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06/02/2019 | FRANCE | N°17PA03717

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 février 2019, 17PA03717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de son obligation de payer résultant des neuf mises en demeure émises le 29 mai 2015 en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il était redevable au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un

jugement n° 1518615/2-1 du 10 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de son obligation de payer résultant des neuf mises en demeure émises le 29 mai 2015 en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il était redevable au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1518615/2-1 du 10 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 décembre 2017, 26 juillet 2018 et

12 septembre 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 octobre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et le versement d'une somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les frais de poursuite ne sont pas justifiés ;

- ils sont prescrits ;

- les avis à tiers détenteur du 2 août 2013 ne font pas mention d'intérêts moratoires ;

- les intérêts moratoires n'ont fait l'objet d'aucune mise en recouvrement ou de mise en demeure ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 1998 à 2000 mis en recouvrement en 2002 sont prescrits, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre l'avis de saisie du 4 avril 2003 et le commandement de payer du 8 août 2008 ;

- le procès-verbal de saisie du 23 mai 2006 n'a pas été notifié à son adresse ;

- le commandement de payer du 8 août 2008 n'a pas été régulièrement notifié ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2002 et 2003 mis en recouvrement en 2004, sont prescrits, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre la mise en recouvrement et l'avis à tiers détenteur émis le 6 avril 2010 ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2001 à 2003 mis en recouvrement en 2005 ayant fait l'objet de dégrèvements, il incombe à l'administration d'établir que les sommes qui lui sont réclamées tiennent compte de ce dégrèvement et que les frais de poursuite afférents aux sommes dégrevées ne lui sont pas réclamés ;

- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- les contributions sociales de l'année 2003 sont prescrites, 4 ans s'étant écoulés entre la date du jugement du 21 juin 2010 et la mise en demeure du 29 mai 2015 ;

- les avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 n'ont pas été notifiés à son adresse de Paris ;

- les mises en demeure du 12 décembre 2012 n'ont pas été régulièrement notifiés à l'étranger conformément aux dispositions des articles 683 et 684 du code de procédure civile ;

- la doctrine administrative prévoit que le juge se prononce sur la régularité d'un acte de poursuite aux fins de vérifier si celui-ci a pu valablement interrompre la prescription.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mai, 28 juin et 13 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à la prise en compte, en ce qui concerne les intérêts moratoires et frais de poursuite, des dégrèvements précédemment intervenus en matière de droits et pénalités, et pour le surplus, au rejet des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 octobre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Neuf mises en demeure valant commandement de payer ont été émises le

29 mai 2015 à l'égard de M. B...en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dues au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros.

M. B...relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces actes de poursuite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce qu'il incombait au service de prendre en compte, pour la détermination des " frais " dont l'intéressé était redevable, les dégrèvements dont ce dernier a bénéficié au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales des années 2001 à 2003 mis en recouvrement en 2005. Il y a par suite lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les sommes réclamées à

M. B...et relatives aux " frais " de recouvrement desdites impositions et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions correspondantes présentées devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur l'obligation de payer les sommes réclamées au titre des " frais " afférents aux impositions dégrevées :

3. L'administration a, à la demande de la Cour, fourni le détail des sommes réclamées à l'intéressé au titre des " frais ". Il résulte de ce détail, qui n'est pas contesté par le requérant, que la somme en cause est composée pour partie d'intérêts moratoires réclamés, sur le fondement de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, et relatifs à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales des années 2001 à 2003 mis en recouvrement en 2005 et pour partie de divers frais de poursuite. Le ministre admet qu'à hauteur de 99 058,25 euros, les intérêts moratoires sont relatifs à des impositions dont la présente Cour a, le 24 mai 2012, prononcé la décharge, et qu'il en est de même à hauteur de 2 784 euros en ce qui concerne les frais de poursuite. Il y a lieu en conséquence de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes.

Sur l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales établis au titre des années 1998 à 2000 ainsi que les frais y afférents :

4. M. B...fait valoir que le recouvrement des impositions susmentionnées est prescrit, les avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 n'ayant pas été notifiés à son adresse de Paris et les mises en demeure du 12 décembre 2012 n'ayant pas été régulièrement notifiées à l'étranger conformément aux dispositions des articles 683 et 684 du code de procédure civile.

5. L'article L. 274 du livre des procédures fiscales prévoit : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ".

6. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre que les avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 n'ont pas été notifiés à l'adresse que l'intéressé avait communiquée à l'administration. Ils n'étaient par suite pas susceptibles d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement.

