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21/03/2019 | FRANCE | N°18PA02268

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 mars 2019, 18PA02268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa requête en changement de son nom en " Biaggi ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'autoriser sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1616282/4-1 du 2 mai 2018, le tribu

nal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa requête en changement de son nom en " Biaggi ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'autoriser sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1616282/4-1 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces, et deux mémoires ampliatifs, enregistrés les 4 juillet 2018, 9 juillet 2018, 6 février 2019 et 15 février 2019, MmeC..., représentée par

MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1616282/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom en " Biaggi " ;

3°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice d'autoriser sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil compte tenu de son intérêt légitime à changer de nom ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Par une décision du 12 février 2019 l'instruction a été rouverte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n°94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par MeD..., pour MmeC..., a été enregistrée le 28 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...C...est née le 19 mai 1988 et le nom de son père lui a été légalement dévolu. Le divorce de ses parents a été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 17 novembre 1994. Mme C...a sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice, par une requête en date du 1er février 2013, publiée au Journal officiel de la République française du 3 mars 2013, l'autorisation de substituer à son nom celui de sa mère " Biaggi ". Par décision du 27 juillet 2016, sa demande a été rejetée, le garde des sceaux ministre de la justice, estimant, notamment, qu'elle n'apportait pas les éléments permettant d'établir que son père aurait manqué gravement à ses devoirs parentaux.

Mme C...fait appel du jugement n° 1616282/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 juillet 2016.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret : " Le refus de changement de nom est motivé. " En outre, l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision attaquée par Mme C...mentionne l'article 61 du code civil sur lequel elle est fondée. Cette décision relève que Mme C...n'apporte " aucune pièce " de nature à établir des manquements graves de son père à son égard, et que le souhait de celle-ci de rendre hommage à sa mère et à la famille de cette dernière qui l'ont élevée, pour honorable qu'il soit, n'est pas de nature à justifier qu'il soit dérogé au principe de fixité du nom, en l'absence de toute autre circonstance. Cette décision est ainsi revêtue des considérations de droit qui la fondent et des éléments de fait qui la motivent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'article 61 du code civil dispose : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. (...) ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

4. Mme C...fait valoir que, depuis l'âge de six ans, elle n'a plus aucun contact avec son père dont elle porte le nom, et qu'elle souhaite en conséquence substituer à ce nom celui de sa mère. Depuis le départ de son père du foyer, à la suite du divorce d'avec son épouse, ce dernier n'a jamais manifesté d'intérêt pour elle. A l'appui de sa demande la requérante produit des témoignages établis, en particulier, par une amie très proche, sa mère, l'ex-compagnon de cette dernière et ses grands parents maternels, témoignages qui, dans des termes concordants, attestent de l'absence du père. Le témoignage d'un camarade de collège et celui du président du bureau des étudiants d'une école nationale d'architecture attestent le désir de la requérante de ne pas porter le nom de son père. Mme C...fait également valoir que son père n'a jamais exercé le droit de visite qui lui avait été accordé par le jugement de divorce rendu le 17 novembre 1994. L'ensemble de ces faits, dont la réalité est attestée par les divers témoignages produits, laissent présumer la défaillance éducative du père de la requérante. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a toujours versé la pension alimentaire mise à sa charge par le jugement de divorce du 17 novembre 1994. Le respect de cette obligation révèle l'intérêt matériel conservé par le père de Mme C...à son égard. La circonstance que la mère de l'intéressée l'a élevée seule avec l'aide des grands-parents maternels ne caractérise pas un intérêt légitime à revendiquer la substitution du nom de cette dernière au nom dévolu à la naissance. Dès lors, la requérante, ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ni d'un trouble sérieux que lui causerait le port de son nom. La requérante ne peut davantage se prévaloir de l'usage du nom de Biaggi, dès lors que les documents qu'elle produit, datés de 2013 à 2016 pour l'essentiel, ne permettent pas d'établir son caractère suffisamment long et constant, ainsi que l'exige la jurisprudence. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil doit être écarté.

5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui. ". En tout état de cause, il ne résulte pas de ces stipulations que l'autorité administrative, en rejetant une demande tendant à un changement de nom au motif que le demandeur n'apporte pas la preuve des éléments de sa vie privée et familiale dont il se prévaut pour caractériser son intérêt légitime au changement de nom, méconnaît le droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, en ce qu'elle est motivée par l'absence d'élément de nature à établir la réalité des faits invoqués, méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 1616282/4-1 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Paris. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

S. DIÉMERT Le greffier,

M.A... La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02268
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : SIMONGIOVANNI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-21;18pa02268 ?
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