La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2019 | FRANCE | N°17PA03778

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 mars 2019, 17PA03778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vitalia a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le maire de Paris a abrogé l'autorisation d'installation d'une contre-terrasse au

13 rue Montholon à Paris 9ème arrondissement qui lui avait été accordée par une décision du

27 février 2009.

Par un jugement n° 1613397/4-3 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Vitalia.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 décembre 2017 et le

12 novembre 2018, la société Vital...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vitalia a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le maire de Paris a abrogé l'autorisation d'installation d'une contre-terrasse au

13 rue Montholon à Paris 9ème arrondissement qui lui avait été accordée par une décision du

27 février 2009.

Par un jugement n° 1613397/4-3 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Vitalia.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 décembre 2017 et le

12 novembre 2018, la société Vitalia, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1613397/4-3 du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 du maire de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vitalia soutient que :

- la décision du 29 janvier 2015 lui refusant l'installation d'écrans autour de sa

contre-terrasse ne lui pas été régulièrement notifiée ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- l'article 4.4 du titre II du règlement municipal des étalages et des terrasses du 6 mai 2011 qui constitue la base légale de la décision est illégal, dès lors qu'il induit une différence de traitement injustifiée et disproportionnée entre les bénéficiaires d'autorisation de terrasses ouvertes et de contre-terrasses ; cette disposition est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général et contrevient au principe d'égalité ; il méconnait également la liberté du commerce et de l'industrie ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2018, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Vitalia de la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Ville de Paris soutient que les moyens invoqués par la société Vitalia ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Meilhac, avocat de la société Vitalia, et de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Vitalia, qui exploite un fonds de commerce de restauration au 13 rue Montholon dans le 9ème arrondissement de Paris, a obtenu l'autorisation d'installer une

contre-terrasse de 3 mètres de longueur sur 4,50 mètres de largeur par un arrêté du maire de Paris du 14 septembre 2007. Par un arrêté du maire de Paris du 27 février 2009, elle a obtenu l'autorisation d'installer une contre-terrasse de 6,65 mètres de longueur sur 4,50 mètres de largeur. Par la suite, elle a sollicité l'autorisation d'installer des écrans de protection autour de cette contre-terrasse.

Par un arrêté du 29 janvier 2015, le maire de Paris a refusé de faire droit à cette demande. Le

15 avril 2015, un procès-verbal d'infraction a été dressé à l'encontre de la société Vitalia, à la suite du constat par un inspecteur assermenté de la Ville de Paris de l'installation d'écrans rigides autour de la contre-terrasse ouverte. Par un arrêté du 23 juin 2016, la maire de Paris a abrogé l'autorisation d'installation d'une contre-terrasse qui avait été accordée à la société Vitalia le 27 février 2009.

La société Vitalia fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2016.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 23 juin 2016 par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article DG 20 du règlement des étalages et des terrasses installées sur la voie publique, résultant de l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011, " Conformément à la législation en vigueur, les infractions au présent règlement sont constatées par les agents assermentés de la Ville de Paris ou de la Préfecture de Police. / À l'issue de la constatation d'une infraction, une mise en demeure de supprimer l'installation non autorisée ou de mettre l'installation ou l'occupation en conformité avec l'autorisation délivrée est remise ou adressée au contrevenant. / Cette mise en demeure précise le délai de suppression ou de mise en conformité de l'installation ou de la partie d'installation en cause. / Passé ce délai, à défaut de mise en conformité des installations irrégulières, l'administration peut procéder à la suppression de l'autorisation délivrée. / Sans préjudice des procédures administratives sus énoncées, il est dressé un procès-verbal, qui est transmis au Procureur de la République en vue de poursuites pénales ". Aux termes de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration :

" Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée ".

4. D'une part, il ressort des pièces produites en première instance par la Ville de Paris que l'accusé de réception du pli qui contenait l'arrêté du 29 janvier 2015 par lequel le maire de Paris a refusé d'autoriser l'installation d'écrans de protection sur le pourtour de la contre-terrasse en litige porte une signature qui est identique à celle portée sur l'accusé de réception du pli contenant un courrier du 5 janvier 2016 mettant en demeure la société Vitalia de retirer les installations non autorisées, courrier produit par la requérante à l'appui de sa requête et dont elle ne conteste pas la réception. En outre, si, pour contester la régularité de la notification de l'arrêté du 29 janvier 2015, la société Vitalia produit une attestation de La Poste du 18 mars 2015, faisant état de dysfonctionnements dans la distribution du courrier, cette attestation se borne à mentionner des erreurs de tri dans la boîte aux lettres de la société et ne mentionne pas la question des courriers recommandés. Dans ces conditions, la Ville de Paris établit que l'arrêté du 29 janvier 2015 a été régulièrement notifié le 9 février 2015 à la société Vitalia.

5. D'autre part, si la société Vitalia conteste de façon générale la méconnaissance du principe du contradictoire, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été informée, par un courrier du 14 avril 2016, qu'à la suite de l'établissement d'un procès-verbal constatant que les écrans entourant la contre-terrasse en litige étaient toujours en place malgré la mise en demeure du 5 janvier 2016, la Ville de Paris envisageait de supprimer l'autorisation d'installation de cette contre-terrasse.

