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21/03/2019 | FRANCE | N°18PA00155,18PA01458

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 mars 2019, 18PA00155,18PA01458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2017 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays où il pourrait être reconduit, et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1718057/8 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté d'interdiction de r

etour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a rejeté le surplus de sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2017 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays où il pourrait être reconduit, et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1718057/8 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2018 sous le n° 18PA00155, et un mémoire enregistré le 13 février 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1718057/8 du 27 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 23 novembre 2017 faisant interdiction à M. B...de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de cette décision.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré, en soulevant d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, que la menace pour l'ordre public n'était pas établie ;

- les moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. F... B...qui n'a pas présenté d'observations dans l'instance.

II. Par une requête enregistrée le 30 avril 2018 sous le n° 18PA01458, M. F... B...représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1718057/8 du 27 novembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris en ce qu'il rejette sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, et fixant le pays où il pourrait être reconduit ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de police du 23 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays où il pourrait être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de la directive 2008/115/CE et de l'article 9 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît le droit fondamental à l'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire est prise par une autorité incompétente ;

-elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière sans respect du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de formuler des observations ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant pas procédé à un examen sérieux de sa demande et s'étant cru dans une situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale du fait de la contrariété entre les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative au " risque de fuite " qui la fondent et l'article 3 de la directive 2008/115/CE ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né en janvier 1987, est entré irrégulièrement en France le 7 novembre 2017 selon ses déclarations. Le 23 novembre 2017, il a fait l'objet à Paris d'un contrôle d'identité qui a révélé sa situation irrégulière. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai pour l'exécution de cette obligation, et a fixé le pays où il pourrait être reconduit, et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B..., placé en rétention administrative, a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces deux arrêtés. Le préfet de police fait appel du jugement du 27 novembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris en tant qu'il annule l'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans et M. B... fait appel du même jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.

2. La requête 18PA00155 du préfet de police et celle 18PA001458 de M. B...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il annule l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

3. Le préfet de police soutient que le moyen sur lequel les premiers juges ont fondé leur décision d'annulation de l'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français est tiré du fait qu'il n'était pas établi que M. B...constituait une menace pour l'ordre public. Le préfet de police fait valoir que, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par M. B..., qui s'était borné à soulever le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté sur ce point, et qu'ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, ont entaché leur jugement sur ce point d'irrégularité, et alors que des pièces ont été versées au dossier établissant la dangerosité de M.B..., En soulevant d'office un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, le tribunal administratif a effectivement entaché, sur ce point, son jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que ce jugement doit être annulé en tant qu'il annule l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par

M. B...devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris.

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays où il pourrait être reconduit :

5. M. B...soutient que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente. Toutefois, cet arrêté a été signé par Mme C...D..., attaché d'administration de l'Etat, qui a reçu délégation à l'effet de signer les décisions litigieuses par arrêté du préfet de police n° 2017-00887 du 25 août 2017 accordant délégation de la signature préfectorale au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er septembre 2017. Par suite, ce moyen qui manque en fait doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

7. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté contesté vise l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base duquel il a été pris et indique que M. B..., démuni de tout titre de séjour, n'a pu justifier être entré régulièrement en France. Dès lors, il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.B....

9. En troisième lieu, l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'État. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 ". L'article L. 556-1 du même code dispose : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut, si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, maintenir l'intéressé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ, sans préjudice de l'intervention du juge des libertés et de la détention. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 ".

