Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1702785 du 23 novembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2018, Mme D..., représentée par Me E... A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702785 du 23 novembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 décembre 2016 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me E... A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- elle les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- et les conclusions de Mme Anne Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. MmeD..., ressortissante algérienne, née le 17 décembre 1963 à Taourirt en Algérie, est entrée régulièrement en France le 7 décembre 2014 sous couvert d'un visa Schengen. Elle a sollicité le 10 septembre 2015 du préfet du Val-de-Marne la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 7 décembre 2016, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme D...fait appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968. Toutefois, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, en usant à cette fin du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet du Val-de-Marne a refusé d'admettre exceptionnellement au séjour Mme D...au motif qu'elle ne faisait pas état de motifs exceptionnels justifiant la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que MmeD..., célibataire et sans charge de famille, est entrée sur le territoire français le 7 décembre 2014 afin de rejoindre son frère,
M. B...D..., qui y réside depuis le 2 novembre 1964 et est titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée de 10 ans. Si elle souffre d'une hémiplégie droite et d'une déformation majeure du membre inférieur droit et allègue être totalement dépendante de son frère qui l'héberge et l'assiste dans les actes de la vie quotidienne, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas être prise en charge par une structure adaptée à son handicap en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans et où réside son autre frère, M. F...D.... Ainsi, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme D...ne répondait pas à des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que MmeD..., célibataire et sans charge de famille, justifie d'une durée de séjour de seulement deux années sur le territoire français et n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans et où réside l'un de se frères. Par suite, et alors même que son père et sa mère sont décédés respectivement en 1972 et 2008, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le préfet n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeD....
8. En troisième et dernier lieu, le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les stipulations de l'accord franco-algérien équivalentes à celles de l'article L. 313-11 dudit code, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour temporaire, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Ainsi qu'il a été dit, Mme D...ne remplissait pas ces conditions. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant refus de certificat de résidence n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme D...ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, Mme D...n'établit pas être dans l'impossibilité d'accéder dans son pays d'origine aux soins et aux structures appropriés à son handicap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. En second lieu, Mme D...n'est pas isolée en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans et où réside notamment l'un de ses frères et n'établit pas être dans l'impossibilité d'accéder dans son pays d'origine aux soins et aux structures appropriés à son handicap. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2016 du préfet du Val-de-Marne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 mars 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01330