Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2017, l'association FMC Radio, représentée par Me Blondel, demande à la Cour :
1°) de désigner avant dire droit un huissier de justice ou un expert aux fins d'effectuer un état des lieux du site d'émission de Villers-Saint-Paul (Oise) et de rechercher les risques éventuels de perturbation avec le service de radio Mangembo FM émis depuis Melun (Seine-et-Marne) et de préconiser, le cas échéant, les mesures utiles relatives aux puissances apparentes rayonnées à mettre en oeuvre pour éviter les risques mentionnés par le comité territorial de l'audiovisuel de Paris et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et en particulier les perturbations susmentionnées ;
2°) de réformer la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle a formé le 22 mai 2017 contre la décision du comité territorial de l'audiovisuel de Paris du 29 mars 2017 rejetant sa demande de changement de site sur la zone de Creil (Oise) ;
3°) de l'autoriser à émettre son programme radiophonique Evasion Oise sur le site de Villers-Saint-Paul ;
4°) de réserver l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) s'est fondé, pour prendre la décision attaquée, sur des études techniques qui ne lui ont pas été communiquées ; elle n'a pas pu en débattre avec le CSA ;
- les décisions du comité territorial de l'audiovisuel (CTA) de Paris et du CSA ne reposent sur aucune prescription légale ;
- le CSA a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'émission de son programme radiophonique depuis le site de Villers-Saint-Paul entraînerait des perturbations dans la réception du service de radio Mangembo FM dès lors qu'aucune perturbation n'a été signalée quand elle utilisait l'émetteur de Saint-Maximin qui est pourtant situé plus près de Melun que l'émetteur de Villers-Saint-Paul situé à 8 km plus au nord et que dans l'éventualité d'interférence, il sera possible d'atténuer la puissance apparente rayonnée en fonction des azimuts ;
- l'autorisation d'émettre de la radio Evasion Oise a été renouvelée en janvier 2017 et toutes les caractéristiques techniques, dont la puissance apparente rayonnée, ont été définies dans cette autorisation ;
- le changement d'émetteur n'entraînerait pas une augmentation de la couverture de la population dès lors que le site de Villers-Saint-Paul dessert le même bassin de population que celui de Saint-Maximin et qu'il est également utilisé par une radio locale comparable à la radio Evasion Oise ;
- la décision du 18 janvier 2017 portant reconduction de l'autorisation qui lui a été délivrée pour l'exploitation du service de radio Evasion Oise de catégorie B sera conforme à la loi même en cas de changement de site d'émission.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
A titre principal,
- la requête est irrecevable dès lors que les conclusions tendant à la réformation de sa décision relèvent du plein contentieux ;
A titre subsidiaire,
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 8 février 2018, l'association FMC Radio persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.
Elle demande à la Cour de compléter la mission de l'huissier de justice ou de l'expert en leur ordonnant d'effectuer une expérimentation sur le site d'émission de Villers-Saint-Paul à tout le moins, de désigner avant dire droit, sur le fondement de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner au litige.
Elle soutient en outre :
- à titre principal, que l'ensemble des conclusions de sa requête est recevable ;
- à titre subsidiaire, que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du CSA ainsi que celles à fin de désignation d'un huissier de justice ou d'un expert sont recevables ;
- la décision en litige est fondée sur une seule étude théorique qui ne saurait résister à un examen technique sur le terrain ;
- aucune perturbation n'a été signalée avec le service de radio Mangembo FM alors que le service de radio Evasion Oise est émis depuis le site de Villers-Saint-Paul depuis le démontage pour raison de sécurité du site de Saint-Maximin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel maintient ses conclusions et ses moyens.
