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06/02/2019 | FRANCE | N°18PA03048

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 février 2019, 18PA03048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de vingt-quatre heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard ainsi que de réexam

iner sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de vingt-quatre heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard ainsi que de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1810869 du 7 août 2018, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018 le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 août 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de Mme E...au regard des stipulations des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- les autres moyens soulevés par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 novembre 2018, MmeE..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête du préfet de police et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne les critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît son droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'aucune brochure d'information ne lui a été remise dans une langue qu'elle comprend ;

- l'entretien individuel est irrégulier en l'absence d'une personne qualifiée, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du même règlement ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet ne lui ayant pas communiqué la requête aux fins de reprise en charge adressée aux autorités italiennes ;

- la décision en litige méconnaît l'article 3 du même règlement, l'Italie faisant face à une défaillance systémique ne permettant pas une prise en charge diligente de sa demande d'asile ;

- le préfet aurait dû examiner sa demande en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Julliard.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...E..., ressortissant somalienne né le 1er mai 1993, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 16 mai 2018. A la suite de la consultation du fichier Eurodac, elle a été identifiée comme ayant demandé l'asile en Italie le 5 septembre 2016. Le 21 mai 2018, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de réadmission à laquelle elles ont implicitement donné leur accord le 5 juin 2018. Le préfet de police a, par un arrêté du 19 juin 2018, décidé de transférer Mme E...aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande. Le préfet de police relève appel du jugement du 7 août 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier et Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable " et aux termes de l'article 17 du règlement précité : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet de police a décidé de transférer Mme E... aux autorités italiennes, la magistrate désignée a estimé que le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par les dispositions susmentionnées alors que

Mme E... établissait qu'il existait des risques que sa demande d'asile ne soit pas effectivement examinée en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'elle soit soumise à un traitement inhumain et dégradant.

4. Mme E...invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie du fait de l'afflux massif de demandeurs dans ce pays dont les capacités d'accueil seraient dépassées. Elle soutient également avoir subi un traitement inhumain et dégradant en Italie du fait de l'absence d'aide et d'hébergement fournis par les autorités italiennes l'ayant conduit à vivre dans un parc et poussé à quitter l'Italie pour la France. Toutefois, elle ne produit aucun élément permettant de corroborer ses déclarations et les documents d'ordre général qu'elle produit, consistant notamment en des articles de presse et un rapport de l'OSAR (Organisation suisse d'aide aux réfugiés) datant du mois d'août 2016, portant sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes, qui ont implicitement donné leur accord à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ces documents ne permettent pas non plus d'établir que Mme E...encourrait en Italie un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ne pouvait retenir le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé pour annuler l'arrêté du 19 juin 2018 portant remise de Mme E...aux autorités italiennes.

5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par MmeE... :

6. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...). "

7. Mme E...soutient, en premier lieu, que la décision en litige ne permet pas d'identifier l'auteur de la décision, le nom et le prénom du signataire de l'arrêté contesté étant illisibles. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été signée par Mme B...A..., adjointe au chef du 12ème bureau de la Direction de la police générale de la préfecture de police de Paris, comme en atteste l'ampliation produit par le préfet de police. Il ressort de l'instruction que la signataire avait reçu à cet effet délégation du préfet par un arrêté du 29 mai 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police de Paris. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

9. Mme E...soutient, en deuxième lieu, que le préfet n'ayant pas suffisamment motivé sa décision, elle n'a pas pu comprendre les motifs permettant de déclarer l'Italie comme l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Toutefois, l'arrêté contesté, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que Mme E...est entrée irrégulièrement en France, qu'elle a sollicité son admission au titre de la protection internationale le 16 mai 2018, qu'à la suite de la consultation du fichier Eurodac, effectuée conformément au règlement (UE) n° 603/2013, il est apparu que ses empreintes avaient été enregistrées le

5 septembre 2016 en Italie où elle a sollicité une première demande d'asile, que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et qu'en conséquence, au regard des articles 3 et 18, 1, b), du règlement (UE) n° 604/2013 les autorités italiennes devaient être regardées comme responsable de sa demande d'asile, que dès lors, le

21 mai 2018, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de réadmission à laquelle elles ont implicitement donné leur accord le 5 juin 2018, que sa situation ne relève pas des dispositions dérogatoires des articles 3.2 et 17 du règlement précité, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'enfin l'intéressée n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. L'arrêté litigieux énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police a fondé sa décision. Par suite, il est suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ces stipulations doit se voir remettre, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement et constitue une garantie dont la méconnaissance est de nature à entacher d'illégalité la décision ordonnant la remise de l'intéressé à l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile.