La société a été invitée à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de sa réception, délai qui n'était pas insuffisant, la société ayant d'ailleurs produit des observations en réponse par un courrier du 22 avril 2016. Les dispositions précitées de l'article DG 20 du règlement des étalages et des terrasses installées sur la voie publique ont ainsi été respectées.

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la sanction infligée à la société Vitalia, sur le fondement de l'article DG 20 du règlement des étalages et des terrasses installées sur la voie publique et du refus du maire de Paris, par son arrêté du 29 janvier 2015, d'autoriser l'installation d'écrans de protection sur le pourtour de la contre-terrasse en litige, aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4.4 du titre II du règlement municipal des étalages et des terrasses édictés par l'arrêté du maire de Paris en date du 6 mai 2011 : " Sont interdits dans les contre-terrasses : / (...) - la mise en place de tout type de bâches ou d'écrans sur le pourtour et dans l'occupation autorisée de la contre-terrasse (...) ".

8. D'une part, la société Vitalia soutient que les dispositions de l'article 4.4 du titre II du règlement municipal des étalages et des terrasses introduiraient une différence de traitement injustifiée entre les bénéficiaires d'autorisation de terrasses ouvertes et les bénéficiaires de

contre-terrasses, dès lors que l'article 3.3.3 du même règlement permet aux titulaires d'une autorisation de terrasse ouverte d'y installer des écrans parallèles ainsi que l'installation de terrasses fermées sur le domaine public. Toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée. Or, il est constant que l'installation d'écrans sur le pourtour d'une contre-terrasse, qui, à la différence d'une terrasse, n'est pas située dans le prolongement contigu de l'établissement, accentue l'impression visuelle de fermeture de l'espace public et confère à la contre-terrasse l'aspect d'un bloc posé sur la voie publique, qui est de nature à porter atteinte aux critères généralement admis pour la protection de l'esthétique de l'espace public parisien. En outre, eu égard à leur séparation physique avec l'établissement, qui génère ainsi un flux de déplacement des serveurs entre elles-mêmes et ce dernier, les contre-terrasses peuvent provoquer une gêne spécifique à la circulation des piétons, que la Ville de Paris a légalement pu vouloir atténuer en cherchant à limiter l'attrait potentiel de ces contre-terrasses. Ainsi, la volonté de l'autorité municipale de ne pas voir se multiplier à l'excès les contre-terrasses fermées constitue un motif d'intérêt général qui pouvait légalement être pris en compte dans le cadre de la mission de gestion du domaine public qu'il lui revient d'exercer. Dans ces conditions, la différence de traitement instituée par les dispositions réglementaires critiquées entre les terrasses et les

contre-terrasses, qui se trouvent dans une situation objectivement différente, est en rapport avec l'objet de la mesure, qui vise à interdire l'installation d'écrans sur le pourtour des contre-terrasses, et n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à la finalité poursuivie.

9. D'autre part, la société Vitalia soutient que les dispositions de l'article 4.4 du titre II du règlement municipal des étalages et des terrasses méconnait la liberté du commerce et de l'industrie. Toutefois, l'interdiction de l'installation d'écrans sur le pourtour des contre-terrasses, qui est justifiée par les motifs précédemment mentionnés, n'empêche pas par elle-même d'exploiter une contre-terrasse, ni n'a pour effet de rendre une contre-terrasse inexploitable. Ces dispositions ne sont ainsi pas disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'article 4.4 du titre II du règlement municipal des étalages et des terrasses du 6 mai 2011, invoquée par voie d'exception à l'encontre de l'arrêté du 23 juin 2016, doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Vitalia a procédé sans autorisation à l'installation d'écrans rigides autour de sa contre-terrasse depuis 2012, ce qu'elle reconnait dans ses écritures. Elle a fait l'objet de procès-verbaux d'infraction du 15 avril 2015 puis du 7 avril 2016 et du 17 mai 2016, postérieurement à la mise en demeure qui lui avait été adressée de retirer les installations non autorisées. Elle a ainsi volontairement et sur une longue durée persisté à ne pas respecter le règlement municipal des étalages et des terrasses du 6 mai 2011. Les circonstances qu'elle n'avait pas été précédemment verbalisée au titre des infractions ainsi commises, que des nuisances liées à la proximité d'une station de métro auraient justifié la pose d'écrans rigides qui aurait pu être autorisée à titre dérogatoire et que la contre-terrasse représenterait une part substantielle de son chiffre d'affaires, ne sauraient justifier le refus persistant de la société Vitalia d'appliquer la règlementation en vigueur. Dans ces conditions, au vu des faits commis, le maire de Paris, en abrogeant l'autorisation d'installation d'une contre-terrasse qui avait été accordée à la société Vitalia le 27 février 2009 par son arrêté du 23 juin 2016, n'a pas pris une sanction disproportionnée et, en tout état de cause, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vitalia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 23 juin 2016 doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

14. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Vitalia demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Vitalia la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions, au titre des frais que la Ville de Paris a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Vitalia est rejetée.

Article 2 : La société Vitalia versera à la Ville de Paris la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vitalia et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S. DIÉMERTLe greffier,

M. A...La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03778
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Autorisations unilatérales.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-21;17pa03778 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award