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21/02/2019 | FRANCE | N°18PA03353

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 février 2019, 18PA03353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le parti politique " Les Républicains " a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 décembre 2017 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative au compte de campagne de M. D...B..., candidat à l'élection du Président de la République des 23 avril et 7 mai 2017, et la décision du 9 juillet 2018 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté sa demande tendant au retrait de la déc

ision du 21 décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1815977/3-1 du 14 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le parti politique " Les Républicains " a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 décembre 2017 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative au compte de campagne de M. D...B..., candidat à l'élection du Président de la République des 23 avril et 7 mai 2017, et la décision du 9 juillet 2018 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté sa demande tendant au retrait de la décision du 21 décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1815977/3-1 du 14 septembre 2018, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 octobre 2018, le 18 janvier 2018 et le 3 février 2019, le parti politique " Les Républicains ", représenté par Me A...et Me Blanc, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1815977/3-1 du 14 septembre 2018 de la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 21 décembre 2017 et du 9 juillet 2018 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de rejeter le compte de campagne de M. D...B..., candidat à l'élection du Président de la République des 23 avril et 7 mai 2017, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de rejeter ce compte, ou, à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de procéder au réexamen de ce compte dans un délai de six mois.

Le parti politique " Les Républicains " soutient que :

- le juge administratif est seul compétent pour connaître de ses conclusions, qui échappent à la compétence d'attribution du Conseil constitutionnel, laquelle doit s'entendre strictement, et sont détachables de la contestation de l'élection ; si le juge administratif ne se reconnaissait pas compétent pour connaître des décisions de l'autorité administrative indépendante qu'est la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, il y aurait méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du droit constitutionnel à un recours effectif au profit de toute personne intéressée, ainsi que de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a intérêt et qualité à agir ;

- il a déposé sa demande dans le délai de recours contentieux ;

- l'ordonnance attaquée est irrégulière pour défaut de visas ; le premier juge s'est fondé à tort sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, en entachant en outre son ordonnance de contradiction de motifs ;

- la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a opposé à tort son incompétence, notamment en ce qui concerne le refus de retirer un acte administratif obtenu par fraude, qui fait l'objet d'un régime de contestation autonome de celui de la décision initiale ;

- des dépenses qui avaient un caractère électoral n'ont pas été incluses dans le compte de campagne et le candidat a bénéficié de rabais et ristournes anormaux ; la Commission a été trompée et aurait dû retirer sa décision.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 décembre 2018 et le 1er février 2019, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la compétence juridictionnelle pour connaître de ses décisions en matière de comptes de campagne de l'élection présidentielle relève exclusivement du juge constitutionnel ;

- le parti politique requérant n'a pas intérêt et qualité à agir ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;

- le code électoral ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Blanc, avocat du parti politique " Les Républicains ", et de M. C..., pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Une note en délibéré présentée pour le parti politique " Les Républicains " a été enregistrée le 12 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 13 juin 2018, le parti politique " Les Républicains " a demandé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de retirer sa décision du 21 décembre 2017, publiée au Journal Officiel du 13 février 2018, relative au compte de campagne de M. D... B..., candidat à l'élection du Président de la République des 23 avril et 7 mai 2017. Par une décision du 9 juillet 2018, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a refusé de faire droit à cette demande. Le parti politique " Les Républicains " a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces décisions. Par une ordonnance du 14 septembre 2018, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Le parti politique " Les Républicains " fait appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application (...) ".

3. L'ordonnance attaquée ne vise que le code électoral, qui ne contient aucune disposition relative aux décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques portant sur les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle. Elle est motivée par le fait que " la contestation d'une décision par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve le compte d'un candidat proclamé élu met nécessairement en cause la validité de l'élection à laquelle se rapportent ces dépenses " et " ne peut donc être présentée qu'à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales devant le juge de l'élection, soit dans le cas présent le Conseil constitutionnel ". Ce faisant, cette ordonnance fait nécessairement application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3, loi qui n'est ni visée ni mentionnée dans les motifs de l'ordonnance. Dans ces conditions, le parti politique " Les Républicains " est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article R. 742-2 du code de justice administrative et doit dès lors être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le parti politique " Les Républicains " devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

5. Aux termes de l'article 6 de la Constitution : " Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. / (...) / Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique ". Aux termes de l'article 58 de la Constitution : " Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (...) ". Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Les attributions du Conseil constitutionnel en matière d'élection à la Présidence de la République sont déterminées par la loi organique relative à cette élection ". Aux termes de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel : " II. (...) La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire (...). Elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes (...) / III. (...) Les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionnées au II du présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné, dans le mois suivant leur notification (...) / V. (...) La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, en cas de recours, le Conseil constitutionnel fait publier au Journal officiel les décisions prises pour approuver, rejeter ou réformer les comptes de campagne et arrêter le montant du remboursement ".

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 6 de la Constitution que le constituant a réservé au législateur organique la détermination de l'ensemble des modalités de l'élection du Président de la République au suffrage universel ainsi que de son contrôle. Parmi ces modalités figurent les règles applicables aux dépenses électorales, à leur financement et à leur remboursement ainsi que les conditions dans lesquelles l'Etat s'assure de leur respect. A cette fin, l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel confie à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, la mission d'approuver, de rejeter ou de réformer les comptes de campagne des candidats à cette élection et précise ses pouvoirs, la procédure applicable ainsi que les obligations des candidats à l'élection présidentielle pour la mise en oeuvre de cette mission.

7. La contestation de la décision par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme les comptes de campagne d'un candidat à l'élection du Président de la République relève des seules modalités d'application de l'article 6 de la Constitution, et donc de la loi du 6 novembre 1962, notamment son article 3. Il en est de même de la contestation de la décision par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques refuse de faire droit à une demande, présentée sur le fondement de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, tendant au retrait de sa décision initiale d'approbation d'un compte, laquelle contestation demeure relative au remboursement des dépenses électorales d'un candidat. A cet égard, la circonstance que les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité au regard de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif qu'il consacre, ne prévoient expressément que le seul recours du " candidat concerné ", ne saurait, non plus, en tout état de cause, que les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avoir pour effet de rendre compétent le juge administratif pour se prononcer sur des recours à l'encontre de telles décisions. Ainsi, la demande du parti politique " Les Républicains " relève de la seule compétence du Conseil constitutionnel et il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande du parti politique " Les Républicains " tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2017 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative au compte de campagne de M. D...B...et de la décision du 9 juillet 2018 par laquelle cette commission a rejeté sa demande tendant au retrait de la décision du 21 décembre 2017 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de ses conclusions à fin d'injonction.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1815977/3-1 du 14 septembre 2018 de la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par le parti politique " Les Républicains " devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au parti politique " Les Républicains ", à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. D...B....

Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03353
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-02-03 Compétence. Actes échappant à la compétence des deux ordres de juridiction. Actes relevant de la compétence exclusive du Conseil constitutionnel, juge de l'élection.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : CABINET DRAI ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-21;18pa03353 ?
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