10. Il résulte de ces dispositions législatives dont il n'est pas démontré qu'elles méconnaitraient les directives européennes qu'elles transposent que, hors les cas visés tant à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, qu'aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code concernant certaines demandes de réexamen et les étrangers faisant l'objet d'une procédure d'extradition, le préfet saisi d'une demande d'asile est tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 précité. Ces dispositions font ainsi nécessairement obstacle à ce qu'il prenne à l'encontre de l'étranger qui en a clairement exprimé le souhait avant un éventuel placement en rétention une quelconque mesure d'éloignement. Toutefois, lors de son audition consécutive à son interpellation, M. B... n'a pas formulé de demande d'asile, ni même souhaité préciser les motifs de sa venue en, France. Il n'établit pas, par la seule production devant le juge de la copie d'une fiche de rendez-vous pour le 22 janvier 2018 à l'en-tête de la coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile (CAFDA), non signée et ne portant que le nom patronymique " B... " comme élément d'identification, avoir, comme il le soutient, entamé dès le lendemain de son entrée en France des démarches en vue de l'examen d'une demande d'asile, alors d'ailleurs qu'il ressort du procès-verbal d'interpellation que le service CAFDA a indiqué le 23 novembre 2017 aux services de police n'avoir pas de dossier à ce nom. Dès lors, M. B... ne peut être regardé comme ayant présenté une demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait le droit fondamental que constitue le droit d'asile et les textes nationaux et internationaux, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, protégeant ce droit, ne peuvent qu'être écartés.

11. Enfin M. B...qui avait soutenu devant le premier juge, sans l'établir, être venu en France depuis l'Allemagne où il résiderait depuis 2011 accompagné de son épouse et de ses enfants, ne démontre pas que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle comporte pour sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. Le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

13. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que le comportement de M.B..., signalé par les services de police le 17 août 2015 comme susceptible d'être en relation avec la mouvance islamique radicale internationale, constitue une menace pour l'ordre public. En outre, il énonce qu'il existe un risque que M. B...se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français puisque, d'une part, il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente. Par suite, la décision par laquelle le préfet de police refuse à M. B...un délai de départ volontaire est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait.

14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de M.B.... Celui-ci a été entendu après son interpellation sur les conditions et les motifs de sa présence irrégulière en France et mis en mesure de faire valoir, avant l'édiction des décisions en litige, tous éléments utiles sur sa situation familiale et personnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que M.B..., qui a été invité à signer son procès-verbal d'audition et n'a pas été empêché de présenter des observations écrites, aurait été privé d'une procédure contradictoire ou du droit d'être entendu doit être écarté.

15. En troisième lieu, M. B...soutient que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui définissent le " risque de fuite " ne transposent pas correctement les dispositions de la directive européenne 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et qu'en l'espèce les éléments retenus sont insuffisants pour caractériser un risque de fuite. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, le refus de lui accorder un délai de départ volontaire n'a pas été pris uniquement en raison d'un risque de fuite mais aussi du fait de la menace qu'il présente pour l'ordre public. Par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

16. Dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le refus d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire pour quitter la France serait entaché d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, l'arrêté vise l'article L. 513-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que M.B..., de nationalité russe, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.

18. En second lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

19. M.B..., qui n'a pas déposé de demande d'asile et se borne à faire valoir son origine tchétchène et des éléments d'ordre général sur la situation des opposants au régime russe et pro russe en Tchétchénie auxquels seraient assimilés les Tchétchènes vivant à l'étranger, n'établit ni même n'allègue qu'il serait personnellement exposé à des risques personnels pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, et fixant le pays où il pourrait être reconduit. Sa requête d'appel ne peut, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, qu'être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

21. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) ".

22. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger.(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

23. M. B...soutient que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas examiné les quatre critères prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour, et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III dudit article L. 511-1, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a bien examiné les différents critères du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, l'arrêté vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne l'existence de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle il se fonde, le fait que M. B...constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'il est susceptible d'être en relation avec la mouvance islamiste radicale internationale, ainsi que le fait que, eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale. Dès lors, le préfet de police, qui n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour, et a, par suite, respecté les exigences des textes précités.

24. En deuxième lieu, M. B...soutient que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle au regard des dispositions du deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qu'il fait valoir qu'il aurait déposé une demande d'asile, sans l'établir, cette branche du moyen doit être écartée. En tout état de cause, une telle circonstance, à la supposer avérée, n'est pas de nature à faire regarder l'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

25. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire sur laquelle elle se fonde.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1718057/8 du 27 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il annule l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Article 2 : Les demandes présentées par M. F...B...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...B....

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

S. DIÉMERT Le greffier,

M.A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 18PA00155, 18PA001458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00155,18PA01458
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-21;18pa00155.18pa01458 ?
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