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19/02/2019 | FRANCE | N°17PA01917

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 février 2019, 17PA01917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 15 janvier 2016 accordant à la société Nestlé Purina Petcare France l'autorisation de procéder au transfert de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1602263/9 du 5 avril 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 6 juin, 10 octobre 2017 et 28 janvier 2019,

la société Nestlé Purina Petcare France, représenté par la SCP Celice-Soltner-Texidor-B... dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 15 janvier 2016 accordant à la société Nestlé Purina Petcare France l'autorisation de procéder au transfert de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1602263/9 du 5 avril 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 6 juin, 10 octobre 2017 et 28 janvier 2019, la société Nestlé Purina Petcare France, représenté par la SCP Celice-Soltner-Texidor-B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont fondés sur un moyen soulevé d'office sans en avoir préalablement informé les parties ;

- en se bornant à relever que les deux salariés chargés de la comptabilité et de la gestion des ressources humaines de la division " Accessoires " n'étaient pas compris dans le périmètre de la cession, sans rechercher ainsi qu'il y était invité, si ces salariés n'intervenaient pas également pour d'autres divisions, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de motivation ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que la cession de l'activité " accessoires " à la société Bob Martin n'emportait pas transfert d'une entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail alors que l'activité a été poursuivie dans les mêmes locaux sans modification de l'organisation, l'ensemble des salariés spécifiquement affectés à cette activité a été repris et la clientèle a été transférée ;

- si les produits " snacks " et " litières " ont été exclus de la cession des droits de propriété intellectuelle attachés à l'activité " Accessoires ", la commercialisation de ces produits a été cédé par le biais d'un contrat de distribution exclusive des produits des marques Friskies et Tidy Cats pour une durée d'une année et d'un contrat de licence sur ces marques d'une durée de deux ans ; le caractère temporaire de cet accord de distribution et du contrat de licence n'est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation d'un transfert d'entreprise ;

- en affirmant que la réalité de la cession de clientèle n'était pas établie, le tribunal administratif a également dénaturé les pièces du dossier.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2018, M.D..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Nestlé Purina Petcare France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la division accessoires de la société Nestlé Purina Petcare France ne constituait aucunement une entité économique autonome ;

- les éléments cédés ne sont pas suffisamment significatifs pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome ;

- l'opération s'analyse en réalité comme la création d'une activité nouvelle, l'activité précédemment exploitée par la société Nestlé Purina Petcare France n'étant pas poursuivie.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Nestlé Purina Petcare France, et de MeA..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...a été engagé par la société Nestlé Purina Petcare France en qualité de promoteur des ventes pour la division " Accessoires ". Il détenait le mandat de représentant de section syndicale à compter du 31 août 2015. Par un courrier du 9 décembre 2015, la société Nestlé Purina Petcare France a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au transfert de son contrat de travail, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, dans le cadre d'une cession de son activité " Accessoires " à la société anglaise Bob Martin SAS. Par une décision du 15 janvier 2016, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de procéder à ce transfert. Par un courrier du 27 janvier 2016, la société Nestlé Purina Petcare a informé M. D...que le transfert effectif de son contrat de travail interviendrait le 1er février suivant. La société Nestlé Purina Petcare France relève appel du jugement du 5 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 15 janvier 2016.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si la société requérante soutient que le tribunal administratif aurait statué sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que l'opération de cession, notamment des droits de propriété intellectuelle, n'entrait pas dans le champ de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans en avoir préalablement informé les parties, ce moyen manque en fait dès lors que M. D... avait bien soulevé un tel moyen dans ses écritures de première instance.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties, ont énoncé de façon complète et précise les motifs qui les ont conduits à retenir l'absence de transfert d'entité économique autonome au sens des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Par suite, ledit jugement, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier.

