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04/04/2019 | FRANCE | N°18PA01037

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 avril 2019, 18PA01037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision du 6 juillet 2016 de l'inspectrice du travail et, d'autre part, autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1706243/3-1 du 16 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 10 février 2017 en tant qu'elle autorise le licenciement de Mme E...et a enjoint au ministre chargé d

u travail de communiquer à l'intéressée la demande présentée par son employeur le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision du 6 juillet 2016 de l'inspectrice du travail et, d'autre part, autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1706243/3-1 du 16 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 10 février 2017 en tant qu'elle autorise le licenciement de Mme E...et a enjoint au ministre chargé du travail de communiquer à l'intéressée la demande présentée par son employeur le 15 juin 2016 et de réexaminer cette demande dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mars 2018 et le 15 mars 2019, la société Sinéquanone, représentée par la SCP Fromont Briens, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706243/3-1 du 16 février 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision ministérielle du 10 février 2017 n'est pas intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que si la preuve n'a pas été rapportée de la communication à Mme E...de la demande d'autorisation de licenciement en date du 15 juin 2016, l'intéressée a été reçue par l'inspectrice du travail à deux reprises et a été informée à cette occasion du contenu de la demande ; elle avait en outre pleine connaissance des éléments relatifs aux difficultés économiques rencontrées par la société et à la suppression envisagée de son poste invoqués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement, du fait de sa participation aux réunions du comité d'entreprise des 25 janvier 2016, 1er février 2016 et 13 juin 2016 et des éléments contenus dans le courrier qui lui a été remis le 10 juin 2016 lors de l'entretien préalable ; en tout état de cause, le licenciement ayant été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, l'inspection du travail n'avait pas à examiner la réalité du motif économique ; par ailleurs, tous les éléments justifiant du respect de l'obligation de reclassement ont été préalablement portés à la connaissance de la salariée ; le recours hiérarchique auprès de la ministre ne comportait d'ailleurs aucun moyen relatif à la régularité de la procédure suivie par l'inspectrice du travail ;

- la décision ministérielle est suffisamment motivée ; la circonstance qu'elle ne mentionnerait pas l'ensemble des mandats détenus par la salariée est sans incidence dès lors qu'ils ont bien été portés à la connaissance de l'administration ;

- elle a bien respecté son obligation de reclassement en étendant sa recherche à toutes les sociétés du groupe et en proposant à sa salariée de nombreux postes ; si ces postes relevaient de catégorie différente ou inférieure à la qualification de l'intéressée, il n'existait aucun poste de catégorie équivalente ;

- aucun motif d'intérêt général ne saurait justifier un refus d'autorisation de licenciement dès lors que l'entreprise comporte d'autres représentants du personnel que la salariée concernée ;

- la demande d'autorisation de licenciement est dépourvue de tout lien avec les mandats exercés par la salariée, dont la sincérité est au demeurant douteuse ; Mme E...ne peut sérieusement se plaindre d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres salariés protégés, qui occupaient des postes différents et ont accepté des postes de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, Mme E..., représentée par Me A...der Vlist, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision du 10 février 2017 ;

3°) à ce que soit mise à la charge solidaire de l'Etat et de la société Sinéquanone la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à MeD..., administrateur judiciaire de la société Sinequanone et à la ministre du travail, qui n'ont pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me C...de la SCP Fromont Briens, avocat de la société Sinéquanone,

- et les observations de Me A...der Vlist, avocat de MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. La société Sinéquanone a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour motif économique Mme E..., responsable logistique import qui exerçait des mandats de membre du comité d'entreprise, de représentante des salariés et de représentante de section syndicale. Par une décision du 6 juillet 2016, l'inspectrice du travail a délivré cette autorisation. Sur le recours hiérarchique formé par MmeE..., le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet née le 7 février 2017, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement pour motif économique par une décision du 10 février 2017. Par la présente requête, la société Sinéquanone demande l'annulation du jugement du 16 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle en date du 10 février 2017 en tant qu'elle autorise le licenciement de MmeE....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle, ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que le ministre du travail, après avoir annulé la décision de l'inspecteur, statue lui-même sur la demande d'autorisation.

3. Il ressort des pièces du dossier que par courrier daté du 24 juin 2016, l'inspectrice du travail a indiqué à Mme E...avoir reçu le 20 juin 2016 une demande d'autorisation de licenciement de la part de son employeur et a convoqué l'intéressée à un entretien le 5 juillet 2016. Les mentions de ce courrier ne font pas état de ce que des pièces y auraient été jointes ni n'informent la salariée de sa possibilité de consulter ou d'obtenir communication de pièces. Si la ministre du travail a produit devant les premiers juges un document d'attestation de remise de documents mentionnant notamment la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur ainsi que certaines des pièces qui y étaient jointes, ce document ne comporte aucune signature par MmeE..., qui soutient qu'aucune pièce ne lui a été communiquée. La circonstance que la salariée aurait eu connaissance, dans l'exercice de ses mandats et au cours de la procédure préalable au licenciement interne à l'entreprise, des pièces et/ ou des éléments figurant dans la demande adressée par son employeur à l'inspectrice du travail n'est pas de nature à dispenser l'administration de son obligation de mener une procédure contradictoire. Il suit de là que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a estimé que la décision de l'inspectrice du travail en date du 6 juillet 2016 était intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre, saisi du recours hiérarchique formé par MmeE..., ait lui-même procédé à la communication à la salariée des pièces produites à l'appui de la demande d'autorisation de la licencier ou l'ait mise à même d'en prendre connaissance. La circonstance que le recours hiérarchique ne comportait pas de critique sur la régularité de la procédure suivie devant l'inspectrice du travail est sans incidence sur l'obligation qui incombait au ministre de procéder lui-même à une enquête contradictoire avant que de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement, ni d'ailleurs sur la possibilité pour la salariée d'invoquer ce moyen au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 février 2017. Le droit pour un salarié de présenter utilement ses observations sur la demande d'autorisation de le licencier revêtant le caractère d'une garantie, le non-respect de l'enquête contradictoire entache d'illégalité la décision du ministre chargé du travail en date du 10 février 2017.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sinéquanone n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Paris a annulé cette décision.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Sinéquanone demande au titre des frais de l'instance.

7. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Sinéquanone une somme de 1 500 euros à verser à Mme E...sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sinéquanone est rejetée.

Article 2 : La société Sinéquanone versera à Mme B... E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sinéquanone, à la ministre du travail, à Mme B... E...et à la Selafa MJA.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA01037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01037
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VAN DER VLIST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-04;18pa01037 ?
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