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07/02/2019 | FRANCE | N°17PA03294

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 février 2019, 17PA03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'

Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1713994/8 du 29 septembre 2017, la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 août 2017 du préfet de police, d'autre part, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin, mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2017, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1713994/8 du 29 septembre 2017 de la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a jugé à tort qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire jouer la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. C...en première instance, il entend conserver l'entier bénéfice de ses écritures présentées devant le Tribunal administratif de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, M.C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, demande à la Cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeA..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la circonstance qu'une attestation de demande d'asile lui a été délivrée fait obstacle à l'annulation du jugement du 29 septembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

- l'arrêté du 4 août 2017 du préfet de police méconnaît les dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les autorités bulgares ont été saisies d'une demande de reprise en charge avant l'enregistrement de sa demande d'asile ;

- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas le critère ayant permis de déterminer l'Etat responsable de sa demande d'asile ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ;

- il méconnaît l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le nom et les coordonnées de l'interprète qui l'a assisté lors de l'entretien ne figurent ni sur le compte rendu d'entretien ni sur les autres documents qui lui ont été remis ;

- il méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte de l'Union européenne dès lors qu'il existe des défaillances systémiques au niveau de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie comme en témoigne les mauvais traitements dont il a été victime ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté prévue par les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 et de l'article 17 du même de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dalle a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant pakistanais né le 4 février 1997 au Pakistan, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 mars 2017 selon ses déclarations. Il s'est présenté le 27 mars 2017 au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police de Paris. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 2 décembre 2016. Le 29 mars 2017, le préfet de police a adressé aux autorités bulgares une demande de reprise en charge de M. C...en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Par une décision du 12 avril 2017, les autorités bulgares ont accepté la reprise en charge de M.C.... Par un arrêté en date du 4 août 2017, le préfet de police a décidé de remettre M. C...à ces autorités. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 septembre 2017, par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'aide juridictionnelle :

2. M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 avril 2018. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :

3. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

4. M. C...fait valoir que le préfet de police aurait dû faire application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 en raison des sévices et violences dont il fait l'objet en Bulgarie et de son état de santé. Toutefois, en se bornant à produire un certificat médical faisant état d'un lumbago, l'intéressé n'établit ni que son transfert en Bulgarie entraînerait pour lui un risque réel et avéré d'une détérioration de son état de santé ni que ce lumbago a pour origine des actes de violence commis par les services de police bulgares alors qu'il a déclaré avoir traversé successivement l'Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Croatie, la Serbie, la Slovénie et l'Italie. Le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris ne pouvait dès lors retenir le moyen tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté du 4 août 2017 décidant le transfert de M. C...aux autorités bulgares.

5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M.C... :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2017-00804 du 24 juillet 2017, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er août 2017, le préfet de police a donné à M. E... F..., adjoint au chef du 10ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait.

7. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

10. L'arrêté préfectoral du 4 août 2017 portant transfert de M. C...aux autorités bulgares vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le règlement (CE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise notamment que M. C...est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que les autorités bulgares ont accepté le 12 avril 2017 de le reprendre en charge en application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 dudit règlement. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet de police a examiné la situation de M. C...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. C...aux autorités bulgares est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...). 4 L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

12. D'une part, il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a bénéficié de tels entretiens le 27 mars 2017 et le 13 juin 2017. Si l'intéressé reproche au résumé de ces entretiens de ne pas mentionner l'identité de l'agent les ayant conduits, une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement n° 604/2013. Dans ces conditions, et sans autres précisions de la part de M. C...quant aux garanties dont il aurait été privé lors de cet entretien, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. C...a bénéficié lors des entretiens individuels du 27 mars 2017 et du 13 juin 2017, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue ourdou de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Si le nom et les coordonnées de l'interprète n'ont pas été indiquées par écrit au requérant, l'omission de telles indications ne saurait être regardée comme ayant privé M. D... d'une garantie et n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de l'arrêté litigieux. Il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que ces entretiens auraient été conduits en méconnaissance des garanties de confidentialité.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 20 du règlement du 26 juin 2003 : " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) ". Aux termes de l'article 24 de ce règlement : " Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013 : " En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. /En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque : / (...) b) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger; (...) ".

15. M. C...soutient que le préfet de police ne pouvait entamer le processus de détermination de l'Etat membre responsable avant l'enregistrement de sa demande d'asile sans méconnaitre les dispositions de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...aurait, lorsqu'il s'est rendu le 27 mars 2017 au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police de Paris, rempli un formulaire de demande d'asile ou manifesté la volonté de présenter une telle demande. Toutefois, le préfet de police pouvait légalement, en application du b) du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013, vérifier le jour même, par le biais d'une comparaison des empreintes dactyloscopiques de M.C..., si l'intéressé n'avait pas introduit une demande de protection internationale dans un autre Etat membre dès lors que celui-ci séjournait irrégulièrement sur le territoire français et s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine. Le résultat de cette comparaison ayant révélé que M. C...avait sollicité l'asile le 2 décembre 2016 en Bulgarie, le préfet de police pouvait légalement, conformément aux dispositions de l'article 24 du règlement n° 604/2013, adresser aux autorités bulgares une demande de reprise en charge de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait procéder dès le 27 mars 2017 à la détermination de l'Etat membre responsable sans avoir préalablement enregistré la demande d'asile de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

17. Les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 4 août 2017 n'a pas été traduit ni notifié à M. C...par l'intermédiaire d'un interprète en langue ourdou et n'indique pas qu'il a le droit de faire avertir son consulat doit être écarté.

18. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que les autorités bulgares, saisies le 29 mars 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions du b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ont expressément fait droit à cette demande le 12 avril 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne justifie pas de l'accord des autorités bulgares à la demande de reprise en charge ne peut qu'être écarté.

19. En septième lieu, aux termes qu'aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2003 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné (...) 5. L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable (...) ".

20. M. C...soutient que l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que la France serait responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu des dispositions précitées de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. C...ont été relevées en Bulgarie le 2 décembre 2016 lors du dépôt d'une demande d'asile et que, dans ces conditions, la Bulgarie était l'Etat membre responsable en vertu du paragraphe 5 de l'article 20 du même règlement. Par suite, le moyen doit être écarté.

21. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

22. La Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C...n'établit pas, en produisant différents documents émanant de plusieurs organisations non gouvernementales, tels que le rapport de l'organisation allemande Pro Asyl, de décembre 2015, intitulé " Humiliated, ill-treated and without protection - refugees and asylum seekers in Bulgaria ", le rapport annuel d'Amnesty International pour l'année 2015-2016 et pour l'année 2016-2017, les alertes de l'organisation non gouvernementale Bulgarian Helsinki Committee des 29 octobre 2015 et 15 mars 2016 et le rapport de Médecins sans frontières du 4 octobre 2017 intitulé " Games of violence ", qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie. En outre, s'il soutient avoir été victime de violences policières lors de son arrestation en septembre 2016 à la frontière entre la Serbie et la Bulgarie et avoir été incarcéré avec des prisonniers de droit commun pendant 48 heures puis avec des demandeurs d'asile dans le centre de détention de Bustmansi, il ne l'établit pas. En particulier, la seule production d'un certificat médical faisant état d'un lumbago ne suffit pas à corroborer ses dires. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait à la date de l'arrêté contesté des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités bulgares, M. C...risquerait de subir des traitements contraires à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 4 août 2017. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M.C....

Article 2 : Le jugement n° 1713994/8 du 29 septembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

Le rapporteur,

D. DALLELe président,

C. JARDIN

Le greffier

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03294
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-07;17pa03294 ?
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