Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts dûment capitalisés, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ainsi que son épouse et leurs trois enfants mineurs, du fait du retrait illégal de sa carte de résident par arrêté du préfet de police du 25 avril 2014.
Par un jugement n° 1620461 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son placement sous récépissé de demande de carte de séjour pendant deux années suivi du retrait illégal de sa carte de résident constituent des fautes qui engagent la responsabilité de l'Etat ;
- l'irrégularité de son séjour entre le 25 avril 2014 et le 13 avril 2015 lui a occasionné un préjudice moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence, tenant, outre des frais de timbres fiscaux liés à la délivrance d'un nouveau titre de séjour, à la faillite de son commerce, à l'expulsion de son logement, à des difficultés conjugales et au refus de renouvellement des documents de circulation pour ses enfants mineurs ;
- son préjudice moral s'est trouvé accru du fait que le préfet de police n'a pas exécuté le jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 juin 2015, notamment en ce que sa demande de renouvellement de sa carte de résident n'a pas été réexaminée.
Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, entré en France en 2001, a été mis en possession, le 19 septembre 2002, suite à son mariage avec Mme R., de nationalité française, d'une carte de résident en qualité de conjoint de Français, valable jusqu'au 18 septembre 2012. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 28 novembre 2012 et a été placé sous récépissé de demande de carte de séjour à compter de cette dernière date jusqu'au 4 mars 2014. Par un arrêté du 25 avril 2014, le préfet de police a retiré la carte de résident de M. B..., au motif que celle-ci avait été obtenue par lui frauduleusement. Par un jugement du 10 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris, constatant que la fraude n'était pas établie, a annulé cette décision de retrait. Le 16 juin 2015, M. B... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", valable du 13 avril 2015 au 12 avril 2016, qui a été renouvelée. Par une lettre réceptionnée le 17 août 2016, M. B... a demandé au préfet de police de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait du retrait illégal de sa carte de résident, à hauteur d'une somme globale de 20 000 euros. Le préfet de police a rejeté implicitement cette demande. M. B... relève appel du jugement du 22 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser cette somme.
Sur la responsabilité :
2. En premier lieu, M. B..., qui entend se prévaloir, à l'appui de sa demande de condamnation de l'Etat, de ce qu'il a été placé sous récépissé de demande de carte de séjour entre le 28 novembre 2012 et le 4 mars 2014, soit pendant un an et trois mois environ et non pendant près de deux ans comme il le soutient, doit être regardé comme invoquant une faute tenant à la durée anormalement longue de l'instruction de sa demande. Toutefois, en admettant même que la durée de cette instruction, que le préfet de police ne justifie pas, soit fautive, M. B... ne fait en tout état de cause état d'aucun préjudice relatif à cette période.
3. En second lieu, M. B... soutient que le préfet de police, en prenant à son encontre, le 25 avril 2014, une décision illégale de retrait de sa carte de résident, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, laquelle a eu pour conséquence l'irrégularité de son séjour entre le 24 avril 2014 et le 13 avril 2015, qui lui a occasionné différents préjudices.
4. Il résulte de l'examen de l'arrêté du 25 avril 2014 que, par celui-ci, le préfet de police a entendu, d'une part, procéder au retrait de la carte de résident de M. B..., mais également, d'autre part, rejeter, implicitement mais nécessairement, sa demande de renouvellement de sa carte de résident, dès lors que ledit arrêté mentionne, dans son article 2, que la situation administrative de M. B... " sera étudiée... dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce, compte tenu de sa nouvelle situation familiale sur le territoire français ". Or, par le jugement précité du 10 juin 2015, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris n'a annulé l'arrêté du 25 avril 2014 qu'en tant qu'il avait procédé au retrait de la carte de résident de M. B... et non en tant qu'il avait rejeté sa demande de renouvellement de sa carte de résident. En outre, saisi par M. B... d'une demande d'exécution de ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 8 février 2017, également devenu définitif, estimé que le jugement du 10 juin 2015 n'impliquait pas que le préfet se prononce à nouveau sur le droit de M. B... à se voir délivrer une carte de résident. Il résulte de ce qui précède que l'irrégularité du séjour de M. B... entre le 24 avril 2014 et le 13 avril 2015 n'est pas la conséquence de l'illégalité fautive de l'arrêté du 25 avril 2014 tenant à ce que le préfet de police lui a retiré sa carte de résident, qui n'a pas eu de conséquences directes sur le droit au séjour de l'intéressé postérieurement à la date d'expiration de cette carte. Par suite, en l'absence d'un lien de causalité direct entre cette illégalité et l'irrégularité du séjour de M. B... entre le 24 avril 2014 et le 13 avril 2015, ce dernier n'est pas fondé à demander réparation des préjudices qu'il invoque.
5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de première instance présentées par M. B... au nom de son épouse, que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 15 février 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA00589