En ce qui concerne le bien fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Aux termes de l'article L. 2414-1 du même code : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats suivants (...) ". En application de ces dispositions, lorsqu'une entreprise cède tout ou partie de ses actifs dans des conditions de nature à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, le salarié légalement investi de fonctions représentatives qui est en activité au sein de cette entité bénéficie du transfert de son contrat de travail. D'une part, ce transfert du contrat de travail est de plein droit si l'activité de l'entreprise est intégralement transférée. D'autre part, si la cession des actifs de l'entreprise constitue un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, le transfert du contrat de travail de ce salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Les dispositions précitées ne s'appliquent qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

5. La société Nestlé Purina Petcare intervient dans le secteur des produits pour animaux de compagnie en Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord et son activité de commercialisation porte sur les produits alimentaires pour animaux en grande distribution (activité Petfood) et dans des magasins spécialisés (activité Spécialiste) ainsi que sur des produits d'alimentation, d'hygiène et de soin destinés aux chiens, chats et petits animaux de compagnie (activité Accessoires). En 2015, la société Nestlé Purina Petcare France a décidé de céder à la société Bob Martin sa division " Accessoires ", qui comprend les segments d'activité Snacks, Litières, et Os, en transférant à ce titre des moyens humains et matériels associés à ces activités et notamment le contrat de travail de M.D..., dont le transfert a été autorisé par la décision de l'inspecteur du travail du 15 janvier 2016.

6. Pour contester le motif retenu par le tribunal pour annuler la décision d'autorisation de transfert du contrat de travail de M.D..., la société Nestlé Purina Petcare France fait valoir que, dans le cadre de la cession de la division " Accessoires ", un certain nombre de moyens matériels ont été transférés à la société Bob Martin, notamment un bâtiment à Nemours, des contrats d'approvisionnement, une clientèle constituée de centrales d'achats ainsi que du matériel. Elle se borne toutefois à produire, d'une part, une liste sur laquelle figure essentiellement du matériel informatique et téléphonique, sans verser d'éléments quant à la cession des documents relatifs au marketing, à l'étiquetage, aux emballages et aux notices, d'autre part, des accords commerciaux avec des sociétés de distribution non remplis et non signés, lesquels ne sont pas de nature à établir la réalité de la cession de la clientèle de la division " Accessoires ", alors qu'il ressort par ailleurs des courriers électroniques adressés par plusieurs des distributeurs de grandes et moyennes surfaces constituant cette clientèle que les produits des marques exploitées par la division " Accessoires " ne seraient plus référencés auprès de ces distributeurs. En outre, il résulte des échanges entre la société et le Comité central d'entreprise au cours des réunions en 2015 concernant la cession, que celle-ci excluait expressément certains actifs de la division, à savoir la vente des produits et marques attachés aux segments " Snacks et Litières " dont les ventes représentaient alors 16% de celles de la division et présentaient en moyenne le taux de croissance annuel le plus fort sur la période récente. Ont également été exclus du périmètre de la cession, les droits de propriété intellectuelle attachés aux marques Felix, Purina, 9-Square Checkerboard, NIDO ainsi qu'à la marque Friskies, marque principale de la division " Accessoires " qui couvre l'ensemble des segments de la division et représente 94,5% de son activité. Si la société Nestlé Purina Petcare se prévaut également de la conclusion de contrats de licence sur ces marques notamment et de contrats de distribution exclusive sur les produits Snacks et Litières, il ressort toutefois des pièces du dossier que ces contrats contiennent des obligations spécifiques en matière de sourcing et contrôle qualité conformes aux standards du groupe Nestlé, et qu'ils comportent par ailleurs une échéance très brève, les contrats de distributions expirant au plus tard fin 2018 et ceux de licence, à l'exception de la marque NIDO, fin 2017. Or, de telles échéances ne sont pas de nature à garantir l'autonomie de l'entité transférée ni à permettre la poursuite d'un objectif propre. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'opération de cession entre la société Nestlé Purina Petcare et la société Bob Martin ne devait pas être regardée comme concernant un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre et qu'ils ont par voie de conséquence annulé la décision contestée d'autorisation de transfert du contrat de travail de M.D....

7. Il résulte de ce qui précède que la société Nestlé Purina Petcare France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du l'inspecteur du travail du 15 janvier 2016 lui accordant l'autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de M.D....

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société Nestlé Purina Petcare France au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Nestlé Purina Petcare France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nestlé Purina Petcare France, à M. C...D...et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°17PA01917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01917
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : DECHERT (PARIS) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;17pa01917 ?
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