Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MAD assistance a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 18 décembre 2017 par laquelle le directeur général de la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) a dénoncé, avec effet au 23 mars 2018, la convention " transport des enfants handicapés, des adultes handicapés et des adultes en perte d'autonomie " conclue dans le cadre du régime d'aides en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte d'autonomie.
Par un jugement n° 1800015 du 27 avril 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018, la société MAD assistance, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800015 du 27 avril 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur général de la CAFAT en date du 18 décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la CAFAT la somme de 420 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont décliné la compétence de la juridiction administrative dès lors que la décision en litige a été prise par la CAFAT, organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, qu'elle exerce une prérogative de puissance publique en refusant de conclure une convention obligatoire pour la gestion du régime handicap et perte d'autonomie, en vertu des dispositions combinées des articles Lp. 32, 35 et 36 de la loi du pays du 7 janvier 2009 ; à tout le moins, la convention conclue est un contrat de droit administratif, dès lors qu'elle comporte une clause exorbitante du droit commun en ce que le non-renouvellement de la convention fait obstacle à l'exercice d'une activité économique réglementée ; enfin, la décision de non-renouvellement constitue une résiliation déguisée, sanction dont il appartiendra à la juridiction administrative de connaître ; aucune attribution législative de compétence au juge judiciaire en la matière n'est en vigueur en Nouvelle-Calédonie ;
- à supposer la résiliation possible, seul le conseil d'administration de la CAFAT aurait pu la prononcer ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit ; la CAFAT, simple délégataire de la gestion financière du régime, est tenue de conclure une convention avec un prestataire si ce dernier est désigné dans la décision relative au plan d'accompagnement personnalisé du bénéficiaire et si le prestataire est agréé ; elle ne dispose à cet égard, selon l'article Lp. 33 de la loi du pays du 7 janvier 2009, que de la possibilité de vérifier les déclarations des bénéficiaires, ou de recouvrer les prestations indûment perçues, en vertu de l'article Lp. 22-3 de la même loi, mais seule la Nouvelle-Calédonie peut procéder au retrait de l'agrément du prestataire ;
- la décision attaquée est entachée d'un détournement de procédure et de pouvoir dès lors qu'elle n'est motivée que par la volonté de faire échec aux jugements du Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie rendus sur les précédentes décisions de résiliation de la même convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, la CAFAT, représentée par la Selarl d'avocats Royanez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société MAD assistance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la demande tendant à l'annulation de la décision de non-renouvellement de la convention en cause qui n'est pas la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique puisque la possibilité prévue par la convention de ne pas la reconduire, ouverte aux deux parties, n'est pas une clause exorbitante du droit commun ; en l'absence d'une telle clause et de mise en oeuvre de prérogative de puissance publique, le contentieux né d'une convention liant un organisme de sécurité sociale et un prestataire de service relève de la compétence de la juridiction judiciaire, tant en métropole qu'en Nouvelle-Calédonie ; enfin, ayant l'intention de rompre ses relations contractuelles avec la société MAD assistance, la CAFAT a fait l'usage normal de sa possibilité de dénoncer la convention pour mettre fin à sa tacite reconduction ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société MAD assistance à l'encontre de la décision du 18 décembre 2017 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie,
- la loi du pays n° 2009-2 du 7 janvier 2009 portant création d'un régime d'aides en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte d'autonomie,
- la délibération n° 453 du 8 janvier 2009 fixant les conditions de délivrance des aides du régime en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte d'autonomie,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, la société MAD assistance demande l'annulation du jugement du 27 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le directeur de la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) a dénoncé la convention " accompagnement de vie " qui les liaient.
2. La loi du pays du 7 janvier 2009 susvisée institue un régime d'aides en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte d'autonomie, comportant notamment une aide à l'accompagnement de vie, prévue à l'article 19 de cette loi, et une aide au transport, prévue à l'article 27 de cette loi. Les prestations de ce régime sont accordées par le conseil du handicap et de la dépendance tandis que leur versement, ainsi que la gestion financière et comptable du régime et le contrôle des bénéficiaires, sont confiés à la CAFAT, organisme de droit privé chargé d'assurer les missions de sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie.
3. En vertu de l'article 36 de cette même loi, l'aide à l'accompagnement de vie et l'aide au transport sont versées directement au prestataire. L'article 35 dispose en outre que : " ( ..) le prestataire d'aide à l'accompagnement de vie mentionné à l'article 19 ainsi que les services de transport privés adaptés mentionnés à l'article 27 s'engagent à respecter une grille de tarifs. / Cet engagement est précisé dans des conventions conclues avec la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie selon des modalités fixées par délibération du congrès ".
4. L'article 33 de la délibération susvisée du 8 janvier 2009 fixant les conditions de délivrance des aides du régime en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte d'autonomie dispose que : " Les conventions prévues à l'article 35 de la loi du pays n° 2009-2 susvisée et conclues entre la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie et l'établissement, la famille d'accueil, la structure spécialisée, le dispositif spécifique, le service ou le prestataire concerné précisent : - les tarifs applicables, - les prestations délivrées, - les engagements réciproques, - les modalités de paiement. / Ces conventions sont transmises pour avis au conseil du handicap et de la dépendance qui dispose d'un délai d'un mois pour répondre. / Une copie des conventions signées est adressée pour information aux services compétents de la Nouvelle-Calédonie et au service provincial compétent ".
5. En application des dispositions précitées de l'article 35 de la loi du pays du 7 janvier 2009 et de l'article 33 de la délibération du 8 janvier 2009, la société MAD assistance, spécialisée dans l'aide à domicile, et la CAFAT ont conclu le 16 avril 2010 deux conventions " accompagnement de vie " et " transport ", d'une durée d'un an reconductible tacitement, sauf dénonciation ou résiliation par l'une des parties. A la suite d'un contrôle de l'activité de la société qui aurait fait apparaître des versements indus et le non-respect des termes de ces conventions, le directeur de la CAFAT a décidé le 22 décembre 2016 puis le 28 septembre 2017 de résilier avant leur terme les conventions en cause. Après l'annulation par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de ces deux décisions de résiliation, le directeur de la CAFAT, par la décision du 18 décembre 2017, a informé la société MAD assistance de ce qu'il dénonçait ces conventions, s'opposant ainsi à leur tacite reconduction à leur échéance.
6. Les conventions en cause ont pour objet d'organiser les modalités pratiques et financières selon lesquelles la société MAD assistance assure des prestations dans le cadre des aides accordées sur décisions du conseil du handicap et de la dépendance ainsi que les modalités selon lesquelles elle obtient le paiement par la CAFAT du montant des aides qui lui revient. En concluant avec une entreprise de telles conventions, qui au demeurant ne comportent pas de clause exorbitante du droit commun, la CAFAT ne met pas en oeuvre de prérogative de puissance publique et n'agit que pour son propre compte. Ces conventions, conclues entre deux personnes morales de droit privé, ne font ainsi naître entre les parties que des rapports de droit privé. La décision de ne pas renouveler ces conventions ne se rattache elle-même pas à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Dans ces conditions, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître du présent litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société MAD assistance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CAFAT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société MAD assistance demande au titre des frais de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la CAFAT sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société MAD assistance est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CAFAT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CAFAT et à la société MAD assistance.
Copie en sera adressée à la ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2019.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
I. LUBENLe greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02614