Il soutient, en outre, que :
- la demande tendant à ce qu'il soit procédé à une étude technique sur le terrain doit être rejetée dès lors que cette mesure serait frustratoire, l'association requérante ne fournissant pas au juge d'éléments de contestation sérieux justifiant qu'il soit nécessaire d'y recourir ;
- l'instruction de la demande a été conduite par les services du CTA et du CSA et a pris la forme de simulations de propagation des ondes électromagnétiques par des outils informatiques ; cette étude, qui s'appuie sur les données concrètes issues du terrain, démontre les interférences entre les deux services de radios en cause ; il n'est pas possible de limiter la puissance apparente rayonnée sans remettre en cause la couverture du service de radio Evasion Oise ;
- l'association requérante ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...substituant Me Blondel, avocat de l'association FMC Radio.
Considérant ce qui suit :
1. L'association FMC Radio, qui dispose d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Evasion Oise depuis une décision du 24 juillet 2007 reconduite par des décisions du 8 février 2012 et 18 janvier 2017, a sollicité du comité territorial de l'audiovisuel de Paris l'autorisation de changer de site d'émission dans la zone de Creil. Sa demande a été rejetée par une décision du 29 mars 2017. Par une décision du 12 juillet 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle a formé le 22 mai 2017 contre cette décision. Par la présente requête, l'association FMC Radio demande à la Cour de réformer la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Sur la fin de non-recevoir opposée par le CSA tirée de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la réformation de sa décision du 12 juillet 2017 :
2. L'association FMC Radio qui demande à la Cour de réformer la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le CSA a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle a formé le 22 mai 2017 contre la décision du comité territorial de l'audiovisuel de Paris du 29 mars 2017 rejetant sa demande de changement de site sur la zone de Creil (Oise) doit être regardée comme demandant l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du CSA du 12 juillet 2017. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CSA doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du CSA du 12 juillet 2017 :
3. L'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise, dans le respect des traités et accords internationaux signés par la France, l'usage des bandes de fréquences ou des fréquences attribuées ou assignées à des usages de radiodiffusion. Il contrôle leur utilisation. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires. ". Aux termes de l'article 25 de la même loi : " L'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et concernant notamment : 1° Les caractéristiques des signaux émis et des équipements de transmission et de diffusion utilisés ; 1° bis Les conditions techniques du multiplexage et les caractéristiques des équipements utilisés ; 2° Le lieu d'émission ; 3° La limite supérieure et, le cas échéant, inférieure de puissance apparente rayonnée. En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour appréhender la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée ; 4° La protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications. (...) Le conseil peut soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières, en fonction notamment de la rareté des sites d'émission dans une région. (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que le CSA définit les conditions techniques, en particulier celles tenant au lieu d'émission, à la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée et à la protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications, dans lesquelles le service radio Evasion Oise peut être diffusé.
5. L'association FMC Radio soutient que le CSA a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'émission de son programme radiophonique depuis le site de Villers-Saint-Paul (Oise), situé à quelques kilomètres plus au nord de l'ancien site d'émission de Saint-Maximin, entraînerait des perturbations dans la réception du service de radio Mangembo FM situé à Melun (Seine-et-Marne) et qu'en tout état de cause, dans une telle hypothèse, il serait possible d'atténuer la puissance apparente rayonnée de la nouvelle antenne émettrice. L'état de l'instruction ne permet toutefois pas à la Cour de statuer sur ce moyen. En conséquence, il y a lieu d'ordonner avant dire droit un supplément d'instruction aux fins pour le CSA, dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, de produire tous éléments, autres que la fiche de synthèse du 13 février 2017 établie de manière théorique à partir de simulations informatiques de propagation des ondes électromagnétiques déjà versée au dossier, de nature à établir que l'émission du service radio Evasion Oise depuis le site de Villers-Saint-Paul (Oise) créerait un brouillage de la réception du service de radio Mangembo FM émis depuis le site de Melun situé à une centaine de kilomètres.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de l'association FMC Radio dirigées contre la décision du 12 juillet 2017 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, procédé par ce conseil à la mesure d'instruction dont l'objet est défini au point 5 des motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour l'exécution de la mesure d'instruction prescrite à l'article 1er ci-dessus, un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Toutes conclusions et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association FMC Radio et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03124