7. L'article L. 258 A du livre des procédures fiscales prévoit : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 260, les poursuites prévues au 2 des articles L. 257-0 A et L. 257-0 B sont effectuées dans les formes prévues par le code de procédure civile pour le recouvrement des créances ". L'article 683 du code de procédure civile prévoit : " Sous réserve de l'application des règlements communautaires et des traités internationaux, la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires à l'étranger est faite par voie de notification ou de signification internationales dans les conditions prévues par la présente sous-section. ". L'article 684 du même code prévoit : " L'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement communautaire ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination. ". Si l'article R. 257 0 A du livre des procédures fiscales alors applicable prévoyait, s'agissant des mises en demeure préalables au premier acte de poursuite notifiées sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article L. 257 0 A du même livre, une notification selon la procédure prévue à l'article R. 256-6, soit par lettre recommandée avec avis de réception, les dispositions combinées des articles L. 258 A du livre des procédures fiscales et 683 et 684 du code de procédure civile exigent que les mises en demeure qui ont, comme en l'espèce, le caractère d'actes de poursuite, soient signifiées à parquet dès lors que le contribuable réside à l'étranger. Le ministre ne se prévaut pour sa part d'aucune notification ou signification de ces actes effectuée conformément aux stipulations d'une convention bilatérale entre le France et la Suisse, permettant de faire exception à cette règle. Dès lors qu'il est constant que les mises en demeure susmentionnées n'ont pas été signifiées à parquet, elles ne sauraient avoir un effet interruptif de prescription. Le ministre ne fait état d'aucun acte interruptif de prescription régulièrement notifié dans les quatre années ayant suivi la notification, le 11 août 2009, du commandement de payer du 6 août 2009. Les avis à tiers détenteurs du 17 juillet 2013, notifiés à l'adresse suisse de l'intéressé et revenus non réclamés au service, n'ont en tout état de cause pas non plus été signifiés à parquet. La prescription de l'action en recouvrement des impositions mentionnées ci-dessus était en conséquence acquise le 8 décembre 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 47 de la loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 qui ont porté à six ans le délai de prescription de l'action en recouvrement pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement. Les mises en demeure du 29 mai 2015 étaient par suite à cet égard relatives à des impositions prescrites. M. B...est dès lors fondé à demander la décharge de l'obligation de payer ces impositions ainsi que les frais y afférents.

Sur l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2002 et 2003 mis en recouvrement en 2004 ainsi que les frais y afférents :

8. M. B...fait valoir comme précédemment que le recouvrement des impositions susmentionnées est prescrit.

9. L'article L. 277 du livre des procédures fiscales prévoit : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent ". Les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement les 31 juillet et le 14 octobre 2004. La prescription de l'action en recouvrement a été, en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, suspendue entre le 16 décembre 2005, date de la réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, et la date du jugement du Tribunal administratif de Paris portant sur ces impositions. Les mises en demeure du 12 décembre 2012 et les avis à tiers détenteurs du

17 juillet 2013 n'ont pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus et en l'absence d'une signification à parquet, été régulièrement notifiées. Elles n'ont par suite pu régulièrement interrompre la prescription quadriennale de l'action en recouvrement prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article L. 274 rappelées au point 5. La prescription de l'action en recouvrement des impositions mentionnées ci-dessus était en conséquence, et comme précédemment, acquise le

8 décembre 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 47 de la loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 qui ont porté à six ans le délai de prescription de l'action en recouvrement pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement. Les mises en demeures du 29 mai 2015 étaient par suite également à cet égard relatives à des impositions prescrites. M. B...est dès lors fondé à demander la décharge de l'obligation de payer ces impositions ainsi que les frais y afférents.

Sur l'obligation de payer les contributions sociales de l'année 2003 mises en recouvrement en 2005 :

10. M. B...fait valoir que ces impositions sont prescrites, quatre ans s'étant écoulés entre la date du jugement du 21 juin 2010 et la mise en demeure du 29 mai 2015.

11. L'article L. 274 , 2ème alinéa, du livre des procédures fiscales prévoit : " Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. ". Ces dispositions, issues de l'article 47 de la loi 2013-1117 du 6 décembre 2013, sont entrées en vigueur le 8 décembre 2013. Il ne résulte d'aucune stipulation conventionnelle entre la France et la Suisse que les deux pays disposeraient d'un instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur le revenu. Les impositions en cause ayant été mises en recouvrement au plus tôt le 31 aout 2005, et compte tenu de la suspension du recouvrement intervenue entre le 16 décembre 2005, date de la réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, et le 21 juin 2010, date du jugement du Tribunal administratif de Paris portant sur ces impositions, la prescription quadriennale n'était pas acquise à la date d'entrée en vigueur des dispositions précitées. La prescription de six ans étant dès lors applicable, le recouvrement des impositions en cause n'était pas prescrit à la date où ont été notifiées les mises en demeure en cause.

Sur l'obligation de payer les frais afférents aux contributions sociales de l'année 2003 mises en recouvrement en 2005 :

12. Le requérant fait valoir que les intérêts moratoires n'ont pas fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement ni d'une mise en demeure préalable.

