Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Security Management a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes enregistrées sous les numéros 1515609/1-2 et 1620187/1-2, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période couvrant l'année 2010, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2017, la société Security Management, représentée par Me Grosman, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1515609/1-2 et 1620187/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;
3°) de mettre une somme de 6 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service s'est fondé, pour établir le rappel et l'amende en litige, sur les éléments d'une procédure pénale ouverte à son encontre, qu'il a obtenus auprès de l'autorité judiciaire par l'exercice de son droit de communication ; or cette procédure n'a abouti à aucune condamnation ;
- le TGI de Paris a rendu le 6 mai 2015 un jugement de relaxe dans la procédure pénale engagée à son encontre et à l'encontre de sa dirigeante pour travail dissimulé ;
- les factures émises par la société Agana lui ont été réglées ;
- elle a rempli son devoir de vigilance à l'égard de son sous-traitant ;
- le contrat de sous-traitance n'avait pas à être renouvelé semestriellement, contrairement à ce que soutient le service ;
- la société Agana a respecté ses obligations déclaratives ;
- sa gérante n'a pas utilisé la possibilité d'utiliser le compte bancaire de la société Agana ; l'administration n'a pas produit la copie des chèques que sa gérante aurait établis à l'intention de ses salariés à partir du compte bancaire de la société Agana ;
- un autre de ses sous-traitants pratique un tarif horaire par agent inférieur à 11,50 euros HT ;
- la société Agana a d'autres salariés que ceux de la société Security Management ;
- la majoration pour manoeuvres frauduleuses est infondée ;
- s'agissant de l'amende de l'article 1737, l'administration n'a pas précisé quel paragraphe du I de l'article 1737 elle entendait appliquer ;
- si les factures émises par la société Agana sont fictives, l'amende doit être mise à la charge de cette société ;
- elle n'entre pas dans le champ des dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, relatives aux factures de complaisance : elle n'a pas cherché à dissimuler l'identité de son fournisseur sous-traitant et son intention frauduleuse n'est pas démontrée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Security Management, qui exerce une activité de sécurité et de gardiennage, a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010, 2011 et 2012, à l'issue de laquelle l'administration lui a notamment assigné un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant l'année 2010 et a mis à sa charge, au titre de l'année 2010, l'amende prévue par les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Elle relève appel du jugement en date du 6 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ce rappel, des pénalités dont il a été assorti et de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'administration s'est fondée, pour établir le rappel et l'amende en litige, sur les éléments d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de la société Security Management et de sa dirigeante, qu'elle a obtenus auprès de l'autorité judiciaire par l'exercice de son droit de communication, conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales. La circonstance que cette procédure n'ait abouti à aucune condamnation est sans incidence sur la régularité de la procédure de communication des renseignements détenus par l'autorité judiciaire.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
4. La société Security Management a déduit de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ses opérations imposables de l'année 2010, la taxe d'un montant de 108 586 euros facturée par son sous-traitant, la société Agana. S'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'administration fiscale que des factures régulières ont été établies par cette société, le service a toutefois relevé que la société Agana avait eu une existence éphémère, que, créée en juin 2006, elle avait fait l'objet d'une liquidation amiable en janvier 2011, que depuis sa création elle n'avait jamais déposé les déclarations DADS des données sociales récapitulant l'ensemble des salariés employés durant l'année ainsi que les rémunérations versées, que ses déclarations de cotisations sociales des années 2009 et 2010 indiquaient le chiffre " zéro " accompagné des mentions " pas d'activité en 2009/2010 ", qu'elle était défaillante dans ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006, 2007 et 2010 et en matière de TVA au titre des années 2006, 2007 et 2008, qu'elle avait déclaré un chiffre d'affaires nul en 2008 et en 2009, qu'au titre de l'année 2010, elle avait déposé une déclaration " CA 12 " ne mentionnant aucun chiffre d'affaires alors même qu'elle avait encaissé un montant TTC de 639 409 euros correspondant aux factures adressées à la société Security Management, que la gérante de la société Security Management avait la procuration sur les comptes bancaires de la société Agana et qu'en 2009 et 2010 des versements, par virements ou par chèques, avaient été effectués par celle-ci au profit de salariés de la société Security Management. Ces éléments sont suffisants pour établir que les prestations facturées par la société Agana n'ont pas été réalisées par elle mais par des salariés de la société Security Management et que celle-ci ne pouvait l'ignorer.
