Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H...F...épouseD..., Mme B...D..., M. E...D...et M. A... D...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à les indemniser des préjudices résultant d'un défaut d'information, pendant la grossesse, quant aux risques de survenue de trisomie 18 dont est atteinte ChristelleD... ;
Par un jugement n° 1503825/6-2 du 29 novembre 2016 le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à MmeF..., épouseD..., la somme de 30 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2017, Mme H...F..., épouseD..., Melle MarieD..., M. E...D...et M. A...D..., représentés par Me C...demandent à la Cour de :
1°) réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris,
2°) condamner l'AP-HP à payer à Mme H...D...la somme de 200 000 euros, à M. A...D..., à Mlle B...D..., et à M. E...D...chacun la somme de 9 000 euros,
3°) mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le défaut d'information de Mme H...D...des risques de trisomie 18 dont son enfant risquait d'être atteint, révélés par un test réalisé par le laboratoire chargé de l'analyse sérique définit une faute caractérisée engageant la responsabilité de l'hôpital qui a notamment méconnu les articles L. 1142 du code de la santé publique et 35 du code de déontologie ;
- cette faute a privé Mme D...de la possibilité de demander une interruption médicale de grossesse ;
- le préjudice moral lié à cette faute doit être réparé par le versement à Mme D...de la somme de 200 000 euros et à chacun des frères et soeurs de Christelle D...de la somme de 9 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2017, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) représentée par MeG..., forme appel incident et demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris et la requête des consortsD...,
2°) à titre subsidiaire de ramener à de plus justes proportions les indemnités accordées à MmeD...,
3°) en tout état de cause de rejeter l'appel des consortsD....
Elle soutient que :
- la responsabilité du service hospitalier ne peut être engagée car la faute caractérisée définie par l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles n'est pas constituée ;
- en ne proposant pas à Mme D...la réalisation d'une amniocentèse l'équipe médicale n'a commis aucune faute ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la circonstance que Mme D...n'a pas été informée des résultats du dosage PAPP-A était constitutive d'une faute, ce test, qui ne résultait au demeurant pas d'une initiative du service, ne pouvant être regardé, au regard des connaissances de l'époque, comme un marqueur suffisant de la trisomie 18 ;
- c'est à tort que les experts et les premiers juges ont estimé que ce défaut de communication avait pu être cause d'une perte de chance de solliciter une amniocentèse et de réaliser, le cas échéant, un interruption médicale de grossesse, dans la mesure où il est plus que probable que, dans les circonstances de l'espèce, Mme D...n'aurait pas envisagé cet examen ;
- c'est à tort que raisonnant s'en se référer à une perte de chance les premiers juges ont indemnisé la totalité du préjudice moral de MmeD..., lequel doit être limité à la somme de 7500 euros ;
- les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ne permettent pas l'indemnisation des préjudices propres des frères et soeurs ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique
- le code de l'action sociale et des familles
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouleau, président-rapporteur
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations Me G...pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H...D..., suivie dans le cadre de sa grossesse par le service de maternité de l'hôpital Saint-Antoine, a fait l'objet par le laboratoire chargé de la réalisation du test sérique effectué pour la détermination du risque de trisomie 21 d'un test supplémentaire, réalisé à titre expérimental à l'initiative de ce laboratoire, qui a mis en évidence un risque accru de trisomie 18. Aucune information n'a été donnée à Mme H...D...sur les résultats de ce test par les services de l'AP-HP, lesquels en avaient connaissance. Le diagnostic de trisomie 18 a finalement été posé à la naissance de l'enfant ChristelleD.... Mme H...D...ainsi que les frères et la soeur de Christelle D...demandent à être indemnisés des préjudices moraux ayant résulté pour eux des fautes qui ont concouru à la naissance de cet enfant gravement handicapé.
