été pris ou accomplis. / III. - Au lendemain de la publication de la décision mentionnée à l'article 17, tous les dossiers en cours d'instruction relatifs à des pratiques relevant des titres II et IV du livre IV de la partie législative applicable en Nouvelle-Calédonie, sont transmis par le gouvernement à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. / IV. - L'examen des opérations de concentration et des opérations concernant le secteur du commerce de détail notifiées avant la date de la première réunion de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie se poursuivent selon les règles de procédure en vigueur antérieurement à cette date. (...) ".

7. En premier lieu, il est constant qu'à la date de l'arrêté du 22 novembre 2016, la décision du collège constatant la première réunion de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie n'avait pas été publiée, les membres de cette autorité n'ayant pas encore été nommés. Si la société requérante fait valoir que l'absence d'installation de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie résulte du retard fautif du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à prendre les mesures d'application appelées par la loi du 24 avril 2014, cette circonstance serait seulement de nature, le cas échéant, à entacher d'illégalité le refus de prendre ces mesures ou à engager la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie. Cette circonstance est en revanche sans incidence sur l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 24 avril 2014, dont les modalités ont été définies par les articles 16 et 17 de cette loi. Il résulte de ces dispositions que la mise en exploitation d'un hypermarché par la société SCD Païta devait être examinée au regard des dispositions des articles Lp. 432-1 à Lp. 432-6 du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie dans leur rédaction issue de la loi du 24 avril 2014, à l'exception des références à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie était ainsi bien compétent pour autoriser l'opération en cause. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut dès lors qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, la loi du 24 avril 2014 a créé dans le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, au sein du livre IV consacré à la liberté des prix et de la concurrence, un titre VI relatif à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, décrivant son organisation. L'article Lp. 461-2 de ce code dispose ainsi que : " Les règles relatives aux incompatibilités de fonctions sont fixées par le deuxième alinéa de l'article 27-1 de la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie./ Tout membre de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir et des fonctions qu'il exerce dans une activité économique. Il doit également informer le président de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de toute fonction rémunérée qu'il a eue durant les cinq dernières années au sein d'une entreprise exerçant, directement ou indirectement, une activité à but lucratif en Nouvelle-Calédonie, ainsi que de toute fonction de conseil qu'il a eue, directement ou indirectement, au bénéfice d'une telle entreprise. / Aucun membre de l'autorité ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées. (...) ". Si la société requérante fait valoir qu'en vertu de ces dispositions, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne pouvait pas délibérer sur la demande d'autorisation présentée par la société SCD Païta, l'article Lp. 461-2 est au nombre de ceux dont l'entrée en vigueur est subordonnée à la publication de la décision du collège constatant la première réunion de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 17 précité de la loi du 24 avril 2014.

9. D'autre part, la société requérante ne peut pas davantage utilement invoquer l'article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, relatif aux conditions d'exercice des fonctions de président et de membre d'une autorité administrative indépendante créée par la Nouvelle-Calédonie, à l'encontre d'une décision prise par les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans l'exercice de leurs fonctions.

10. En revanche, la société de distribution et de gestion doit être regardée comme invoquant également le principe d'impartialité qui s'impose à toute autorité administrative et qui peut utilement être invoqué à l'encontre de l'arrêté du 22 novembre 2016.

11. Aux termes de l'article 115 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie procèdent à l'élection du président et du vice-président " chargé d'assurer l'intérim en cas d'absence ou d'empêchement du président ". L'article 122 de la même loi dispose que : " Les réunions du gouvernement sont présidées par le président ou, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, par le vice-président ou, à défaut, par un membre du gouvernement désigné par le gouvernement. (...) " et l'article l28 que : " Le gouvernement est chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence. Ses décisions sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante./ (...) Les arrêtés du gouvernement sont signés par le président et contresignés par les membres du gouvernement chargés d'en contrôler l'exécution. En cas d'absence ou d'empêchement d'un de ses membres, le président du gouvernement peut, en cas d'urgence, désigner un autre membre, en accord avec le groupe d'élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu, aux fins de contresigner les arrêtés mentionnés à l'alinéa précédent. (...) ".

12. En vertu de ces dispositions, l'arrêté du 22 novembre 2016 a été signé par M. C... B..., seul, en sa double qualité de président du gouvernement et de membre du gouvernement chargé d'animer et de contrôler les secteurs de l'économie et du droit commercial. Il est toutefois constant que M. B...a été associé, aux côtés de MM. A...etD..., de la société HDM qui détient la société SCD Païta et qui est à l'origine du projet de création de l'ensemble commercial à Païta. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il a été le représentant de la société SCD, via la société HDM, et celui de la société Forest Invest, détenant des participations croisées, dans la conclusion d'une convention d'engagement avec la province Sud portant sur la réalisation d'un autre ensemble commercial comprenant un hypermarché, à Anse Uaré. Il ressort également du rapport annexé à l'arrêté contesté du 22 novembre 2016 que la société HDM demeurait à cette date " contrôlée directement et indirectement " par MM. A...et D...et que la SAS Ballande a conclu avec cette société un protocole d'acquisition de son capital, subordonné à la délivrance de l'autorisation de création et de mise en exploitation de l'hypermarché à Païta. Dans ces conditions, s'il n'est pas contesté que M. B...a quitté ses fonctions au sein de la société HDM lorsqu'il est entré au gouvernement en juin 2009 et s'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait continuer à détenir des parts sociales dans cette entreprise en dépit d'indications contraires sur Internet, sa participation à la délibération du gouvernement, en sa double qualité de président et de membre chargé des secteurs de l'économie et du droit commercial, portant sur une décision individuelle autorisant l'ouverture d'un hypermarché dont l'obtention conditionne le rachat d'une société détenue par ses deux anciens associés et alors qu'il a lui-même participé au sein de cette société à au moins un autre projet relatif à l'ouverture d'un hypermarché, méconnaît le principe d'impartialité, qui constitue une garantie.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société de distribution et de gestion est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société de distribution et de gestion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la société SCD Païta et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demandent au titre des frais de l'instance.

15. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 180 000 F CFP à verser à la société de distribution et de gestion sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700056 du 20 juillet 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et l'arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n° 2016-2565/ GNC en date du 22 novembre 2016 sont annulés.

Article 2 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera à la société de distribution et de gestion une somme de 180 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et par la société SCD Païta sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société de distribution et de gestion, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société SCD Païta.

Copie en sera adressée à la ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA03106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03106
Date de la décision : 18/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VIGUIE SCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;17pa03106 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award