5. Pour contrebattre les éléments ainsi réunis par le service, la société Security Management se prévaut du jugement de relaxe rendu le 6 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Paris dans la procédure pénale engagée à son encontre et à l'encontre de sa dirigeante pour travail dissimulé. Ce jugement de relaxe, toutefois, n'est pas fondé sur des constatations de fait s'imposant au juge de l'impôt. S'agissant des éléments susmentionnés sur lesquels le service s'est fondé pour estimer que les factures émises par la société étaient de complaisance, le jugement ne contient pas de constatations de fait susceptibles de lier le juge de l'impôt. Par ailleurs, si la société requérante soutient qu'elle a effectivement réglé à la société Agana les factures établies par celle-ci, qu'elle a été vigilante à l'égard de ce sous-traitant en se faisant communiquer deux attestations sur l'honneur, que le contrat de sous-traitance passé avec la société Agana n'avait pas à être renouvelé, contrairement à ce que soutient le service, que la société Agana n'a pas été totalement défaillante au regard de ses obligations fiscales et que le tarif horaire par agent de 11,50 euros appliqué par la société Agana n'était pas anormalement bas, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations du service en ce qui concerne la nature de factures de complaisance des factures établies par la société Agana. Si la société Security Management fait valoir que l'administration n'a pas produit la copie des chèques que sa gérante aurait établis à l'intention de ses salariés à partir du compte bancaire de la société Agana, ce moyen doit être écarté dès lors que les sommes versées par la société Agana aux salariés de la société Security Management l'ont été par virements, du moins jusqu'en mai 2010 et que ces seuls paiements par virements constituent un indice sérieux que les factures émises par la société Agana étaient de complaisance. La société Security Management n'apporte aucun élément de nature à établir que, comme elle le soutient, la société Agana aurait eu d'autres salariés que ceux de la société Security Management.
6. Il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que les factures établies par la société Agana à l'intention de la société Security Management étaient de complaisance et que celle-ci ne pouvait l'ignorer. Elle était par suite en droit de rappeler la taxe d'un montant de 108 586 euros mentionnée sur ces factures.
Sur les pénalités :
7. Il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas mis en recouvrement la majoration pour manoeuvres frauduleuses notifiée dans la proposition de rectification du 20 décembre 2013. Le moyen tiré du caractère infondé de cette majoration doit, dès lors, être écarté.
8. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : /1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; /2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; /3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction ; /4. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une note en violation des dispositions de l'article 290 quinquies. /Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. /Les dispositions des 1 à 4 s'appliquent aux opérations réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle (...) " ;
9. Les dispositions du I de l'article 1737 sont citées intégralement dans le paragraphe de la proposition de rectification du 20 décembre 2013 consacré à la motivation des pénalités et celles du 1 du I, relatives aux factures de complaisance, sont surlignées en gras. Par ailleurs, dans le corps de la proposition de rectification, l'administration a clairement indiqué qu'elle regardait les factures établies par la société Agana comme des factures de complaisance. Le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas précisé quel paragraphe du I de l'article 1737 elle entendait appliquer doit, dès lors, être écarté.
10. La société Security Management soutient qu'elle n'entre pas dans le champ des dispositions précitées du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, relatives aux factures de complaisance, qu'elle n'a pas cherché à dissimuler l'identité de son fournisseur sous-traitant et que son intention frauduleuse n'est pas démontrée. Ce moyen ne peut qu'être écarté, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, aux points 3 à 6 du présent arrêt, et du rôle ainsi joué par la société requérante dans la dissimulation de l'identité réelle de ses fournisseurs.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Security Management n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Security Management est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Security Management et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique ouest).
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02329