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04/04/2019 | FRANCE | N°18PA00653

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 avril 2019, 18PA00653


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 février 2018, et des mémoires enregistrés les 22 octobre 2018 et 26 décembre 2018, le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, représenté par Me Lissarague, avocat, demande à la Cour :

- d'annuler l'arrêté de la ministre du travail du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de marchés financiers (n° 2931) ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement

d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administra...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 février 2018, et des mémoires enregistrés les 22 octobre 2018 et 26 décembre 2018, le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, représenté par Me Lissarague, avocat, demande à la Cour :

- d'annuler l'arrêté de la ministre du travail du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de marchés financiers (n° 2931) ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne fait pas état dans son article 1er du pourcentage de voix obtenues par chaque organisation syndicale lors de la mesure d'audience nationale ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le syndicat répond à tous les critères de représentativité posés par l'article L. 2121-1 du code du travail, en particulier le critère d'indépendance ;

- l'arrêté attaqué ne respecte pas l'obligation prévue à l'article D. 2122-6 du code du travail.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 septembre 2018 et 20 décembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Lissarague, avocat, pour le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, quel que soit le nombre des votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans " et aux termes de l'article

L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience (...) ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. ".

2. Pour considérer que le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, ne pouvait être regardé comme représentatif au sens des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail, le ministre s'est fondé sur la circonstance que le syndicat, qui, par ailleurs, avait obtenu 15,36 % des suffrages, soit un taux supérieur au seuil de 8 % exigé par les dispositions précitées, ne remplissait pas la condition d'indépendance requise par le 2° de l'article L. 2121-1 dès lors que près de 90 % de ses ressources financières provenaient de l'AMAFI, unique organisation professionnelle d'employeurs reconnue représentative au niveau de la convention collective nationale des activités de marchés, les cotisations des adhérents ne représentant quant à elles que 10,2 % de ses ressources.

3. Il ressort des pièces du dossier que les versements financiers dont bénéficie le syndicat de la part de l'AMAFI trouvent leur unique origine dans la mise en oeuvre des stipulations de la convention collective nationale des marchés financiers (CCNM, IDCC 2931) du 11 juin 2010, dont l'article 7 prévoit que " chaque organisation syndicale de branche reçoit de l'Organisation patronale de branche, une allocation de fonctionnement pour l'accomplissement des missions d'intérêt général qu'elle mène au niveau de la branche. Le montant annuel de cette allocation est égal à 7,5 fois le SMIC mensuel brut en vigueur au 1er janvier de l'année de son versement... ". Toutefois, un tel mode de financement, dont il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il bénéficie effectivement à l'ensemble des syndicats de la branche, n'est pas, en lui-même, de nature à porter atteinte à l'indépendance du syndicat requérant, quelle que soit par ailleurs la part des cotisations des adhérents dans le financement de ce syndicat. Ainsi, le ministre ne pouvait se fonder sur cette seule circonstance pour considérer, comme il l'a fait, que le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, ne remplissait pas la condition d'indépendance, en particulier financière, exigée pour que soit reconnue la représentativité d'un syndicat, alors qu'il ressort également des pièces du dossier, et qu'il n'est pas discuté, que le syndicat, lequel avait d'ailleurs précédemment été reconnu comme représentatif alors même qu'il était financé dans les mêmes conditions, justifie d'une activité, ainsi qu'en témoigne, notamment, sa participation aux commissions paritaires, aux négociations sur les salaires et à la refonte de la convention collective. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre s'est fondé sur la seule circonstance que l'essentiel de ses ressources provenait des versements de l'AMAFI et non des cotisations des adhérents pour considérer qu'il ne remplissait pas la condition d'indépendance requise par l'article L. 2121-1 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 2122-5 du même code. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, l'arrêté de la ministre du travail du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de marchés financiers (n° 2931) doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre du travail) le versement au syndicat requérant de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la ministre du travail du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de marchés financiers (n° 2931) est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministre du travail) versera au syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), à la Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC), à la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et à la Confédération générale du Travail " Force ouvrière " (CGT-FO).

Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019 .

Le président assesseur,

I. LUBEN

Le président-rapporteur,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSE

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00653
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 TRAVAIL ET EMPLOI. SYNDICATS. REPRÉSENTATIVITÉ. - CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DES ACTIVITÉS DE MARCHÉS FINANCIERS - ÉLECTIONS DES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL - FIXATION DE LA LISTE DES ORGANISATIONS SYNDICALES RECONNUES REPRÉSENTATIVES PAR ARRÊTÉ DU MINISTRE DU TRAVAIL - CRITÈRES CUMULATIFS DE REPRÉSENTATIVITÉ ÉNONCÉS AUX ARTICLES L. 2121-1 ET L. 2122-5 DU CODE DU TRAVAIL - ORGANISATION SYNDICALE NON RECONNUE REPRÉSENTATIVE, BIEN QU'AYANT RECUEILLI PLUS DE 15 % DES SUFFRAGES - MOTIF INVOQUÉ : NON-RESPECT DU CRITÈRE DE L'INDÉPENDANCE AU REGARD DE L'ORIGINE DES RESSOURCES FINANCIÈRES DE L'ORGANISATION SYNDICALE - FINANCEMENT PROVENANT À HAUTEUR DE 90 % DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE DES MARCHÉS FINANCIERS (AMAFI), UNIQUE ORGANISATION PROFESSIONNELLE D'EMPLOYEURS RECONNUE REPRÉSENTATIVE DANS LA BRANCHE D'ACTIVITÉ - ALLOCATION DE FONCTIONNEMENT VERSÉE PAR L'ORGANISATION PATRONALE À L'ENSEMBLE DES SYNDICATS DE LA BRANCHE EN VERTU DE L'ARTICLE 7 DE LA CONVENTION COLLECTIVE - INCIDENCE SUR LE CRITÈRE DE L'INDÉPENDANCE - ABSENCE. (1).

66-05-01 Pour considérer que le syndicat professionnel indépendant des métiers du titre, dénommé SPI Syndicat, ne pouvait être regardé comme représentatif au sens des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail, le ministre s'est fondé sur la circonstance que le syndicat, qui, par ailleurs, avait obtenu 15,36 % des suffrages, soit un taux supérieur au seuil de 8 % exigé par les dispositions précitées, ne remplissait pas la condition d'indépendance requise par le 2° de l'article L. 2121-1, dès lors que près de 90 % de ses ressources financières provenaient de l'AMAFI, unique organisation professionnelle d'employeurs reconnue représentative au niveau de la convention collective nationale des activités de marchés, les cotisations des adhérents ne représentant, quant à elles, que 10,2 % de ses ressources.... ,,Toutefois, les versements financiers dont bénéficie le syndicat de la part de l'AMAFI trouvent leur unique origine dans la mise en oeuvre des stipulations de la convention collective nationale des marchés financiers, qui prévoit que chaque organisation syndicale de branche reçoit de l'unique organisation patronale reconnue représentative dans la branche une allocation de fonctionnement pour l'accomplissement des missions d'intérêt général qu'elle mène au niveau de la branche, le montant annuel de cette allocation étant égal à 7,5 fois le SMIC mensuel brut en vigueur au 1er janvier de l'année de son versement. Un tel mode de financement, dont bénéficie l'ensemble des syndicats de la branche, n'est pas, en lui-même, de nature à porter atteinte à l'indépendance du syndicat requérant, quelle que soit la part des cotisations des adhérents dans le financement de ce syndicat, alors en particulier que ce dernier, qui avait d'ailleurs précédemment été reconnu comme représentatif, justifie d'une activité, ainsi qu'en témoigne, notamment, sa participation aux commissions paritaires, aux négociations sur les salaires et à la refonte de la convention collective.


Références :

[RJ1]

Cf. Confédération paysanne de la Corrèze, 20 juin 2012, n° 343203, aux Tables.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-04;18pa00653 ?
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