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26/03/2019 | FRANCE | N°18PA02841

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mars 2019, 18PA02841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 1812340 du 14 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal adm

inistratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 10 juillet 2018 portant in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 10 juillet 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 1812340 du 14 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 10 juillet 2018 portant interdiction de retour sur le territoire et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de police du 10 juillet 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 juillet 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une irrégularité du fait du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du a) du 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

1. M.B..., né le 20 décembre 1964 de nationalité camerounaise, entré en France en 1994 selon ses déclarations, a été interpellé puis placé en garde à vue le 10 juillet 2018. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. M. B...relève appel du jugement du 14 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2018 du préfet de police portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

En ce qui concerne l'étendue du litige :

2. Les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois sont irrecevables car dirigés contre une décision qui a été annulée par le jugement attaqué dont M. B...n'a pas intérêt à faire appel.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". L'obligation de saisir la commission du titre de séjour ne vaut que dans le cas de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du

10 juillet 2018 portant obligation de quitter le territoire.

4. En deuxième lieu, les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de l'article L. 313-14 du même code portent sur la délivrance des titres de séjour. Leur méconnaissance ne peut, par suite, être utilement invoquée à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a été interpellé le 10 juillet 2018, pour violences volontaires sur conjoint et menaces de mort réitérées alors qu'il avait été placé en garde-à-vue, deux jours auparavant, pour des faits semblables. Il déclarait, lors de son audition par les services de police, que ces faits n'étaient pas avérés, que son épouse cherchait à l'évincer du domicile conjugal en refusant de lui donner les clefs permettant d'y accéder et qu'il avait l'intention de quitter leur appartement dès sa sortie de garde-à-vue. S'il soutient désormais que les relations conjugales sont apaisées, notamment grâce à un service de médiation familiale, il ne l'établit pas. S'il fait également valoir qu'il est entré en France en 1994, sa durée de résidence n'est cependant pas établie au regard des pièces qu'il verse au dossier, notamment de l'acte de mariage célébré en France le 12 août 2017, d'une facture EDF du 15 mai 2017 et d'une quittance de loyer de juin 2018. Il ne fait par ailleurs état d'aucune insertion professionnelle ou sociale et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces circonstances, la décision contestée n'a pas en l'espèce porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour.

8. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de police s'est fondé, pour refuser d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire, sur le a) du 3° du II de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Toutefois, M. B... verse au dossier une attestation de passage indiquant qu'il s'est rendu à la préfecture de police le 5 décembre 2017 ainsi qu'une convocation, délivrée à l'occasion de ce passage, émanant de la préfecture de police et mentionnant un rendez-vous fixé au 29 août 2018. Dans ces conditions, M.B..., qui justifie avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées. Par suite, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire étant fondée sur une base légale erronée, M. B...est fondé à en demander l'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la seule décision du préfet de police refusant d'accorder au requérant l'octroi d'un délai de départ volontaire, n'implique pas que l'administration réexamine la situation de M. B...en vue de la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B...dans la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 14 juillet 2018 du préfet de police refusant d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire est annulée.

Article 2 : Le jugement du 14 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 mars 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA02841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02841
Date de la décision : 26/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : FENZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-26;18pa02841 ?
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