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. / La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale " ;
3. Il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas sérieusement contesté, que les services de l'AP-HP n'ont commis aucune faute dans le suivi de la grossesse de Mme D...et qu'ils ont notamment effectué, alors que le test en cause n'impliquait pas nécessairement la réalisation d'une amniocentèse, tous les examens requis du fait du risque accru de trisomie 18 révélé par ce test. Il s'ensuit que rien dans l'action des services de l'AP-HP n'est susceptible de recevoir la qualification de faute caractérisée au sens des dispositions précitées.
4. Toutefois, une femme enceinte doit, par principe et pour autant que faire se peut, être mise en situation de décider elle-même en toute connaissance de cause des choix qui peuvent déterminer la suite de sa grossesse et doit ainsi recevoir une information loyale sur les examens qui peuvent permettre de déceler les affections graves dont pourrait être atteint l'embryon ou le foetus. Rien ne saurait autoriser l'hôpital qui dispose d'éléments, quelle qu'en soit l'origine, susceptibles d'éclairer la décision de l'intéressée à lui celer ces éléments. Il en va ainsi lors même qu'il pourrait apparaître, de prime abord, que, compte tenu notamment des choix faits antérieurement ou d'intentions qu'elle a pu exprimer, ces éléments ne seraient pas de nature à influer sur sa décision ;
5. Il suit de ce là que les services de l'AP-HP, auxquels le laboratoire chargé du test de dépistage sérique avait indiqué qu'un test supplémentaire réalisé dans le cadre d'un protocole expérimental avait révélé un risque accru de trisomie 18, ont manqué à leur obligation d'information en ne portant pas ce résultat à la connaissance de Mme D...et qu'ils ne pouvaient s'exonérer de cette obligation aux motifs que le laboratoire leur avait indiqué que ce résultat ne définissait pas d'indication d'amniocentèse et que Mme D...avait refusé a priori l'amniocentèse recommandée pour le dépistage de la trisomie 21 ;
6. C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont jugé qu'il avait été ainsi porté atteinte au droit de Mme D...de décider elle-même de l'éventuelle réalisation d'une amniocentèse aux fins de dépistage de la trisomie 18 et qu'ils ont condamné l'AP-HP à réparer le préjudice qui a résulté de l'atteinte à ce droit; qu'il y a lieu de confirmer l'appréciation qu'ils ont porté sur l'ampleur de ce préjudice particulier, de nature moral et qui est propre à MmeD..., en fixant à 30 000 euros la somme qu'il convenait de mettre à ce titre à la charge de l'AP-HP.
7. En revanche, rien, en l'espèce, ne permet de déterminer, soit objectivement, soit en faisant des conjectures raisonnables sur son comportement, ce qu'aurait pu être la réaction de Mme D...si le résultat du test lui avait été communiqué. Alors qu'ainsi que dit ci-dessus, elle avait manifesté son refus de cet examen eu égard aux risques de fausse couche qu'il présente lorsqu'il s'était agi de détecter la trisomie 21 et par ailleurs que l'examen qui s'imposait, et qui fut réalisé, l'échographie morphologique, n'avait révélé aucune anomalie révélatrice d'une trisomie 18, il est tout à fait impossible de se livrer à une appréciation de la probabilité de son éventuel choix de la réalisation, pour écarter totalement les risques de trisomie 18, d'une amniocentèse dont le laboratoire avait expressément indiqué qu'elle ne s'imposait pas. Dans ces conditions, on ne saurait prétendre faire raisonnablement une hypothèse de perte de chance pour apprécier la part des conséquences dommageables de la naissance de l'enfant handicapé qui serait susceptible d'être mise à la charge de l'AP-HP.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que tant la requête des consorts D...que les conclusions présentées par l'AP-HP doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les consorts D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme H...F..., épouseD..., Mme B...D..., M. E... D...et M. A...D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'appel incident de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...F...épouseD..., à Mme B...D..., à M. E... D..., à M. A... D..., à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 février 2019.
L'assesseur le plus ancien,
Ch. BERNIERLe président-rapporteur,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA00183