13. L'article L. 209 du livre des procédures fiscales prévoit : " Lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'une rectification ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts. ". Les intérêts moratoires mentionnés à cet article, qui ont pour objet de réparer le préjudice subi par l'administration du fait du retard avec lequel le contribuable s'est acquitté des impositions pour lesquelles il a bénéficié d'un sursis de paiement, ne sont que l'accessoire des impositions auxquelles ils se rattachent. Il résulte en outre des dispositions précitées que, dès que le jugement du tribunal administratif mettant fin au sursis de paiement a rétabli le contribuable dans son obligation de payer les impositions restant à sa charge, les intérêts moratoires sont dus de plein droit. Par suite, le comptable public pouvait poursuivre le recouvrement des intérêts moratoires sans avoir au préalable émis un avis de mise en recouvrement.

14 L'article L. 281 du livre des procédures fiscales prévoit : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétente mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ". L'article L. 255 dudit livre applicable jusqu'au 1er octobre 2011 prévoit :" Lorsque l'impôt n'a pas été payé à la date limite de paiement et à défaut d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement avec constitution de garanties dans les conditions prévues par l'article

L. 277, le comptable du Trésor chargé du recouvrement doit envoyer au contribuable une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais ". Enfin l'article L. 257-0 A du même livre, applicable à compter du 1er octobre 2011 prévoit : " A défaut de paiement des sommes mentionnées sur l'avis d'imposition à la date limite de paiement ou de celles mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement et en l'absence d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement formulée dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 277, le comptable public compétent adresse au contribuable une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais au sens de l'article 1912 du code général des impôts ". Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales que les moyens tirés de l'irrégularité en la forme d'un acte de poursuites, dont relèvent les griefs tenant au défaut d'envoi préalable de la lettre de rappel prévue à l'article L. 255 dudit livre ou de la mise en demeure prévue à l'article

L. 257-0-A du même livre, applicable à compter du 1er octobre 2011, ressortissent à la compétence du juge judiciaire et ne peuvent être utilement invoqués par les redevables à l'appui de leur contestation, devant le juge administratif, de leur obligation de payer.

15. M. B...fait valoir également que les " frais " en cause n'ont fait l'objet d'aucun acte interruptif de prescription.

16. Les intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, qui ont pour objet de réparer le préjudice subi par l'administration du fait du retard avec lequel le contribuable s'est acquitté des impositions pour lesquelles il a bénéficié d'un sursis de paiement, ne sont que l'accessoire des impositions auxquelles ils se rattachent et constituent, par suite, des créances de nature fiscale. Ainsi, les dispositions précitées de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles l'action en recouvrement des créances fiscales se prescrit par quatre ans, sont applicables aux poursuites contre les débiteurs des intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 209 du livre des procédures fiscales. Les mêmes règles de prescription doivent s'appliquer aux frais de poursuite. La prescription du recouvrement des frais en cause ne saurait être regardée comme acquise pour les motifs indiqués au point 11., tirés de la suspension de l'action en recouvrement et de l'entrée en vigueur d'un délai de prescription de cette action de six ans.

17. M. B...soutient enfin qu'il n'a pas reçu les avis d'imposition correspondant aux impositions visées par les actes de poursuite litigieux. Toutefois, l'administration fait valoir sans être utilement contestée que M.B..., qui a présenté une réclamation préalable le

16 décembre 2005 à l'encontre des impositions établies au titre de 2001 à 2003, puis a saisi la juridiction administrative le 8 janvier 2003 et le 4 août 2006, a nécessairement eu connaissance de ces impositions. D'ailleurs, M. B...a indiqué lors de sa réclamation préalable du

16 décembre 2005 qu'il produisait au soutien de sa demande les huit avis d'imposition concernés. Par suite le requérant doit être regardé comme ayant reçu les avis d'imposition en cause visés par les mises en demeure litigieuses du 29 mai 2015. Le moyen ne peut par suite qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les " frais " qui lui étaient réclamés, ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 99 058,25 euros qui lui a été réclamée au titre des intérêts moratoires et la somme de 2 784 euros qui lui a été réclamée au titre des frais de poursuite. Il est également fondé à demander la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales établis au titre des années 1998 à 2000 ainsi qu'au titre de l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2002 et 2003 mis en recouvrement en 2004, ainsi que des frais afférents à l'ensemble de ces impositions. Il n'est en revanche fondé, pour le surplus, ni à demander la décharge de l'obligation de payer des sommes supplémentaires au titre des " frais " qui lui ont été réclamés, ni à contester le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1518615/2-1 du 10 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les " frais " réclamés à M. B...par les mises en demeure du 27 mai 2015.

Article 2 : M. B...est déchargé de l'obligation de payer les sommes qui lui ont été réclamées par les mises en demeures du 29 mai 2015 au titre des " frais " à hauteur de 101 842 euros.

Article 3 : M. B...est déchargé de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales établis au titre des années 1998 à 2000 ainsi qu'au titre de l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2002 et 2003 mis en recouvrement en 2004, ainsi que des frais y afférents.

Article 4 : Les dispositions du jugement n° 1518615/2-1 du Tribunal administratif de Paris non concernées par l'article 1er ci-dessus sont réformées en ce qu'elles ont de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. B...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 17PA03717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03717
Date de la décision : 06/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL FISCALP

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-06;17pa03717 ?
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