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31/01/2019 | FRANCE | N°18PA02757

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2019, 18PA02757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 18 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1805464 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2018, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 24 septemb

re 2018 et le 11 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me Ralitera, demande à la Cour :

1°) de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 18 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1805464 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2018, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 24 septembre 2018 et le 11 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me Ralitera, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1805464 du 12 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 18 mai 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer une attestation pour l'examen de sa demande d'asile ainsi qu'un formulaire de demande d'asile pour lui permettre de saisir l'OFPRA ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation au titre de l'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me Ralitera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- l'arrêté est irrégulier dès lors qu'il ne contient pas la mention des voies et délais de recours en méconnaissance de l'article R. 421-5 du code de justice administrative et de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 dès lors que les brochures d'information qui lui ont été remises étaient en français et que l'entretien individuel s'est déroulé en dioula alors qu'elle ne comprend que le bambara ;

- l'Espagne n'est pas le pays responsable de sa demande d'asile dès lors qu'elle n'y a pas déposé de demande d'asile ;

- l'Espagne présente des défaillances systémiques et ne respecte pas les droits des demandeurs d'asile ;

- la France aurait dû prendre en charge sa demande d'asile en raison de sa particulière vulnérabilité au sens de l'article 21 de la directive 2013/33/UE ;

- le transfert en Espagne entrainerait son renvoi en Côte d'Ivoire où elle risque de subir des violences et des traitements inhumains ou dégradants.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- et les observations de Me Ralitera, avocate de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1988, relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 18 mai 2018 ordonnant son transfert aux autorités espagnoles.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est présentée pour la première fois à la préfecture du Val-de-Marne le 28 mars 2018 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile, que ses empreintes ont été relevées pour être comparées sur le fichier Eurodac et qu'une attestation de demandeur d'asile lui a été remise. Le 4 avril 2018, après consultation du fichier Eurodac, le préfet a demandé aux autorités espagnoles si elles acceptaient de prendre en charge la demande d'asile de Mme A.... Suite à une décision explicite d'acceptation de prise de charge des autorités espagnoles en date du 3 mai 2018, le préfet du Val-de-Marne a ordonné le transfert de Mme A... en Espagne par l'arrêté contesté du 18 mai 2018.

5. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 28 mars 2018 que Mme A...a été entendue par un agent de la préfecture du Val-de-Marne avec l'assistance d'un interprète en langue dioula. L'arrêté contesté du 18 mai 2018 a été notifié à l'intéressée par l'intermédiaire d'un interprète en langue bambara. Les brochures d'information A et B, contenant les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 précité, ont pourtant été remises à Mme A...en français, à raison, selon les mentions portées sur le compte rendu de l'entretien, de leur indisponibilité en dioula. Il ne ressort toutefois nullement des pièces du dossier que ces brochures ont été traduites dans une langue que l'intéressée comprend, ni davantage, compte tenu de ce qui vient d'être dit, qu'il pouvait raisonnablement être supposé que l'intéressée comprenait le français. Par suite, nonobstant la circonstance que Mme A... ait signé les brochures, le préfet du Val-de-Marne ne démontre pas que les informations prévues à l'article 4 précité du règlement (UE) n° 604/2013 lui aient été remises dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'elle la comprend. Dès lors que ce manquement a privé l'intéressée d'une garantie de procédure, Mme A...est fondée à soutenir que l'arrêté contesté du 18 mai 2018 est entaché d'illégalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande présentée par MmeA.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ralitera, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ralitera de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 1805464 du 12 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté en date du 18 mai 2018 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ralitera, avocate de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ralitera renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au préfet du Val-de-Marne, et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02757
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : RALITERA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-31;18pa02757 ?
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