Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa requête en changement de son nom en " Biaggi ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'autoriser sa demande de changement de nom, et de procéder au changement de nom de plein droit de son fils, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1616272/4-1 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire ampliatif enregistrés les 4 juillet 2018,
9 juillet 2018 et 15 février 2019, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1616272/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom en " Biaggi " ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'autoriser sa demande de changement de nom, et de procéder au changement de nom de plein droit de son fils, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil compte tenu de son intérêt légitime à changer de nom ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le décret n°94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par MeD..., pour M.B..., a été enregistrée le 28 février 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B...est né le 28 janvier 1991 et le patronyme de son père lui a été légalement dévolu. Le divorce de ses parents a été prononcé par un jugement du Tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 17 novembre 1994. M. B...a sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice, par une requête en date du 1er février 2013, publiée au Journal officiel de la République française du 3 mars 2013, l'autorisation de substituer à son nom celui de sa mère, Biaggi. Par une décision du 27 juillet 2016, sa demande a été rejetée, le garde des sceaux ministre de la justice, estimant, notamment, qu'il n'apportait pas les éléments permettant d'établir que son père aurait manqué gravement à ses devoirs parentaux à son égard. M. B...fait appel du jugement n° 1616272/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 juillet 2016.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret relatif à la procédure de changement de nom : " Le refus de changement de nom est motivé. " La décision attaquée par
M. B...mentionne l'article 61 du code civil sur lequel elle est fondée ; elle relève que l'intéressé n'apporte " aucune pièce " de nature à établir des manquements graves de son père à son égard, et que le souhait de celui-ci de rendre hommage à sa mère et à la famille de cette dernière qui l'ont élevé, pour honorable qu'il soit, n'est pas de nature à justifier qu'il soit dérogé au principe de fixité du nom, en l'absence de toute autre circonstance. Cette décision est ainsi revêtue des considérations de droit qui la fondent et des éléments de fait qui la motivent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'article 61 du code civil dispose : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. (...) ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
4. M. B...soutient que, depuis l'âge de trois ans, il n'a plus eu aucun contact avec son père dont il porte le nom et qu'il souhaite en conséquence substituer à ce nom celui de sa mère, dès lors que, depuis le départ de son père du foyer, à la suite du divorce d'avec sa mère, ce dernier n'a jamais manifesté d'intérêt pour lui et que la nouvelle de la naissance de son petit-fils, fils du requérant, l'a laissé sans aucune réaction. Le requérant produit des témoignages établis, en particulier, par un cousin, par des amis, par sa mère, par l'ex-compagnon de cette dernière et par ses grands-parents maternels, lesquels témoignages attestent, dans des termes concordants, de l'absence du père de l'intéressé. Le requérant fait également valoir que son père n'a jamais exercé le droit de visite qui lui avait été accordé en vertu du jugement de divorce du
17 novembre 1994. L'ensemble de ces faits, dont la réalité est attestée par les divers témoignages produits, laissent présumer, la défaillance éducative du père de M.B.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a toujours versé la pension alimentaire mise à sa charge par le jugement de divorce du 17 novembre 1994. Le respect de cette obligation révèle ainsi l'intérêt matériel conservé par son père à M.B.... La circonstance que la mère de l'intéressé l'a élevé seule avec l'aide de ses grands-parents maternels ne caractérise pas, à elle seule, un intérêt légitime à revendiquer la substitution du nom de cette dernière au nom paternel dévolu à la naissance. Dès lors, le requérant, ne justifie pas davantage de circonstances exceptionnelles ni d'un trouble sérieux que lui causerait le port de son nom. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil doit être écarté.
5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui. ". En tout état de cause, il ne résulte pas de ces stipulations que l'autorité administrative, en rejetant une demande tendant à un changement de nom au motif que le demandeur n'apporte pas la preuve des éléments de sa vie privée et familiale dont il se prévaut pour caractériser son intérêt légitime au changement de nom, méconnaît le droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen de M. B...tiré de ce que la décision attaquée, en ce qu'elle est motivée par l'absence d'élément de nature à établir la réalité des faits qu'ils invoquent, méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement n° 1616272/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
Le rapporteur,
A. LEGEAI Le président,
S. DIÉMERT Le greffier,
M.A...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02269