12. Mme E...soutient, en troisième lieu, qu'elle aurait dû se voir remettre la brochure commune dans une langue qu'elle comprend dès l'enregistrement de sa demande d'asile et que le préfet ne justifie pas lui avoir remis les brochures regroupant les informations précitées dans une langue qu'elle comprend. Or, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'apposition de la signature de l'intéressée sur les copies des couvertures de chacun des documents, qu'elle a reçu le 16 mai 2018, soit le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, les deux brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne -Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", en langue somali. Si le guide d'accueil du demandeur d'asile lui a été remis en langue anglaise le même jour, Mme E...confirme cependant avoir compris les informations identiques délivrées en somali lors de son entretien individuel du 16 mai 2018 au cours duquel elle a été assistée d'un interprète en langue somali et il a ainsi pu être vérifié qu'elle avait correctement compris les informations dont elle devait avoir connaissance avant la décision de transfert prise par le préfet de police le 19 juin 2018. Enfin, elle a disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant que le préfet de police ne décide son transfert aux autorités italiennes et pour formuler des observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. [...] 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. [...]. ".

14. Mme E...soutient, en quatrième lieu, que le compte-rendu de l'entretien individuel n'indique pas l'identité et la qualité de l'agent ayant effectué l'entretien ni le nom de l'interprète qui l'assistait et ne permet pas d'attester que l'entretien individuel a été effectué dans une langue qu'elle comprend. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé de l'entretien individuel produit par le préfet de police devant le Tribunal administratif de Paris que la requérante a été reçue à la préfecture de police de Paris le 16 mai 2018 par un agent agissant au nom du préfet, pour un entretien préalable à l'adoption de l'arrêté attaqué. Or, la qualité d'agent de la préfecture suffit à établir sa compétence. Il ressort également des termes du résumé de l'entretien qu'il a été mené avec l'assistance d'un interprète en langue somali, langue que le préfet de police pouvait raisonnablement penser que Mme E...comprenait, comme indiqué au point 7 qu'elle a pu y présenter des observations orales sur la procédure de transfert et faire valoir tous éléments quant à sa situation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2003 du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. / La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de reprise en charge. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2. " et aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. "

16. Mme E...soutient, en cinquième lieu, que le préfet de police ne justifie pas avoir saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission conformément aux dispositions précitées et que cette requête ne lui a pas été communiquée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police établit la réalité de la saisine des autorités italiennes en produisant un accusé de réception électronique daté du 15 juin 2018 délivré par l'application informatique " Dublinet ". Ce document mentionne en son intitulé la même référence FRDUB29930137905-750 que celle figurant sur le document non daté émis par les services de la préfecture de police et destiné aux autorités italiennes, constatant leur " accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " pour la prise en charge de la demande d'asile de MmeE.... Ce dernier document comporte la référence des autorités italiennes (IT 1 CR013X2) concernant ce dossier. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités, ayant fait naître leur accord implicite, est établie. Par ailleurs, si Mme E...soutient ne pas s'être vu communiquer la demande de reprise en charge adressée aux autorités italiennes, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'autorité préfectorale de communiquer à l'intéressée cette demande. De plus, il ressort du résumé de l'entretien individuel effectué le 16 mai 2018 que Mme E...a été informée du fait que la France allait engager à son encontre une procédure de reprise en charge par les autorités italiennes de sorte qu'elle ne démontre pas avoir été privée d'une garantie par l'absence de communication de la demande de reprise en charge. Le moyen tiré de l'absence de preuve de l'accord des autorités italiennes, au regard des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, doit être écarté.

17. Mme E...invoque, en dernier lieu, l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie du fait de l'afflux massif de demandeurs dans ce pays dont les capacités d'accueil seraient dépassées et pouvant conduire à un traitement inhumain et dégradant des intéressés. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 4, Mme E...n'établit pas que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

Sur les autres conclusions :

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 décidant la remise aux autorités italiennes de Mme E.... Par voie de conséquence, les conclusions de Mme E...présentées devant la Cour aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 août 2018 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 février 2019.

La rapporteure,

Mme JULLIARDLe président,

M. HEERS

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03048
Date de la décision : 06/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : AIT MEHDI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-06;18pa03048 ?
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